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SÉANCE DU SOIR, 13 JANVIER.

La discussion s'ouvre sur un projet de loi dont les principales dispositions sont : « Que tout citoyen a le droit d'élever un << théâtre, en faisant sa déclaration à la municipalité; que l'ou« vrage d'un auteur mort depuis cinq ans est une propriété pu«blique; que les municipalités auront le droit de police sur les << théâtres. >>

L'abbé Maury, après avoir dit qu'une pareille loi ne peut être un objet de délibération pour les ecclésiastiques, veut persuader qu'il est important de soumettre à la censure les œuvres dramatiques. Mirabeau :

Il m'a été difficile de deviner si le préopinant était monté à la tribune pour son plaisir ou pour

le nôtre.

On applaudit.

Il nous a très-bien dit, et avec beaucoup d'esprit, que, comme ecclésiastique, il ne pouvait pas monter à la tribune, et on pouvait lui répondre qu'en effet on n'y était jamais comme ecclésiastique.

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On applaudit dans la partie gauche : plusieurs voix s'élèvent dans la partie droite: cela ne vaut rien.

J'entends très-bien, cela ne vaut rien. Je suis de votre avis, si vous pensez que j'ai voulu faire une épigramme; mais si j'ai voulu rappeler un principe qui condamne à l'absurdité quiconque voudrait arguer de la compétence ou de la non-compétence des ecclésiastiques dans cette assemblée, j'ai dit une vérité incontestable. Je ne cherche point à répondre à aucune objection de M. l'abbé Maury,

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car sans doute il n'a pas eu la prétention d'en faire; je lui témoignerai seulement ma reconnaissance pour l'avis sage qu'il a bien voulu nous donner, afin de prévenir les écarts de l'imagination des auteurs. Nous le supplions d'être aussi tranquille sur les Mélitus que nous le sommes sur les Socrates. Quant à la seule chose qui aurait pu paraître une objection, celle de la licence qui pourrait résulter de permettre à tout citoyen d'élever un théâtre, il serait fort aisé d'enchaîner toute espèce de liberté en exagérant toute espèce de danger; car il n'est point d'acte d'où la licence ne puisse résulter. La force publique est destinée à la réprimer, et non à la prévenir aux dépens de la liberté. Quand nous nous occuperons de l'instruction publique, dont le théâtre doit faire partie; quand nous nous occuperons d'une loi, non sur la liberté de la presse, mais sur les délits de la liberté de la presse, c'est ainsi qu'il faut s'expliquer pour être conséquent aux principes, alors on verra que les pièces de théâtre peuvent être transformées en une morale très-active et très - rigoureuse. Quoi qu'il en soit, où il n'y a pas d'objection il ne faut pas de réponse. Je demande donc qu'on aille aux voix sur le projet du comité.

Un membre observe que la disposition relative au maintien de l'ordre dans l'intérieur de la salle est insuffisante. Mirabeau :

Une salle de jeux publics hérissée de baïonnettes est un spectacle qu'il faut repousser avec horreur.

SÉANCE DU 14 JANVIER.

Projet d'adresse aux Français sur la constitution civile du clergé, adopté et présenté par le comité ecclésiastique à l'assemblée nationale, dans la séance du 14 janvier 1791, et prononcé par Mirabeau.

FRANÇAIS,

Au moment où l'assemblée nationale ordonne le sacerdoce à vos lois nouvelles, afin que, toutes les institutions de l'empire se prêtant un mutuel appui, votre liberté soit inébranlable, on s'efforce d'égarer la conscience des peuples. On dénonce de toutes parts la constitution civile du clergé, décrétée par vos représentants, comme dénaturant l'organisation divine de l'Église chrétienne, et ne pouvant subsister avec les principes consacrés par l'antiquité ecclésiastique.

Ainsi nous n'aurions pu briser les chaînes de notre servitude sans secouer le joug de la foi ?.... Non : la liberté est loin de nous prescrire un si impraticable sacrifice. Regardez, ô concitoyens! regardez cette Église de France dont les fondements s'enlacent et se perdent dans ceux de l'empire lui-même; voyez comme elle se régénère avec lui; et comme la liberté qui vient du ciel, aussi bien que notre foi, semble montrer en elle la compagne de son éternité et de sa divinité! Voyez comme ces deux filles de la raison souveraine s'unissent pour développer et remplir toute la perfectibilité de votre

sublime nature, et pour combler votre double besoin d'exister avec gloire et d'exister toujours! On nous reproche d'avoir refusé de décréter explicitement que la religion catholique, apostolique et romaine est la religion nationale;

D'avoir changé, sans l'intervention de l'autorité ecclésiastique, l'ancienne démarcation des diocèses, et troublé par cette mesure, ainsi qu'en plusieurs autres points de l'organisation civile du clergé, la puissance épiscopale;

Enfin, d'avoir aboli l'ancienne forme des nomination des pasteurs, et de la faire déterminer par l'élection des peuples.

A ces trois points se rapportent toutes les accusations d'irréligion et de persécution, dont on voudrait flétrir l'intégrité, la sagesse et l'orthodoxie de vos représentants. Ils vont répondre, moins pour se justifier que pour prémunir les vrais amis de la religion contre les clameurs hypocrites des ennemis de la révolution.

Une grande partie de l'assemblée applaudit.

Déclarer nationale la religion chrétienne, eût été flétrir le caractère le plus intime et le plus essentiel du christianisme. En général, la religion n'est pas, elle ne peut être un rapport social; elle est un rapport de l'homme privé avec l'être infini. Comprendriez-vous ce que l'on voudrait vous dire, si l'on vous parlait d'une conscience nationale? Eh bien! la religion n'est pas plus nationale que la conscience: car un homme n'est véritablement

pas

religieux parce qu'il est de la religion d'une nation; et quand il n'y aurait qu'une religion dans l'univers, et que tous les hommes se seraient accordés pour la professer, il serait encore vrai que chacun d'eux n'aurait un sentiment sincère de la religion, qu'autant que chacun serait de la sienne; c'est-à-dire, qu'autant qu'il suivrait encore cette religion universelle, quand le genre humain viendrait à l'abjurer.

Les applaudissements recommencent.

Ainsi, de quelque manière que l'on envisage une religion, la dire nationale, c'est lui attribuer une dénomination insignifiante ou ridicule.

Serait-ce comme juge de sa vérité, ou comme juge de son aptitude à former de bons citoyens, que le législateur rendrait une religion constitutionnelle ? Mais d'abord y a-t-il des vérités nationales? En second lieu, peut-il jamais être utile au bonheur public que la conscience des hommes soit enchaînée par la loi de l'état? La loi ne nous unit les uns aux autres que dans les points où nous nous touchons. Or, les hommes ne se touchent que par la superficie de leur être; par la pensée et la conscience, ils demeurent isolés, et l'association leur laisse, à cet égard, l'existence absolue de la nature.

Les applaudissements continuent.

Enfin, il ne peut y avoir de national dans un émpire, que les institutions établies pour produire des effets politiques ; et la religion n'étant

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