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<< du lieutenant français, car il avala le compliment << sans rien dire. »

C'est justement à cette époque que M. de R...... quitte son régiment et qu'il émigre; il ne peut se résoudre à prêter un nouveau serment où le nom du roi est omis; et, sacrifiant au devoir et à l'honneur les nombreux intérêts qui l'attachent à la France, il sort, emportant avec lui le Manuel du Chrétien et le Manuel de l'Artilleur, toujours fidèle à sa religion, et à l'état qu'il a embrassé, et en faisant hautement profession. C'est ici que commencent des récits pleins d'intérêt, ceux des trois premières campagnes de l'émigration. L'auteur se propose de les compléter dans un quatrième volume, où il donnera parcillement un précis de la campagne de la Vendée pendant les cent jours, campague à laquelle il a pris part, toujours prêt dans tous les temps, à toutes les époques, et dans tous les lieux, à combattre les ennemis de son roi.

Que de détails touchans et pleins d'intérêt offrent ce temps désastreux et cette situation désespérante des émigrés! Quelle patience! quelle résignation! quels travaux ! quels dangers! quelle générosité dans la victoire! quels mots touchans et sublimes s'échappent de la bouche de ceux qui tombent et meurent! que de bravoure et d'intrépidité, soit qu'ils combattent en pleine campagne, lorsqu'ils attaquent les retranchemens de l'ennemi, soit qu'ils se défendent dans les leurs, soit que, renfermés dans des murs, ils y soutiennent les efforts de bataillons nombreux et arrêtent une armée conquérante! C'est ainsi que l'importante place de Maëstricht fut sauvée en

1793 par un petit nombre de Français, parmi lesquels se distingua particulièrement, par ses bons conseils, sa fermeté, sa résolution, son intelligence et sa bravoure, M. le marquis d'Autichamp, aujourd'hui gouverneur du Louvre. Mais le caractère qui brille au-dessus de tous, c'est celui de ce héros de la maison de Bourbon, de ce prince de Condé qui les commande. Sa valeur chevaleresque, ses procédés généreux, ses soins paternels, ses paroles, ses lettres, ses discours, ses proclamations, tout inspire le respect et l'admiration. C'est en lisant le tableau des belles actions et des magnanimes sentimens de ce prince illustre, des nobles soldats.qu'il commande, et des royalistes de l'intérieur qui rivalisent avec eux de fidélité et d'honneur, qu'on pense avec l'auteur de ces Souvenirs que le vrai drapeau de la France était à l'armée de Condé ou à la Vendée.

Mémoires, Lettres et Pièces authentiques touchant la vie et la mort de S. A. R. monseigneur CharlesFerdinand d'Artois, fils de France, duc de Berry; M. le vicomte de Châteaubriand.

par

Ce n'est ici ni une analyse que je prétends faire de ce noble et touchant écrit de M. de Châteaubriand, ni un jugement que j'aurai la témérité de porter sur son mérite. Ces discussions littéraires et critiques dont les livres nouveaux sont ordinairement pour nous l'occasion ou le prétexte, seraient ici bien superflues, ou même entièrement déplacées. Plusieurs extraits de cet ouvrage, offerts dès les premiers momens de sa publication, par le Journal des Débats,

à l'avide curiosité de ses lecteurs, ont dû le leur faire connaître et apprécier bien mieux que tout ce que je pourrais en dire. Le plus grand nombre d'entre eux ne s'est même pas contenté de ces fragmens étendus; tous ou presque tous ont voulu lire l'ouvrage entier, entraînés, et par le douloureux attrait de ce qu'ils avaient déjà lu, et par le puissant intérêt du sujet, et par la haute renommée de l'auteur : tous y ont appris à mieux connaître le prince aimable et généreux, objet éternel de nos regrets et de nos larmes ; et ceux même qui, parmi nous, l'ont le plus regretté, Je plus pleuré, y auront vu de nouveaux motifs pour Je regretter encore plus et le pleurer davantage.

