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sondé les dispositions des puissances étrangères, et les avaient trouvées trop insensibles à leur malheur. L'Angleterre était accusée, avec assez de vraisemblance, de susciter nos troubles, d'entretenir et d'augmenter la fermentation révolutionnaire. L'Autriche et la Prusse voulaient en profiter pour leurs projets d'agrandissement et d'ambition, et n'avaient garde de faire cesser trop tôt des divisions qui affaiblissaient la France. Combien de fois ces puissances alarmées ont dû déplorer cette politique intéressée! Par combien d'humilians revers elles l'ont expiée! L'Espagne seule était franche et noble dans l'intérêt qu'elle exprimait, et dans ses offres de secours : elle éprouve, en ce moment, que cet exemple généreux n'a été perdu ni pour elle ni pour nous (1).

Quelques tentatives avaient été faites aussi auprès des principaux chefs de la révolution. Mirabeau, le plus influent de tous, avait été gagné; des sommes d'argent assez considérables lui étaient données, pour en gagner d'autres; et M. le comte Louis de Bouillé soupçonne qu'elles n'étaient pas toutes employées à cet usage. Je lis dans les Mémoires de M. son père, de l'illustre général, marquis de Bouillé, que des sommes avaient été données aussi à M. de La Fayette, pour gagner quelques écrivains à la cause royale; mais que ce commandant de la garde nationale les donnait surtout aux écrivains qui voulaient le vanter; soit que M. de Bouillé se trompe, soit que M. de La Fayette crût de bonne foi, que le meilleur moyen de

(1) Cet article fut écrit au moment de l'expédition de M. le dauphin en Espagne.

servir le roi et la France, c'était de le servir lui-même, en quoi il se trompait aussi.

Je dirai peu de choses des autres Mémoires contenus dans ce volume. Celui de M. le comte de Raigecourt est d'un brave et loyal militaire, qui, ayant passé sa vie dans les camps, et plus de trente ans hors de sa patrie, a un peu négligé l'art d'écrire; mais il ne s'en pique point, et raconte avec beaucoup de simplicité et de franchise ce qu'il a fait, ce qu'il a vu dans cette mémorable entreprise, dont, malgré sa jeunesse, il avait mérité de faire partie. M. de Valory, au contraire, plein de douloureuses émotions à ce triste souvenir, croit trop que la rhétorique lui servira à les mieux exprimer, et l'appelle trop souvent à son secours; mais son Mémoire contient plusieurs faits curieux, qu'on ne trouve pas ailleurs. Dans les ouvrages d'un si haut intérêt, c'est la force et la substance des choses qui captivent toute l'attention du lecteur; il s'occupe moins de la forme et du style. Toutefois, c'est lui offrir un attrait de plus, que de réunir à l'intérêt du sujet celui d'une élocution pure, facile et agréable. En parcourant ce volume, le lecteur a déjà trouvé ce double mérite dans le Mémoire de M. le comte Louis de Bouillé il le retrouvera dans celui de M. le comte Charles de Damas : sa relation, pleine d'âme et de sentiment, est très-attachante; son style a quelque chose de net, de franc et de loyal, qui, comme sa conduite dans cette mémorable occasion, dont il nous retrace l'histoire, est tout-à-fait digne d'un vrai chevalier français.

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Dernières Années du règne et de la Vie de Louis XVI; par M. François Hue, l'un des officiers de la chambre du roi,

