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HARVARD COLLEGE LIBRARY

JACKSON FUND

July 6, 1932

DE

PHILOSOPHIE

RELIGIEUSE ET MORALE,

D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.

HISTOIRE.

SECTION PREMIÈRE.

HISTOIRE GÉNÉRALE.

Essai historique, politique et moral sur les révolutions anciennes et modernes, considérées dans leurs rapports avec la Révolution française; par M. de Châteaubriand.

BOSSUET, faisant une analyse rapide d'un ouvrage célèbre dans l'antiquité chrétienne, le livre des Rétractations de saint Augustin, s'exprime ainsi : « Son ouvrage des Rétractations se réduit à trois << points: car, ou il explique distinctement ce qu'il << avait dit d'une manière confuse et trop générale, « ou il supplée ce qui manque, en ajoutant ce qu'il

<< a omis, ou il se reprend et se corrige comme ayant « été dans l'erreur. » N'est-ce pas là l'idée générale, et, pour ainsi dire, l'analyse du travail que M. de Châteaubriand a fait sur le plus ancien, sur le premier de ses ouvrages? Comme l'auteur du livre des Rétractations, il explique, il supplée, il développe, mais surtout il se reprend sans ménagement, et se corrige sans faiblesse. Saint Augustin avait attaché une modeste préface à ce livre précieux qui est resté dans la postérité, et comme un titre de sa gloire et de son génie, et comme un témoignage de ses vertus. La préface que M. de Châteaubriand a placée à la tête de son Essai sur les Révolutions réunit à beaucoup de modestie le plus vif intérêt, l'expression des principes les plus nobles et des sentimens les plus généreux. Enfin, pour dernier parallèle entre deux ouvrages si différens si différens pour le sujet et les matières qui y sont traitées, et qui n'ont de ressemblance que dans la sincérité, la bonne foi, la candeur, la modestie de leurs auteurs, et dans cette franche et courageuse censure qu'ils ont exercée sur eux-mêmes, j'observerai que de même que saint Augustin ne rétracte pas toujours dans son livre des Rétractations, que quelquefois même il rend, à ce qu'il a dit et écrit, ce témoignage Rectissimè dixi; de même M. de Châteaubriand ne désavoue pas tout ce qu'il a écrit dans son Essai sur les Révolutions. Il défend quelquefois les sentimens qu'il y a exprimés, les principes qu'il y a développés, quoique peut-être avec une formule moins tranchante que celle que j'ai rapportée au grand et saint docteur de l'Église,

On ne peut disconvenir qu'un pareil livre, unique,

pour ainsi dire, dans l'histoire des lettres et des écrivains, et avec lequel je n'ai pu trouver qu'une ressemblance assez éloignée dans l'antiquité sacrée, ne soit très-propre à piquer la curiosité des lecteurs, déjà excitée par une foule d'autres circonstances qui s'attachent à cet ouvrage. Cette sévérité d'un auteur envers lui-même, franche, loyale, rigoureuse, que quelquefois même ses amis trouveront sans mesure, et que ses ennemis ne pourront s'empêcher de trouver sans ménagement et sans faiblesse, telle enfin qu'euxmêmes auraient de la peine à en exercer une plus inflexible, est certainement une singularité trèspiquante, ajoutée à une composition très-singulière par elle-même. Quel livre, en effet, que l'Essai sur les Révolutions! Quel plan immense, formé par un jeune homme pour ainsi dire au sortir du collége, et au milieu des traverses, du tumulte, des agitations les plus contraires à la méditation et à l'étude! Et comme si ce plan n'eût pas suffi à une imagination ardente, et à un esprit avide de tout connaître, de tout discuter, de tout soumettre à ses investigations et à ses recherches, l'auteur l'étend sans cesse, ou plutôt il ne lui reconnaît aucunes bornes, aucunes limites. Vous croiriez ne rencontrer que l'historien et le politique dans un Essai sur les Révolutions anciennes comparées avec la Révolution française, et vous y trouvez le philosophe, le métaphysicien même très - subtil; le littérateur, le critique, le savant, l'érudit, le traducteur, le compilateur, le philologue. Ce n'est point un éloge que je fais, car personne n'est plus partisan que moi de l'unité de plan et de sujet; rien ne me paraît plus opposé au

goût que ce mélange de tous les objets, ni plus contraire à une bonne composition littéraire que cette confusion de matières qui y sont entassées ; mais c'est une chose étonnante que je remarque. Et qu'y a-t-il de plus étonnant que cette érudition immense, et tous ces livres souvent rares et curieux, cités, analysés, souvent traduits par un jeune homme isolé, sans secours, sans bibliothèque, et dans la vie duquel, alors si courte, et passée soit dans la dissipation de Paris, soit dans les forêts et les solitudes du Nouveau-Monde, et parmi des peuples sauvages, soit dans le tumulte des camps, où l'avaient rappelé la guerre, le devoir et l'honneur, il était difficile de trouver quelques instans pour la lecture, la méditation et l'étude!

Assurément, cette érudition est souvent déplacée et hors de propos; elle n'entrait nullement, le plus souvent du moins, dans le plan de l'ouvrage ; et, ce qu'il y a de pis, c'est que le plan lui-même est mauvais, de sorte que l'auteur se trouve entre deux écueils; s'il sort de ce plan, comme il lui arrive continuellement, il fait une composition irrégulière; s'il s'y renferme, il ne peut que produire un ouvrage systématique, paradoxal, tranchons le mot, en ne ménageant pas plus l'auteur qu'il ne se ménage luimême, bizarre. Quels rapports, en effet, peut-il y avoir entre les révolutions de quelques peuplades barbares, de quelques cités récemment civilisées, occupant quelques lieues de terrain, et la révolution française? Qu'y a-t-il de commun entre les hommes d'époques si reculées, de mœurs si différentes, de situations si diverses? Mais j'aurais honte d'insister

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