Tout en effet était digne d'amour, et souvent même d'enthousiasme dans ce prince infortuné. Son enfance fut aimable et vive, sa jeunesse ardente et passionnée. Son cœur intrépide battait pour la gloire, long-temps avant l'âge où cette noble passion excite les âmes les plus généreuses; son courage, rendu précoce par les malheurs de sa patrie et de sa famille, avait devancé les années, et la main d'un enfant tra. çait déjà les sentimens et les voeux d'un brave soldat et d'un preux chevalier. Son esprit, qui, dès ses plus tendres années, s'annonçait par des saillies charmantes, s'était développé par la culture, avait toujours montré beaucoup de vivacité et de pénétration, se faisait remarquer par un goût éclairé pour les beaux arts, et brille avec éclat dans quelques lettres où ce prince aimable s'exprime avec autant de facilité que de grâce, et où l'on admirerait le tour heureux qu'il sait donner à sa pensée, si l'on n'était encore plus frappé de la noblesse même de la pensée, et de l'élé

vation des sentimens. Les traits distinctifs de son caractère étaient la générosité, la bonté, la bienfaisance. Sa mort a révélé mille traits cachés et inconnus de cette dernière vertu : les discours et les éloges consacrés à sa mémoire en ont été remplis ; les chaires chrétiennes en ont retenti, et des larmes de reconnaissance, d'attendrissement et d'admiration ont coulé à ces nombreux et touchans récits. Fils respectueux, époux tendre et adoré, sujet soumis et fidèle, maître humain et généreux, fidèle à l'amitié, et en connaissant toutes les douceurs dans un rang où il est si rare d'avoir des amis, et plus rare encore de ne pas les oublier; bon Français autant qu'il est possible de l'être, et, pour le dire en un mot, aussi Français par son caractère que par sa naissance, monseigneur le duc de Berry rappelait par ses nobles et aimables qualités, et, qu'il me soit permis de le dire, par ses défauts, le plus chéri de ses augustes ancêtres. Sa mort funeste lui a donné un trait de conformité de plus avec Henri IV. Mais, plus heureux que son illustre aïeul, il a survécu de quelques heures à une blessure non moins grave et non moins mortelle que celle qui trancha subitement les jours du grand et bon Henri, et ce peu d'heures ont suffi pour faire ressortir tout l'héroïsme de son âme, pour donner un grand éclat aux qualités qu'on lui connaissait déjà, et pour en révéler de nouvelles.

Si un aussi heureux naturel n'a pas toujours été placé dans des situations où il pût se montrer avec tous ses avantages; si d'aussi brillantes dispositions, trop souvent contenues, n'ont pu prendre tout leur essor; si ce caractère ardent et actif a trop souvent

de

langui dans le repos et l'inaction; si cette vie, qui ne demandait pas mieux qu'à être occupée, n'a pas toujours été aussi pleine qu'il eût été à désirer, il faut s'en prendre aux circonstances malheureuses, et peut-être aux hommes qui réglaient les destinées de l'Europe. Jaloux de la France, jaloux de la famille auguste qui, depuis tant de siècles, faisait son bonheur et sa gloire, leurs préventions et leurs passions leur firent mal juger le caractère de la révolution française; ils la combattirent sans concert et avec maladresse; ils craignirent surtout de lui opposer bonne foi et efficacement les princes de la maison de Bourbon, qui seuls pouvaient en arrêter les progrès et les fureurs. Monseigneur le duc de Berry ne put donc que se montrer dans les faibles rangs d'une brave armée, s'y distinguer parmi les plus braves, et puis languir dans les malheurs de l'exil. Mais si ce n'est point la faute du héros, c'était, il faut l'avouer, une difficulté pour l'historien. M. de Châteaubriand l'a surmontée avec beaucoup d'art et de bonheur. Il raconte noblement ce qu'a fait monseigneur le duc de Berry; il lui tient compte, avec beaucoup d'équité, de ce qu'il aurait voulu faire, ainsi que le prouvent des témoignages irrécusables où éclatent les résolutions les plus généreuses et le plus brillant courage; il montre ce qu'avec tant et de si belles qualités il aurait pu faire, et ce qu'il eût probablement fait un jour pour sa gloire et notre bonheur.

Remontant plusieurs siècles de notre histoire, M. de Châteaubriand apprend, en peu de mots, à connaître les Bourbons à une génération nouvelle qui ne connaît que la révolution, et qui même la

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