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mentionnés, s'ils n'avaient le mérite de rappeler ceux de M. Barye, et de faire sentir la convenance d'un jugement qui exclut les uns et admet les autres.

Lorsqu'on a parcouru pas à pas cette immense collection des œuvres de l'art contemporain, et qu'on a fermé le livret à sa dernière page, on est tenté de poser des questions. Où va l'art? Est-il en progrès ou en décadence? Peut-on, d'après ce qui se fait, prévoir ce qui se fera? Mais on n'est guère tenté de chercher une réponse. L'œil le plus pénétrant ne saurait regarder bien loin dans la fortune future de l'art. Les révolutions du goût sont, comme celles de la société, toujours imprévues quant au temps, toujours différentes de ce qu'avait pu préjuger la raison qui construit l'avenir sur le modèle du passé. Qui aurait prévu qu'après Poussin viendraient Vanloo et Boucher, après ceux-ci, et presque sans transition, David, et après David, ce que nous voyons? Et non-seulement la destinée, même prochaine, de l'art dépasse la portée de nos prévisions, mais son état présent nous échappe. Plongés au sein des choses, nous n'en voyons que les détails, les diversités; nous en sommes trop près pour embrasser l'ensemble, qui ne peut être saisi que dans la perspective du temps. Il doit y avoir une unité, une physionomie générale dans les produits de l'art contemporain. Qui pourrait aujourd'hui reconnaître, nommer cette résultante? Nous n'essaierons donc même pas d'agiter ces problèmes; nous n'ajouterons pas à tant de décisions si sujettes à erreur sur le présent des hypothèses sur l'avenir, et nous terminerons ici nos observations sur le salon de 1843.

L. PEISSE.

DES

INTÉRÊTS FRANÇAIS

DANS L'OCÉANIE.

Les questions que semblaient pouvoir susciter nos établissemens nouveaux dans l'Océan Pacifique ont perdu une partie de leur importance depuis les explications échangées dans les deux chambres du parlement anglais. Le cabinet britannique n'élève aucune objection contre l'occupation des îles Marquises et des îles de la Société; il reconnaît pleinement le droit de la France d'étendre son système de colonisation par tous les procédés conformes aux règles du droit des gens; il ne réclame, en faveur de ses nationaux, que le respect de principes inviolables et sacrés, auxquels la France ne pourrait porter la plus légère atteinte sans se mettre elle-même en contradiction avec ses lois fondamentales.

Les déclarations de sir Robert Peel et de lord Aberdeen ne nous ont pas surpris. Des motifs généraux, sur lesquels il est inutile d'insister, ne permettaient pas de croire que le cabinet français se fût exposé, pour un intérêt fort secondaire, à des difficultés sérieuses, systématiquement écartées depuis deux ans au prix de sacrifices plus pénibles. Un gouvernement qui eût couru le plus léger risque d'altérer ses bons rapports avec l'Angleterre pour conquérir Nukahiva et pour exercer un protectorat à Papiti, après avoir abandonné

l'Orient et l'Espagne à l'ascendant de son allié, n'eût pas été seulement le plus téméraire des pouvoirs, il en aurait encore été le plus insensé. Il y avait donc certitude morale que les entreprises de l'amiral commandant notre station dans la mer du Sud ne feraient naître aucune complication diplomatique, et que, si des clameurs étaient poussées par certains organes de la presse anglaise et dans quelques meetings religieux, le gouvernement prudent et habile que dirige sir Robert Peel ne s'associerait point à ces violences et à ces injures.

Ce gouvernement poursuit d'ailleurs à cette heure même près de la France des négociations dont l'issue le préoccupe trop vivement pour qu'il se laisse entraîner par les déclamations de quelques énergumènes. Lorsqu'on croit entrevoir la possibilité d'ouvrir enfin le marché français à la fabrique anglaise, lorsqu'on médite et qu'on espère l'asservissement industriel de l'Espagne, on ne se détourne pas de ces grands et hardis desseins pour prêter l'oreille aux cris d'Exeter-Hall, et prendre fait et cause pour le roi Yotété ou la reine Pomaré-Vahine.

Cette conduite mesurée s'explique d'ailleurs par le caractère précaire et peu menaçant de nos futurs établissemens coloniaux, et plus encore peut-être par les négociations auxquelles il est naturel de supposer qu'ont donné lieu des faits antérieurs peu éclaircis jusqu'à ce jour. Disons-en d'abord quelques mots.

On se rappelle qu'aux derniers mois de 1839 de grands projets de colonisation avaient été conçus pour la Nouvelle-Zélande. Le concours du gouvernement français dans cette opération est devenu plus manifeste encore depuis que la récente discussion de la loi des comptes a révélé au public le genre d'assistance donné aux colons embarqués à Nantes et à Bordeaux (1). C'était une prise de possession qu'on entendait évidemment consommer, c'était un établissement politique et militaire qu'on se proposait de fonder à la presqu'île de Banks.

