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mens,

passion du jeu, et qui était alors possédé de la passion des révolutions. Il célèbre cet événement d'abord en style plat et niais, dans un journal historique qu'il appelle OEuvre des Sept Jours, depuis le 12 jusqu'au 18 juillet 1789; et puis en style lourd, roide et tendu, dans un discours d'apparat où il parcourt les mêmes journées, répète les mêmes événeet fait ainsi son thême en deux façons pour être deux fois ridicule. Il sème et le Journal des sept jours, et le discours patriotique, de lambeaux d'auteurs latins, sans mesure, sans discrétion, sans goût, et en véritable pédant. On voit évidemment qu'il n'a fait telle réflexion, et développé telle pensée, que pour amener une citation de Juvenal, de Tacite, ou de Sénèque. Des enfans trouvés se rencontrent-ils sur le passage du maire Bailly, aussitôt il transforme le grave et froid académicien en une tendre mère qui réchauffe ses enfans dans son sein et les presse dans ses bras :

Involvitque sinu.

Hos fovet ulnis,

Cela ne s'élève guère au-dessus du maître d'école Partridge, dans Tom-Jones.

De ce pénible et fatigant enthousiasme pour des événemens désastreux, pour des excès coupables, et sinon pour les crimes eux-mêmes, du moins sur ce qui fut la cause immédiate et inévitable, et la source féconde de crimes odieux, passons au récit simple et véridique des mêmes événemens, au tableau exact et fidèle de ces excès, et à l'expression vive et franche des sentimens qu'ils inspirent à un esprit juste, à une âme honnête, à un cœur généreux, plein d'hor

reur pour le crime, d'indignation pour les artisans de tant de calamités et de forfaits, d'attachement pour ses maîtres et de reconnaissance pour ses bienfaiteurs. Tels sont les caractères des Mémoires de Wéber: attaché à la reine par des liens naturels (1) qu'aurait pu rompre l'extrême distance qui les séparait, mais que cette aimable princesse, loin de dédaigner et de méconnaître dans son extrême élévation, se plut à resserrer par ses bontés et ses bienfaits, Wéber se propose de retracer les destinées, d'abord si brillantes, ensuite si cruelles de son auguste bienfaitrice. Il recueille avec un religieux et douloureux souvenir et les mots pleins de grâce et les traits pleins de sensibilité de cette reine charmante, et tous les témoignages qu'elle donna de son esprit et de sa bonté dans la prospérité, et la grandeur de son courage et de sa magnanimité au comble de l'adversité et de la plus cruelle infortune; mais tant et de si grands malheurs sont liés aux événemens publics et aux calamités publiques. Wéber en trace le tableau; il remonte même assez haut, et donne une esquisse rapide 'des dernières années de Louis XV, des résistances au moins imprudentes et plus ambitieuses que patriotiques des parlemens, sous ce prince et son vertueux et malheureux successeur. Ce morceau, particulièrement, est écrit d'une main ferme, et les événemens y sont appréciés avec un esprit trèsjuste. En lisant ces Mémoires, on verra ce qu'il faut penser de ceux qui prétendent que la révolution ne pouvait point être évitée, et qu'elle était un fruit né

(1) Wéber était frère de lait de la reine.

cessaire des progrès des lumières; ils serviront aussi à réfuter ceux qui prétendent que le seul but de la révolution et des révolutionnaires était d'obtenir une Charte, et ceux qui assurent que les forfaits qui l'ont souillée doivent être imputés à la résistance des classes privilégiées; on demandera aux premiers pourquoi donc on n'accepta pas la véritable Charte que proposa Louis XVI, dans la mémorable séance du 20 juin, Charte incomplète, sans doute, mais qu'il fallait acccepter pour la perfectionner et la compléter. Quant aux seconds, ils rappellent cet honnête homme qui prétendait s'excuser d'avoir assassiné un voyageur au coin d'un bois, en l'accusant d'avoir un peu résisté lorsqu'on lui avait demandé la bourse ou la vie.

