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ne saurait être ni attaché ni ému le moins du monde. Le seul sentiment qu'on éprouve, c'est l'étonnement et la surprise que de pareils noms n'aient pas fait naître quelques autres expressions sous la plume de l'auteur cela est vraiment risible, je dirais presque ridicule. « Le bon homme Corneille est mort, dit « Dangeau; il était fameux par ses comédies: il « laisse une place vacante dans l'Académie. » Il nous apprend ensuite que le jeune Corneille (il avait alors soixante ans) lui succéda. Il rapporte avec la même froideur la mort de madame de Sévigné : « Madame « de Sévigné est morte; sa fille est fort malade; on lui << cache la mort de sa mère. » A la représentation du Bourgeois Gentilhomme, il remarque que le roi a beaucoup ri; c'est là sa seule observation sur cette pièce, et on ne sait pas si lui-même ya ri. Tous ces Mémoires sont écrits avec cette impassibilité plus que stoïque.

Dangeau s'y montre aussi quelque peu crédule: il paraît croire que l'évêque de Québec a découvert un pays où les hommes ont les cheveux et le poil semblables à des plumes de perroquet, et un autre où tous les hommes sont bossus, et toutes les femmes boiteuses. Il ne doute point qu'il y ait en Bretagne un petit nain de seize pouces qui est maître d'école : je crois que de petits écoliers de trois pieds se seraient bien moqués de leur petit professeur de seize pouces, et qu'ils lui auraient fait passer de mauvais quarts d'heure! Ce qui est vraisemblable, c'est le nombre assez considérable de charlatans dont parle Dangeau; cela est de tous les siècles : les uns voulaient faire de l'or; celui-là avait une méthode pour apprendre à écrire en deux heures; d'autres avaient des remèdes

singuliers: l'un deux, par exemple, avait persuadé à une dame, je crois même à une princesse du sang, que, pour guérir de je ne sais quelle maladie, il fallait qu'elle revêtit une chemise portée vingt-quatre heure par un homme. La princesse s'adressa à son mari, qui lui céda sa chemise, et elle s'en trouva trèsbien. Une autre dame eut dans son mari une confiance singulière, et qui, à ce qu'il paraît, ne lui réussit pas aussi bien ; mais laissons parler Dangeau: « Une dame de la cour a fait une confidence à son « mari, qui a fait chasser beaucoup de domestiques, << et sa trop grande bonne foi lui a fait nommer ses << amans: cela a fait beaucoup de désordre, et a paru « sans exemple. »

On trouve dans ces Mémoires plusieurs histoires commencées et point finies; d'autres finies et point commencées. Je ne sais si c'est la faute de Dangeau ou celle de madame de Genlis ; mais j'aime mieux croire que c'est celle de Dangeau. Par exemple, le jeudi 11 octobre 1691, M. de La Vauguyon se présente à la porte de la chambre de Louis XIV, demande la permission d'entrer, l'obtient, se jette aux pieds du roi, lui dit qu'il lui apporte sa tête, et lui demande pardon d'avoir mis l'épée à la main dans sa maison. On apprend que M. de La Vauguyon et M. de Courtenay se sont pris de querelle, et ont voulu se battre entre la chapelle et l'appartement de la reine. Louis XIV très-sévère sur l'article des duels, ordonne qu'ils soient mis à la Bastille, et interrogés par le grandprévôt. On ignore la suite de cette histoire; seulement quelque temps après, on voit que la tête a tourné à M. de La Vauguyon. Ailleurs, on ap

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prend que madame du Traisnel est bannie, qu'elle doit demander pardon à madame de Liancourt, qu'elle est condamnée à payer dix mille écus, que deux de ses domestiques sont envoyés aux galères ; et on ignore le commencement de cette histoire, et la cause de ces jugemens sévères et de ces condamnations rigoureuses. Ces Mémoires s'étendent jusqu'en 1720, c'est-à-dire, jusqu'aux cinq premières années de la régence. Madame de Genlis y a ajouté un précis de sa façon sur la régence entière. Je ne sais pourquoi, en parlant des différens écrivains qui ont écrit sur cette époque de notre histoire, elle oublie Marmontel; elle en veut toujours un peu à ce pauvre Marmontel, qui a fait, il est vrai, une pauve Histoire de la Régence. Celle de madame de Genlis est fort incomplète, fort insuffisante; elle est semée de réflexions judicieuses, et écrite avec l'élégance accoutumée de l'auteur. Je suis seulement surpris qu'en parlant du parti des philosophes, elle l'appelle le parti encyclopédique; c'est encyclopédiste qu'il fallait dire. Ces deux expressions sont fort différentes: la première se prend toujours en bonne part, et je ne crois pas que ce soit un compliment que madame de Genlis ait voulu faire au parti. Mais c'est peut-être une faute d'impression; j'en suis même sûr. Toutes les fois qu'une faute peut être imputée ou à l'imprimeur, ou à madame de Genlis, je ne balance pas j'accuse l'imprimeur.

