Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

qui affectent de parler avec légèreté et presque avec mépris des Vendéens. Ils attestent par là combien ils sont mauvais juges de la gloire et de l'honneur. Il semble en effet qu'on doive s'estimer davantage et avoir une meilleure opinion de soi-même, lorsqu'on sent bien tout ce qu'il y a de beau, de noble et de généreux dans la conduite, le dévouement et le courage de ces fidèles et intrépides Vendéens.

La modestie, l'humanité, le désintéressement, toutes les qualités de l'honnête homme et de l'homme d'honneur, toutes les vertus du chrétien relevaient dans M. de Bonchamps la bravoure du soldat et les talens du guerrier. Il se peint tout entier dans la première entrevue qu'il eut avec les paysans qui vinrent le chercher pour le prier de se mettre à leur tête; car on l'a plusieurs fois remarqué, ce furent les paysans qui, indignés de l'impiété et des crimes de la convention et de l'assassinat du roi, se soulevèrent les premiers, et les gentilshommes qui les commandérent, indignés comme eux, ne firent pourtant que se rendre à leurs sollicitations : « Eh bien ! leur dit << M. de Bonchamps, êtes-vous irrévocablement dé«cidés à tout sacrifier à la cause sacrée que vous « voulez défendre? Promettez-vous de ne jamais << l'abandonner? —Oui, oui, s'écrièrent-ils tous à « la fois.-Jurez douc avec moi d'être fidèles à notre << sainte religion, à notre jeune roi détenu dans les «fers, enfin à Dieu, à la royauté, à la patrie. » Tous prêtèrent ce serment aux acclamations de vive le roi! vivent les princes! Mourons, s'il le faut, pour défense du trône et des autels. « M. de Bonchamps, <«< continue l'historien, reprit alors la parole pour

la

« les exhorter fortement, au nom de la religion et de « l'humanité, à s'abstenir à jamais des cruautés qui « accompagnent les guerres civiles. » Cette résolution, prise dans des vues si nobles et avec des sentimens si généreux, M. de Bonchamps rentre chez lui, et adresse ce discours vraiment sublime à madame de Bonchamps, digne de l'entendre : « Armez-vous de « courage, redoublez de patience et de résignation; << vous en aurez besoin. Il ne faut pas s'abuser : nous « ne devons pas aspirer aux récompenses de la terre, « elles seraient au-dessous de la pureté de nos mo«tifs et de la sainteté de notre cause; nous ne de<«<vons pas même prétendre à la gloire humaine, les << guerres civiles n'en donnent point. » Ici l'abnégation va jusqu'à l'excès, et même jusqu'à l'injustice; mais le sacrifice n'en est que plus entier, plus pur et plus désintéressé.

M. de Bonchamps fut fidèle à tous ses engagemens, à tous ses sermens : il fut fidèle jusqu'à la mort. Après une suite de combats prodigieux et de victoires inespérées, au sein même de la victoire, il est assailli par les grenadiers de la convention et la garnison de Mayence; les Vendéens accablés s'ébranlent et rompent leurs rangs : les chefs tentent, pour les rallier, un dernier effort; et, voulant leur donner l'exemple d'une héroïque intrépidité, ils se forment en un escadron, et se précipitent dans les rangs ennemis. M. de Bonchamps y reçoit une blessure mortelle. Les soldats qui, sous un chef si religieux et si humain, avaient vu jusque-là leurs terres ravagées, leurs chaumières incendiées, leurs femmes et leurs enfans, leurs vieillards égorgés par les soldats de la

convention, sans user de représailles, n'écoutant plus que les conseils du désespoir et de la vengeance, veulent immoler cinq mille prisonniers qui sont tombés en leur pouvoir. M. de Bonchamps expirant oublie ses douleurs, pour ne s'occuper que du sort qui menace les prisonniers; il demande leur grâce : comme chef, il ordonne que cette grâce soit accordée. « Mon ami, dit-il à M. le comte Charles « d'Autichamp, un des officiers de son armée qu'il « affectionnait le plus, c'est sûrement le dernier « ordre que je donnerai; laissez-moi l'assurance « qu'il sera exécuté. » Les soldats connaissent cet ordre, les soldats s'écrient : « Grâce! grâce! Bonchamps le veut, Bonchamps l'ordonne! » et les prisonniers sont sauvés. Ah! sans doute, homme généreux, les guerres civiles, quelque désastreuses qu'elles soient, donnent de la gloire, lorsque entreprises avec des motifs aussi purs, on y combat avec tant de vaillance, on y meurt avec tant de grandeur d'âme, et qu'on y pratique jusqu'au dernier moment d'aussi sublimes vertus.

