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s'étendre davantage, et il insiste sur cette idée. Après avoir célébré la beauté de Marguerite de Valois, il célèbre son goût exquis pour les parures qui relèvent encore la beauté, et toutes les pompes et gorgiasetés dont elle savait superbement et gorgiasement s'abiller; il en donne des descriptions assez plaisantes, mais interminables; car il se plaît beaucoup dans les détails qui concernent cette cour gentiment corrompue, comme il le dit ailleurs. Il paraît que, parmi toutes ces parures, la reine portait des robes extrêmement longues et pesantes, mais elles allaient bien, dit Brantôme, à sa belle, riche et forte taille; « car,

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ajoute-t-il, si elle fust esté une petite nabotte de <«<< princesse, ou dame d'une coudée de hauteur, << comme j'en ai veu, elle eust crevé soubs le faix. >> Il fallait surtout la voir à une procession avec ces habits magnifiques, et entendre les beaux discours que tenaient, en l'y voyant, Brantôme et ses amis : « Et vous jure, dit-il, qu'à ceste procession nous y perdismes nos dévotions, car nous y vaquasmes « pour voir ceste divine princesse et nous y ravir plus qu'au service divin, et si ne pensions pour«<tant faire faute ni pesché; car qui contemple et << admire une divinité en terre, celle du ciel ne s'en << tient offensée, car elle l'a faicte telle. » Enfin il ne loue pas moins l'esprit de Marguerite que sa toilette; il est surtout charmé de ses lettres, et se moque beaucoup du pauvre Cicéron, avec les siennes familières, ce qui est assurément bien plaisant.

Les hommes célèbres français et étrangers, et les Dames illustres, sont les sujets des principaux et des plus intéressans ouvrages de Brantôme deux autres

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de ses écrits ont cependant assez d'étendue, et offrent des anecdotes assez piquantes; l'un est intitulé les Rodomontades espagnoles. Brantôme s'y connaissait; et, sans sortir de son pays, ou même de sa maison, et en parlant de lui, il aurait pu nous offrir un assez bon recueil de rodomontades; l'autre est sur les duels. On sait jusqu'où la manie en était portée dans le douzième siècle : l'ouvrage de Brantôme contient le récit de plusieurs de ces combats singuliers, assez curieux ou par leurs causes et leur origine, ou par les circonstances qui les accompagnent, ou par leurs résultats. Brantôme veut quelquefois faire le casuiste, et excuser les duels ; il avoue qu'il a contre lui des théologiens beaucoup plus savans que lui; mais il a pour lui le combat de David et de Goliath, et on conviendra que c'est remonter assez haut dans l'histoire des duels.

Le dernier volume de cette collection contient les ouvrages d'André de Bourdeille, frère aîné de Brantôme. Ils se composent, en grande partie, de sa correspondance avec Catherine de Médicis, Charles IX, Henri III et le duc d'Alençon. André de Bourdeille était gouverneur du Périgord, dans le temps où cette province, comme le reste de la France, était agitée par les guerres des protestans et de la Ligue. Le gouverneur, plein de zèle et de fidélité, rend compte à ses souverains des mesures qu'il prend pour s'opposer aux ennemis qui, maîtres de Bergerac, s'emparaient encore de Sarlat, et voulaient même attaquer Périgueux. Ce sont des documens utiles pour l'histoire de France, intéressans pour l'histoire du Périgord. La famille de Bourdeille a fourni plusieurs

hommes d'esprit et de coeur, dont les écrits font partie de nos richesses historiques : Brantôme d'abord, André de Bourdeille, Montrésor, qui nous a laissé des Mémoires sur le règne de Louis XIII; enfin Matha, qui n'a point écrit de Mémoires, mais qui est un des personnages les plus spirituels, et les plus divertissans des Mémoires du chevalier de Grammont, d'où il disparaît trop tôt, au grand regret des lecteurs.

Mémoires de Bassompierre.