Il arrive trop souvent que les hommes qui sont à portée de voir les personnages les plus importans, et de connaître les événemens les plus intéressans, sont privés du talent de peindre les uns et de raconter les autres; ou que ceux qui sont doués de ce talent, placés dans une position moins heureuse, n'ont rien vu, rien connu par eux-mêmes, et sont obligés de se fier à des témoignages trompeurs, à des relations mensongères. Écrite par les premiers, l'histoire a peu d'intérêt; écrite par les seconds, elle inspire peu de confiance : ce sont là les deux grands écueils de l'histoire contemporaine. C'est donc un rare bonheur que l'historien des dernières années de Louis XVI réunisse ce double avantage; qu'il ait vu de ses yeux la plupart des choses qu'il raconte, et que tout à la fois témoin éclairé et écrivain plein du jugement et de goût, il imprime à ses touchans récits le double sceau de la vérité, qui exclut tout doute et toute défiance, et de l'intérêt porté au plus haut degré. M. Hue avait déjà de grands titres à la reconnaissance de tous les bons Français; il vient d'en acquérir un nouveau, en publiant cet ouvrage. Il avait été un des serviteurs les plus dévoués de Louis XVI: il en est devenu le digne historien.

L'histoire de la révolution, si féconde en tableaux, en offre deux principaux qui l'emportent de beaucoup sur tous les autres, et par la singularité et l'im

portance des événemens, et par l'abondante moisson de leçons dures et d'instructions amères qui en découlent : c'est son commencement et sa fin. Il y a un intérêt bien pénible, mais infiniment attachant par la douleur même qu'il porte dans l'âme, à observer par quelles aberrations et quelles erreurs, par quelles passions et quelles séductions, par quels malheurs et quels crimes une nation florissante a été précipitée dans le plus effroyable abîme de maux; un peuple renommé par sa douceur, sa politesse et ses qualités sociales, a été entraîné dans une longue suite d'actions révoltantes et féroces; un peuple fier et généreux a courbé la tête sous le joug le plus intolérable et le plus avilissant, a renversé le trône et dressé l'échafaud de Louis XVI, en accusant le despotisme et la tyrannie de ce bon et vertueux monarque; a obéi à Marat et à Robespierre, en criant vive la liberté ! ou du moins a été tellement subjugué par des factieux et des misérables, qu'esclave enchaîné, il a paru ami de leur domination et complice de leurs fureurs. C'est un spectacle non moins intéressant et beaucoup plus consolant, quoique mêlé de beaucoup de circonstances douloureuses et de souvenirs affligeans, que celui de ce même peuple, sortant enfin de cette longue oppression, pendant laquelle son joug avait souvent varié dans ses formes, sans jamais cesser d'être honteux et dur, et revenant à ses mœurs, à ses institutions, à son gouvernement et à ses rois, qui avaient long-temps fait sa gloire et son bonheur, continuant ainsi ses nobles destinées, et heureux s'il veut l'être : sua si bona nórit.

C'est le premier de ces deux tableaux que nous re

trace M. Hue avec un talent très-remarquable et une âme supérieure à son talent. Il a choisi avec beaucoup de jugement et de goût les faits dignes d'être recueillis par l'histoire et transmis à la postérité, et les a racontés sans sécheresse, mais avec une précision qui lui a permis de renfermer dans un volume les principaux événemens, et de faire connaître les principaux personnages d'une époque très-orageuse, et qui a vu figurer sur la scène politique une foule d'hommes nouveaux, dont le caractère honorable ou pervers est fait pour exercer les pinceaux de l'historien. Qu'on me permette d'insister sur une qualité si heureuse et si rare parmi les écrivains d'histoires contemporaines, au milieu de cette abondance de faits, de discours, de mémoires et de matériaux de toute espèce dont ils sont environnés : ne sachant ni choisir avec sobriété, ni classer avec discernement, ni raconter avec rapidité, ils accablent le lecteur par la multitude des détails, et l'effraient par la longueur de leurs narrations. Quelle énorme quantité de volumes ont déjà produits les cinq premières années de notre révolution! et certainement aucun d'eux, ni peut-être tous ensemble, n'en font mieux connaître et les principaux événemens et les principaux acteurs. C'est ainsi que quelques traits lui suffisent pour peindre ce ministre, le premier auteur de nos maux; cet homme qui, avec quelques talens, peut-être même avec quelques vertus, bouleversa tout en France, par esprit de système, et surtout par orgueil et par vanité. Étranger à la France, appelé au ministère par la flatteuse confiance du roi, et par une lettre charmante de la reine, tant de grâces et de fa

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