Le nom de Bonchamps fut toujours une sauvegarde pour les malheureux prisonniers; et madame la marquise de Bonchamps, qui n'aurait point eu besoin du grand exemple d'humanité et de générosité qui lui avait été donné, pour être elle-même humaine et généreuse, veut cependant faire honneur à la mémoire de son mari, du salut des prisonniers sauvés aussi par elle. L'officier qui les commandait, révolté de leur insolence et de la cruauté dont ils s'étaient souillés avant de tomber dans ses mains, avait donné l'ordre de les fusiller. Madame de Bonchamps vole

au lieu de l'exécution; les prisonniers, en apprenant qu'elle est la veuve de l'illustre chef que pleurait encore l'armée de la Vendée, l'entourent et se jettent à ses pieds; elle demande leur grâce, elle supplie, elle insiste, elle menace même, et les prisonniers sont sauvés.

:

La veuve de Bonchamps n'avait d'autre asile que l'armée même de la Vendée; elle la suivit donc, et en éprouva toutes les vicissitudes, toutes les angoisses, les dangers et tous les désastres. L'intérêt est porté au plus haut degré, lorsque après avoir perdu, au milieu de privations inouïes et de misères inconcevables, un fils, enfant aimable et chéri, on la voit entrer, avec sa fille, dans le creux d'un arbre, y passer plusieurs jours et plusieurs nuits, toutes les deux malades, toutes les deux atteintes par la petitevérole, et consumées par une fièvre ardente; toutes deux paraissant irrévocablement destinées à une mort cruelle situation horrible, qui, dans des circonstances extraordinaires, arrache à la tendresse maternelle le vœu extraordinaire de voir sa fille mourir et succomber avant elle. Enfin, elles sortent de cet arbre, errent quelque temps, se séparent pour diminuer leurs dangers; la mère poursuivie rentre encore dans le creux d'un arbre, en sort encore, et enfin tombe dans les mains des soldats de la convention. Conduite devant une commission militaire, elle est condamnée à mort; cependant un des prisonniers qui devaient la vie à l'humanité de M. de Bonchamps mourant, veut, dans sa reconnaissance, arracher madame de Bonchamps à une mort qui paraît certaine. Sans se lasser, sans se rebuter, il multiplie

[ocr errors]

les démarches et les sollicitations, « et il obtint, dit madame de Bonchamps, ce qu'on appelait ma grâce; mais le tribunal de Nantes ne se pressait point d'en remettre l'expédition ; madame de Bonchamps imagine d'envoyer la réclamer par sa fille qu'on avait réunie à elle dans une sorte de cachot. Les grâces de l'enfance touchent les cœurs les plus féroces; les juges caressent l'enfant, lui disent qu'ils ont appris qu'elle a une jolie voix, et la prient de chanter sa plus jolie chanson. « Ma fille, dit madame de Bonchamps, avait envie <«< de plaire aux juges; elle pensa que, dans cette occa«sion, le chant le plus bruyant serait le meilleur, et « que les tribunaux seraient ravis de la belle chanson « qu'elle avait entendu souvent répéter avec enthou« siasme par soixante mille voix éclatantes toutes à << la fois; elle chanta donc de toutes ses forces le re« frain: Vive, vive le roi! à bas la république! Les «< juges voulurent bien pardonner à cette enfant; ils

[ocr errors]

déplorèrent la mauvaise éducation donnée par des <«< parens fanatiques, et lui remirent les lettres de « grâce qu'elle rapporta en triomphe. »

Madame de Genlis me pardonnera d'avoir oublié l'éditeur, pour ne m'occuper que des faits touchans qu'elle raconte, et des personnages dignes du plus haut intérêt dont elle nous transmet les Mémoires.

Mémoires de madame du Hausset, femme de chambre de madame de Pompadour, avec des notes et des éclaircissemens.

Dans le dix-septième siècle, les libraires disaient aux auteurs Faites-nous du Saint-Évremont; dans

« ZurückWeiter »