En parcourant les diverses époques de notre histoire, on trouverait dans chaque siècle quelques hommes vifs, légers, pleins d'éclat, qu'on peut regarder comme le type de l'esprit et du caractère français, et qui en reproduisent, avec une empreinte plus vive et plus marquée, et les brillantes qualités et les séduisans défauts. Sans remonter trop haut dans nos anuales, et en nous arrêtant à François Ier, qui pourrait me servir lui-même et de preuve et de modèle, on trouverait sous ce prince, sous son fils Henri II, et les enfans de son fils, le gascon Brantôme; Bellegarde et Bassompierre, sous Henri IV; sous Louis XIII, le même Bassompierre encore dans la fleur de la jeunesse, qui pour lui se prolongea très-long-temps, puisqu'à quarante-trois ans il ne se souciait pas encore d'être maréchal de France, attendu, dit-il, <«< qu'à mon avis c'était une affaire de vieil homme, « et moi je voulais faire encore quelques années << celui de galant de cour. » On pourrait, sous Louis XIV, nommer entre autres le marquis de Vardes et le chevalier de Grammont; et sous Louis XIV,

Louis XV et Louis XVI, le maréchal de Richelieu.

Supérieur par son importance politique, ses fonctions, ses dignités et ses talens, à tous ceux que j'ai nommés, si l'on en excepte le maréchal de Richelieu, Bassompierre fut, comme ce dernier, maréchal de France, et commanda en chef des armées; comme lui il montra, suivant les occasions, l'intrépidité du soldat et l'expérience du capitaine; il fut employé dans les négociations, et déploya dans ses ambassades beaucoup de magnificence, d'esprit et d'adresse : enfin, il fut l'homme le plus galant de son siècle. Il n'en épargne point les détails dans ses Mémoires, et il nous dit en gros qu'ayant été averti qu'il allait être mis à la Bastille, et craignant qu'on ne lui enlevât ses papiers, il brûla, pour ne compromettre personne, six mille lettres d'amour. Six mille! c'est beaucoup. Je ne crois pas que le maréchal de Richelieu lui-même eût eu en pareille circonstance un plus grand nombre de lettres et de billets à brûler ; et peut-être ne se serait-on pas douté, sans ce témoignage historique, que les dames écrivissent autant sous Louis XIII.

Mais ce qui distingue Bassompierre de tous les autres, c'est qu'avec ce caractère éminemment français, il n'était point né Français, et n'avait point passé son enfance, ni les premières années de sa jeunesse en France. Il était de cette nation sur laquelle, quelques années après sa mort, le père Bouhours posait encore cette question impertinente: Si un Allemand peut avoir de l'esprit. Sa famille était une des plus illustres de l'Allemagne; il était né sujet du duc de Lorraine, et il fut lui-même incertain s'il resterait

Allemand, ou Lorrain, ou s'il offrirait son épée et ses services à quelque autre prince de l'Europe. D'abord il voulut faire ses premières armes contre le Turc; mais, par une suite de mécomptes dont il fait un récit assez plaisant, il faillit à les tourner contre le pape, et finit très-pacifiquement par ne'faire la guerre à personne. C'est au sortir de cette courte et facile campagne, que Bassompierre vient à la cour de Henri IV. Il se présente d'abord à ce grand roi d'une manière assez singulière; c'est en dansant un ballet avec onze jeunes seigneurs de la cour qu'il nomme, « parce que, dit-il, c'était une élite de gens qui << étaient lors si beaux et si bien faits, qu'il n'était << pas possible de mieux. » On sent bien que c'est aux mêmes titres qu'il avait été admis dans ce ballet, lui qui ne faisait qu'arriver à la cour, qui était pour ainsi dire inconnu à tous ceux qui la composaient; et c'est là surtout la conclusion qu'il veut que le lecteur tire de son récit. Lorsque les danseurs eurent ôté leurs masques, Henri IV, qui savait que l'un d'eux était Bassompierre, le demande. Bassompierre s'avance, et s'excuse de n'avoir point encore fait sa cour. Cet excellent prince lui fait le plus aimable accueil, le présente lui-même à Gabrielle d'Estrées, puis il s'éloigne pour lui donner la facilité de la saluer avec plus de confiance; et Bassompierre, qui ne péchait point en général par défaut de confiance, n'en manqua point dans cette occasion. Après l'avoir vu deux ou trois fois encore à Paris, à Saint-Germain, à Fontainebleau, le roi lui demanda ce qui l'avait convié de venir en France : « Je lui avouai franche«ment, dit Bassompierre, que je n'y étais point venu

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