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Louis XV voulut savoir lequel; le docteur résista long-temps, mais enfin il répondit que c'était le contrôleur - général Séchelles. Le roi ne voulut pas le croire; mais trois mois après, il accourut dire à madame de Pompadour ; « Séchelles a radoté en plein <«< conseil; il faut lui donner un successeur. » Quelque temps après, le docteur prédit qu'un autre ministre (Berryer) deviendrait fou et cataleptique; et bientôt après Berryer déraisonna et tomba en câtalepsie, mot qui paraît bien étrange à madame du Hausset, et que, de son aveu, elle n'aurait pas su écrire, si Quesnay ne le lui avait pas donné par

par écrit. Ce médecin était un sorcier, sans doute; mais il y en avait de plus habiles, une sorcière surtout, madame Bontemps. On l'a souvent remarqué : les siècles d'incrédulité sont aussi ceux d'une superstitieuse crédulité. On ne sera pas étonné, que madame du Hausset, et même madame de Pompadour, aient cru à la sorcière, et même qu'elles aient été la consulter avec de grandes précautions pour n'être pas reconnues; mais des esprits qu'on devait croire plus forts et plus éclairés y croyaient aussi ; et il ne tient pas à madame du Hausset qu'on pense que le cardinal de Bernis était dupe de cette femme. Elle lui avait en effet dit, prédit et annoncé, ou elle avait deviné à son égard des choses bien étonnantes. Il en est des sorciers comme des somnambules : ceux même qui prétendent ne pas y croire en rapportent toujours des circonstances prodigieuses dont ils ont été les témoins, et qui feraient penser qu'ils y croient plus qu'ils ne le disent. Les sorciers et sorcières conduisent assez naturellement madame du Hausset au

fameux comte de Saint-Germain, modèle et précurseur de Cagliostro, plus fameux encore; elle en rapporte un assez grand nombre d'anecdotes assez curieuses.

L'envie de faire parler de soi, de se faire une réputation de bravoure, et quelquefois la cupidité, donnèrent lieu, à cette époque, à un genre d'imposture bien souvent répété en peu de temps. Un homme de la cour entre, vers quatre heures du matin (on ne se couchait alors que quand le jour commençait à paraître ) dans un salon où il y avait nombreuse compagnie. Il était dans le plus grand désordre sa bourse de cheveux était tombée, un pan de son habit était arraché, sa main droite était en sang; les dames, en jetant des cris, s'empressèrent de la couvrir d'un taffetas noir. Il raconte que, passant dans la rue Férou, il avait entendu des cris, s'était approché, et avait vu, entre les mains de deux hommes, une très-belle femme dans le plus grand danger; qu'il avait mis l'épée à la main, blessé et mis en fuite les deux voleurs, après avoir été blessé luimême; que cette dame charmante, dans l'effusion de sa reconnaissance, l'avait embrassé à plusieurs reprises, lui avait donné un anneau, mais n'avait pas voulu dire son nom. Tout ce récit, accompagné d'autres circonstances encore, fut démontré faux. Un garde-du-corps se montra aussi dans le château de Versailles, couvert de blessures, ou plutôt d'égratignures qu'il prétendait avoir reçues en repoussant un assassin qui en voulait aux jours du roi; imposture qui fut aussitôt découverte. Enfin, un enfant de quatorze ans, garde d'honneur du dau

phin, voulut aussi avoir à peu de frais les honneurs d'un combat et d'une victoire : il avait mis en fuite deux voleurs; ses habits, fort en désordre, étaient aussi tachés ou parés de quelques gouttes de sang. Pressé de questions, le petit bambin fut obligé d'avouer sa petite fourberie.

Ces Mémoires sont terminés par quelques pièces historiques rassemblées par l'éditeur. Les principales sont un article de M. Sénac de Meilhan, sur la destruction des jésuites; deux autres du même écrivain sur M. le duc de Choiseul, et feu madame la duchesse de Grammont. Enfin, une Notice, dans laquelle M. le cardinal de Brienne rend une pleine justice à l'esprit, aux talens et au caractère du cardinal de Bernis, et le vengerait, s'il en était besoin, de cette singulière phrase échappée à madame du Hausset dans ses Mémoires : Il était ridicule (le cardinal de Bernis), mais il était bon homme. Je crois qu'ici c'est madame du Hausset qui est passablement ridicule, et, contre son ordinaire, n'est guère bonne femme.

