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tant le tyran de la France et l'ennemi de l'Europe. Que de grâce, que de tendresse, que de raison dans les lettres à la jeune épouse qui lui arrivait de la Sicile, et qu'il n'avait point encore vue : « C'est donc « dans six jours que je vous verrai! J'ai toujours «< peur que vous ne me trouviez pas beau, car les << peintres de Paris ne sont pas comme ceux de Pa«<lerme; ils flattent. Avec quel plaisir je presserai << votre main! pressez aussi la mienne, si je ne vous déplais pas trop... Ma Caroline, je vais m'occuper « de votre bonheur, de vos plaisirs... Enfin, ma« dame, je chercherai à vous rendre heureuse, et «< j'espère y parvenir. Vous avez, si je dois en croire << tout ce qui vous a vue, bonté, douceur, esprit et « gaîté. Que peut-on de mieux ? Cependant nous « nous trouverons des défauts. Tendre indulgence << sera notre devise. »

Mais quel charme inexprimable est répandu sur toutes les lettres de madame la duchesse de Berry! Quel inépuisable ornement pour un livre déjà si intéressant que cette aimable et touchante correspondance! On est confondu d'admiration de voir une jeune princesse âgée de dix-sept ans, arrivant sur une terre étrangère dans des circonstances si nouvelles et si imposantes pour elle, écrire avec cette facilité, cet abandon, ce bon goût, cette convenance parfaite, et par-dessus tout, ce naturel exquis qu'on ne trouverait à un plus haut degré dans aucune autre correspondance; et cependant la jeune princesse est timide, et c'est une grâce de plus; elle s'accuse de cette timidité qui l'empêche de répondre comme on voudrait aux acclamations des peuples.

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Ailleurs, ces mêmes acclamations lui donnent lieu de montrer tout ce qu'il y a de sérieux et de réfléchi dans ce jeune esprit, tout ce qu'il y a de raison dans cet aimable caractère. « J'y suis très-sensible, écrit<«elle. Mais je dirai tout bas à Monseigneur, à celui « pour qui je n'ai rien de caché, que je sens tout le poids de ces honneurs, et n'en serai jamais enivré : << il me tarde de jouir d'une vie paisible en famille. » Quel vou! et comme il a été cruellement trompé! Mais que de sagesse et de maturité dans une jeune personne de dix-sept ans! quelle foule de traits charmans et naturels dans d'autres lettres! Ainsi donc, aimable et infortunée princesse, vous ne deviez pas senlement nous toucher par vos douces vertus et votre bienfaisance, nous émouvoir et nous attendrir par vos malheurs, nous frapper d'admiration par la force de votre caractère, et votre héroïsme dans la plus affreuse circonstance, vous deviez encore nous enchanter par les grâces de votre esprit.

Je n'ai point encore parlé de la plus belle partie du livre de M. de Châteaubriand; de celle qui a pour objet de raconter l'attentat commis sur la personne de monseigneur le duc de Berry, ses derniers instans, à jamais dignes de mémoire, et sa mort héroïque. Le tableau de cette terrible catastrophe, dans lequel l'éloquent historien n'est resté au-dessous ni de ce qu'on pouvait attendre de son beau talent, ni de ce que pouvaient exiger nos profondes douleurs, a déjà été mis presque tout entier sous les yeux de nos lecteurs. Ils ont tous admiré cette éloquence du sentiment, rendue plus touchante par la simplicité même du récit et des expressions : ils ont tous assisté à cette

scène déchirante, si dramatique sous le pinceau de l'historien ; ils ont vu l'auguste et majestueuse douleur du roi, les ineffables douleurs d'une épouse, celles d'un père et d'un frère, celles de Madame, duchesse d'Angoulême, peintes avec des traits particuliers qui conviennent si bien à cette auguste princesse, sensible et douloureux témoin de tant d'autres crimes et de tant d'autres infortunes! Tous ont pleuré, et ces larmes, qui ont si souvent obscurci les yeux des lecteurs, si souvent mouillé les pages du livre, sont le premier et le plus bel éloge de l'écrivain.

SECTION IV.

MÉMOIRES ÉTRANGERS.

Mémoires de Benvenuto Cellini, orfévre et sculpteur Florentin, écrits par lui-même, où se trouvent beaucoup d'anecdotes curieuses touchant l'histoire et les arts, traduits de l'italien, par M. T. de Saint-Marcel.

Benvenuto Cellini était orfévre comme M. Josse; mais il était, de plus que M. Josse, homme de génie, grand dessinateur, grand sculpteur, élève de MichelAnge, et digne d'un tel maître, contemporain et émule des célèbres artistes qui illustrèrent l'Italie au seizième siècle, de Raphaël, de Jules Romain, du Titien, de Léonard de Vinci, de Bandinelli, de Primatice et de Donatello, moins connu que les autres, et dont il accompagne cependant toujours le nom de l'épithète de divin, comme s'il le mettait au-dessus de tous les autres. Il parle dans ses Mémoires, des principaux ouvrages de ces grands maîtres, et leur réserve encore quelques expressions d'une admiration qu'on croirait tout-à-fait épuisée par celle qu'il ac

les

corde aux siens. Les rapports naturels qui unissent les beaux-arts, la poésie, les lettres et les sciences, le mettent également en relation avec les savans, poëtes et les littérateurs qui brillèrent à la même époque en Italie, et donnèrent à leur patrie les palmes de la gloire littéraire, comme les chefs-d'œuvre de ses peintres, de ses sculpteurs, de ses architectes et de ses musiciens, lui obtinrent une incontestable prééminence dans les beaux-arts.

A tous ces titres, les Mémoires de Benvenuto sont assez curieux, et lui-même mérite d'être plus connu qu'il ne l'est de la plupart des lecteurs français; mais il y a encore dans ces Mémoires d'autres sources d'intérêt, et dans sa personne d'autres motifs de curiosité. Benvenuto n'est pas moins extraordinaire par son caractère que par son génie, et par ses aventures que par ses ouvrages. C'est un artiste dans toute son exaltation et son orgueil, et avec toutes ses prétentions, ses rivalités, ses jalousies, ses superbes mépris pour les ouvrages des autres, sa profonde admiration pour les siens, ses caprices, ses inconstances et ses bizarreries; c'est un Italien du seizième siècle, indépendant par humeur, flatteur par cupidité, , promenant sa vie vagabonde d'un État à un autre; profitant du voisinage de ces petits États et du désordre des lois pour commettre avec impunité des actions très-repréhensibles, souvent même très-coupables; échappant au ressentiment d'un petit prince qu'il avait mécontenté ou offensé, en se mettant sous la protection d'un petit prince voisin, rival ou ennemi du premier. Déréglé outre mesure dans sa conduite et ses mœurs, et superstitieux à l'excès; alliant les plus

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