Dangeau a résolu un problème singulier, et dont il aurait bien dû léguer le secret et la solution à la plupart de nos écrivains, qui n'auraient pu le payer de trop de reconnaissance : c'est de se

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faire lire avec assez de plaisir, et avec un intérêt sinon très vif, souvent même languissant, mais qui ne se décourage point jusqu'à la fin, en ne disant pas grand'chose, presque rien, et en le disant sans esprit, sans sel, sans style, sans chaleur, sans malignité, sans passion. Je rends compte de l'impression que j'ai éprouvée. J'ai fait de l'Abrégé de madame de Genlis comme elle avait fait de l'ouvrage tout entier ; je n'en ai pas passé une ligne. J'ai entendu dire à plusieurs autres personnes, à des hommes, à des femmes, qu'elles avaient été aussi tout doucement entraînées dans cette lecture depuis le commencement jusqu'à la fin. Madame de Maintenon, qui ne les lut qu'après la mort de Louis XIV, en recevait une impression bien plus vive. « Les « Mémoires de Dangeau, écrit- elle, m'amusent « très-agréablement.......... J'ai tout lu ; » c'est - à - dire, tout ce qu'on lui avait envoyé; car un mois après elle écrit encore : « J'attends avec impatience la suite « de ces Mémoires qui m'amusent si fort, que je lis << trop vite; » et plus tard encore : « Je voudrais « savoir jusqu'où M. de Dangeau conduit ses Mé« moires, pour les ménager plus ou moins, car «< c'est le seul amusement que j'aie. » On est toujours plus vivement affecté du récit des événemens contemporains, dans lesquels surtout on a joué un rôle. Ainsi, je ne donne point l'enthousiasme de madame de Maintenon comme la règle de celui que nous devons éprouver; mais je donne son jugement comme la règle de la confiance que nous devons avoir dans la véracité de ces Mémoires. Voltaire seul a voulu jeter des doutes sur leur authenticité et leur fidélité ;

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mais madame de Genlis donne, de l'injuste dénigrement avec lequel il en parle, des raisons assez vraisemblables et des motifs assez plausibles.

Mémoires de M. de Coulanges.

Le nom de Coulanges n'est pas très-célèbre, sans doute; mais il est très-connu de tous les lecteurs; il leur a été si souvent répété, il leur est devenu si familier, que cela équivaut presqu'à la célébrité. Il n'en est point qui revienne plus souvent dans les Lettres de madame de Sévigné; à chaque instant, elle passe en revue toute la famille de Coulanges, et le bon abbé, ou tout simplement le bien bon, et madame de Coulanges, dont, s'il faut l'en croire, l'esprit était une dignité, et chaque péché une épigramme; et dont les épigrammes, surtout contre quelques femmes de sa société, sont quelquefois bien sanglantes; et enfin le petit Coulanges, que madame de Sévigné paraît aimer par dessus tous, parce que c'est son cousin, ce qui n'est pas toujours une raison; parce qu'il est toujours aimable et gai, ce qui en est une meilleure; et parce qu'il l'admire toujours, la flatte sans cesse, et l'appelle la mère beauté, ce qui, sans contredit, est la meilleure de toutes.

Ce petit Coulanges était donc un homme léger, un peu frivole même ; aimant la société, les plaisirs, la bonne chère surtout; disant de bons mots, écrivant facilement en prose, beaucoup trop facilement en vers et prêt à en faire sur tous les sujets, pour toutes les personnes, sur tous les événemens et toutes les aventures. Il eut d'abord une destination plus grave :

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