Mémoires sur l'affaire de Varennes, comprenant le Mémoire inédit de M. le marquis de Bouillé (comte Louis), deux Relations également inédites de MM. les comtes de Raigecourt et de Damas, celle de M. le capitaine Deslon, et le Précis historique de M. le comte de Valory.

Ce volume, qui fait partie de la Collection des Mémoires relatifs à la Révolution française, contient cinq relations plus ou moins étendues du même

événement. Il reporte donc l'esprit du lecteur sur le même fait, et le promène sans cesse sur les mêmes détails et les mêmes circonstances. Quel est d'ailleurs le lecteur qui, soit dans les histoires générales de la révolution, soit dans les Mémoires particuliers, les rapports et les journaux de cette époque, n'ait pas déjà lu dix relations de cette déplorable catastrophe? Cependant, tel est le douloureux attrait qui retient et attache sur ces pages désolantes, qui sollicite à y revenir et à y rester encore, à chercher quelque circonstance qui ait échappé aux autres historiens, quelque détail nouveau, quelque preuve nouvelle de la fatalité qui poursuivit avec tant d'acharnement les augustes fugitifs, et qui, dès cet instant même, sembla les désigner irrévocablement pour ses victimes, et les destiner à l'échafaud, qu'on veut tout lire, tout comparer, qu'on ne passe pas un mot, un éclaircissement, une pièce justificative, et que jamais la curiosité ne peut s'épuiser, ni l'intérêt s'affaiblir.

Telle est même la vivacité de cet intérêt, qu'en lisant les relations de ce fatal voyage, il semble que ce terrible drame n'est point encore achevé pour nous, que sa funeste issue ne nous est point connue; on s'intéresse au succès des premières démarches, et on en suit avec anxiété les progrès jusqu'à l'affreux dénouement qui frappe de consternation, comme si on venait de l'apprendre. On applaudit à la généreuse résolution que prend enfin Louis XVI d'échapper à de cruels et insolens geôliers, à des insultes qui se renouvelaient sans cesse, à des outrages trop long-temps endurés; on partage la joie de la reine, qui, après tant d'humiliations et d'angoisses, sup

portées avec une admirable dignité, semble enfin apercevoir dans l'avenir un rayon de bonheur, et embrasse avec ardeur l'espérance de s'affranchir de tant de maux, et de briser ses fers en trompant la surveillance de ses barbares et odieux ennemis; on assiste aux conseils qui se tiennent entre les deux augustes époux et quelques sujets fidèles qui ont mérité d'être initiés à l'important secret de leurs maîtres, et qui se dévouent à tous les périls de l'exécution. La grande âme de Marie-Antoinette, sa fermeté, éclatent au milieu de ces conseils; la bonté de Louis XVI et son amour pour ses peuples y brillent de l'éclat le plus doux et le plus pur; il se refuse toujours à les abandonner; et tout chemin, quelque sûr qu'il soit d'ailleurs, est aussitôt rejeté de son plan, s'il doit le conduire hors des frontières. Le dessein paraît bien concerté, les mesures semblent bien prises; on applaudit surtout au choix du général qui, à soixantedix lieues du point de départ, doit tout régler, tout disposer sur la route, tromper les ennemis, écarter les obstacles et assurer le succès : c'est le marquis de Bouillé, bon Français, sujet dévoué, guerrier intrépide, homme de tête et de cœur, habile dans le conseil comme à la tête d'une armée, à qui la postérité ne rendra peut-être pas toute la justice qui lui est due; car c'est une des injustices de l'histoire de mettre le succès, et même le bonheur, au nombre des élémens du mérite et des conditions de la renommée, et de ne tenir pas assez de compte du courage dans les entreprises sans résultat, du talent dans les desseins non accomplis, et de l'habileté dans les événemens malheureux.

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