Les Mémoires de Wéber étaient peu connus en France: imprimés à Londres en 1807, la police impériale leur ferma, avec cette profonde habileté pour proscrire et confisquer qu'on lui connaît, tout accès en France. Toutefois, depuis la restauration, plusieurs exemplaires y étaient parvenus, et les éditeurs, en donnant à penser qu'ils ont publié cette édition sur un exemplaire unique, veulent un peu enfler leur mérite et accroître notre reconnaissance; mais on leur en doit pour avoir donné beaucoup de publicité à ces Mémoires; on leur en doit, surtout, pour les avoir enrichis de notes intéressantes. Ils ont particulièrement ramassé avec soin tout ce qui pouvait faire ressortir les aimables et grandes qualités de la reine, et ont recueilli dans tous les Mémoires du temps une foule de traits et de mots charmans échappés à son esprit et à son cœur,

et qui avaient été oubliés par son historiographe. Je leur en sais tant de gré, qu'en faveur de ces notes, je leur passerai quelques petites peccadilles par trop libérales que j'ai trouvées par ci par là.

Après ces articles sur des Mémoires, je voudrais pourtant bien ne pas revenir sur des Mémoires encore. J'annoncerai donc ici, avec le plus sec laconisme, une autre charmante collection que publie M. Colnet: ce sont les Mémoires des Femmes, c'est-à-dire de Marguerite de Valois, de madame de Motteville, de mademoiselle de Montpensier, de la duchesse de Nemours, de madame de Staal ( mademoiselle de Launai.) et de madame de Caylus. Ceux de madame de Staal viennent de paraître : c'est un des livres les plus amusans que je connaisse. La réputation de bon littérateur et d'homme de beaucoup d'esprit a un peu effacé chez M. Colnet celle de libraire; il faut pourtant se souvenir qu'il est libraire aussi, et croire que, s'il est capable de composer de bons livres, il est à plus forte raison très-capable de bien choisir ceux qu'il vend.

Mémoires sur la vie privée de Marie - Antoinette, reine de France et de Navarre, suivis de Souvenirs et Anecdotes historiques, sur les règnes de Louis XIV, de Louis XV, et de Louis XVI, par madame Campan.

Long-temps l'auteur de ces Mémoires a été en butte au plus injurieux des soupçons', celui d'avoir eu des liaisons avec les ennemis de ses maîtres, avec les révolutionnaires, et d'avoir servi leurs funestes

desseins dans une occasion importante et décisive. Si le malheur est défiant, l'intérêt qu'il inspire l'est peut-être plus encore; et madame Campan, entièrement absoute par les augustes victimes qui pouvaient le mieux connaître et sa fidélité et son dévouement, ne fut pas parfaitement innocente aux yeux des Français, consternés de la fatale issue du voyage de Varennes. La famille royale avait été évidemment victime d'une trahison : madame Campan fut soupçonnée. Ces soupçons, semés d'abord par des personnes qui, par un sentiment peu délicat, étaient jalouses de la faveur dont elle jouissait auprès de la reine, et accrédités ensuite par ceux qui, par un sentiment peut-être trop délicat, ne lui pardonnaient pas la faveur dont elle jouit plus tard auprès de Buonaparte et de sa famille, furent accueillis et par la malignité, et par la douleur, quelquefois aussi injuste que la malignité. Il est peu de Français sur qui ces soupçons n'eussent fait une impression très-désavantageuse à madame Campan, du moins parmi les royalistes; les autres étaient ou indifférens ou reconnaissans. J'avoue que, pour mon compte, je ne m'étais pas entièrement garanti de cette impression; mais elle est complétement effacée par la lecture de ces Mémoires. On ne peut plus douter, après les avoir lus, que madame Campan ait été constamment attachée, constamment fidèle et dévouée à ses maîtres, et particulièrement à la reine. Ils rétablissent et honorent sa mémoire sous tous les rapports; ils honorent aussi la mémoire de la reine, qui, dans aucun écrit, ne paraît plus remplie de grâces et de bonté, plus aimable, plus grande, plus généreuse, plus indi

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