Mais l'Angleterre savait tout ce que renferme de richesse et d'avenir ce sol fertile et salubre, et ses navigateurs comme ses missionnaires lui avaient depuis long-temps révélé l'importance de cette position maritime. Elle hésita d'abord à prendre possession officielle d'un vaste territoire sur lequel elle ne pouvait faire valoir

(1) Ordonnance royale du 4 janvier 1840, qui attribue six canons avec leurs affûts et une assez grande quantité d'armes et de munitions à la compagnie de la Nouvelle-Zélande.

aucun titre de priorité de découverte, de cession ni de conquête. On sait en effet que la Nouvelle-Zélande, visitée au commencement du XVIIe siècle par des marins hollandais, est divisée en une multitude de peuplades distinctes, sans aucun lien même nominal, et qu'aucun chef n'est en mesure de consentir un transfert quelque peu spécieux de souveraineté sur l'une ou l'autre des deux grandes îles. Cependant cet obstacle n'arrêta pas le capitaine Hobson, envoyé sur les lieux dans le cours de 1839, avec mission de négocier des achats partiels de territoire dans le but de faciliter la création de quelques établissemens agricoles. Apprenant qu'une expédition française était sur le point d'arriver, et vingt jours seulement avant le débarquement de nos colons dans la baie des Iles, Hobson proclama audacieusement la souveraineté de l'Angleterre sur toutes les terres et îles adjacentes. La hardiesse de cette mesure, prise en violation flagrante du droit international comme de celui des indigènes, fit un instant reculer le cabinet britannique. Mais ce gouvernement ne désavoue guère les agens qui, dans les circonstances difficiles, confessent énergiquement la puissance de leur patrie. L'opinion publique était vivement excitée par les organes d'une compagnie à la tête de laquelle se trouvaient placés des capitalistes et des hommes parlementaires. Le sentiment religieux, si puissant sur cette grande race anglaise, venait d'ailleurs de s'éveiller au récit de la visite pastorale récemment faite par l'évêque d'Australie aux missionnaires épiscopaux établis sur quelques points de ces côtes abandonnées (1). Enfin, dans la douloureuse période écoulée entre le traité du 15 juillet et la convention des détroits, la France n'était pas en mesure de poursuivre aux extrémités du monde le redressement d'un grief qui affectait son honneur plus que ses intérêts. Toutes ces circonstances déterminèrent le cabinet de la reine Victoria à faire un pas nouveau dans cette voie d'agrandissement colonial, qui est bien moins, depuis un siècle, le résultat d'un système que la conséquence de pressantes nécessités. Ainsi, la Nouvelle-Zélande fut solennellement proclamée colonie de la couronne, partie intégrante du domaine britannique, et siège d'une église épiscopale. Depuis 1841, des ventes de terre considérables s'y opèrent chaque année au compte du gouvernement, et la ville de Wellington s'élève comme par enchantement sur ces rivages où la France n'abordera plus désormais sans trouver un souvenir de

(1) Proceedings of the church missionnary society, 1840, p. 85. — Polynesia including New-Zeland, by the Right. rev. M. Russell, p. 359.

Waterloo. La question de souveraineté a donc été tranchée, malgré des réclamations qui n'ont pu manquer d'être pressantes, et les négociations encore pendantes indiquées par M. le ministre des affaires étrangères dans la discussion des comptes de 1840 (1) ne peuvent désormais porter que sur les droits personnels de nos colons et la sécurité de leurs propriétés particulières. Nous ne concevons à cet égard nulle inquiétude; nous sommes aussi rassurés que les Anglais ont droit de l'être pour ceux de leurs compatriotes que les hasards de leur vie ou le dévouement religieux ont conduits dans les deux archipels sur lesquels flotte en ce moment le drapeau français.

Dans le cours de ces transactions, le gouvernement britannique, pour désintéresser plus facilement le nôtre, a sans doute déroulé plus d'une fois devant lui la carte de ces terres innombrables que la Providence a semées sur une ligne de deux mille lieues entre l'Amérique et l'Asie, comme autant de stations inoccupées pour le commerce et la civilisation de l'Europe. Il lui a montré, au-delà de ces grandes terres désormais et à toujours anglaises, les archipels des Amis, des Navigateurs, de la Société, de Gambier, des Marquises, toutes ces belles îles de corail, les dernières œuvres de la création, les plus brillantes perles de sa couronne, terres vierges et parfumées, qui ont échappé jusqu'à ce jour au contact et à la domination du vieux monde. Il nous aura lui-même conviés à nous faire une part dans ce partage. Lorsque, par ses soldats, ses marins, ses missionnaires et ses convicts, l'Angleterre s'est rendue maîtresse des Indes et des principales terres australes; lorsqu'elle s'est ouvert la Chine," et s'est choisi d'inexpugnables positions dans toutes les mers; quand elle subit, sinon sans mécontentement, du moins sans murmure, la présence de la Hollande à Java, à Sumatra, à Bornéo et dans les archipels indiens, celle de l'Espagne aux Philippines et aux Mariannes, elle aurait assurément bien mauvaise grace à s'inquiéter de quelques établissemens formés par nous à l'extrémité de la Polynésie. Si c'est à cette condition que l'Angleterre a terminé l'affaire de la NouvelleZélande, personne ne niera qu'elle n'ait été bien inspirée. Elle sait fort bien que nos colonies océaniennes seront des stations toutes pacifiques, de purs comptoirs renforcés, que nous ne songerons jamais à organiser pour la guerre. Ce n'est pas entre les côtes du Japon et celles de la Californie que la France concentrera ses forces et ses ressources en cas de lutte maritime. Lorsqu'il ne lui a pas été

(1) Séance du 17 mars.

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