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apprit bientôt, en effet, le départ de l'expédition anglaise. A quelques jours de là, 26 vaisseaux purent sortir de Brest; on était à la fin du mois de mars. Le 29, à la hauteur des Açores, 20 vaisseaux prirent la route des Antilles avec le lieutenant général de Grasse et la partie du convoi qui avait cette destination; 1 vaisseau et 1 frégate se dirigèrent vers l'Amérique du Nord; enfin, 5 vaisseaux, 1 frégate et 1 corvette continuèrent de courir au Sud avec le commandant de Suffren. Voici la composition de cette dernière division:

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La frégate fut envoyée en avant pour annoncer l'arrivée prochaine de la division.

L'Artésien avait primitivement été désigné pour faire partie de l'armée du lieutenant général de Grasse, et son capitaine n'avait pris que l'approvisionnement d'eau nécessaire pour se rendre aux Antilles. La crainte d'en manquer lui fit demander à en faire aux îles du Cap Vert. Ces îles ayant été aperçues, le 16 avril, le capitaine de Cardaillac reçut l'ordre d'aller reconnaître le mouillage de la Praya (1). Cet officier supérieur signala que des bâtiments de guerre anglais étaient à l'ancre dans la baie. Aucun doute ne s'éleva dans l'esprit du commandant de Suffren: ces bâtiments ne pouvaient être que ceux qui venaient de quitter l'Angleterre pour se rendre au Cap de Bonne-Espérance. Deux partis se présentaient continuer la route afin de tâcher de primer les Anglais de vitesse et d'arriver au Cap avant eux ; ou bien, ne tenant aucun compte de la neutralité

(1) La Praya, ville sur la côte méridionale de l'ile portugaise San Yago.

des îles du Cap Vert, entrer dans la rade, attaquer la division anglaise et la mettre au moins dans la nécessité de prolonger sa relâche pendant un temps assez long pour que les renforts que portait le convoi pussent arriver au Cap avant l'attaque de cette colonie. Ce dernier moyen entraînait, il est vrai, avec lui l'obligation de sortir de la lutte dans un état autre que celui dans lequel on voulait mettre l'ennemi; mais, tout bien considéré, on pouvait compter sur l'avantage que devait procurer une surprise, et le commandant de Suffren l'adopta. Il forma sa division en ligne de convoi, en prit la tête et donna l'ordre de se préparer au combat, en prévenant qu'il aurait lieu à l'ancre. Il laissa aux capitaines toute latitude pour choisir le poste qui leur conviendrait. Impatient de combattre et, probablement aussi, désireux de commencer avant que les dispositions des Anglais fussent faites, le commandant de Suffren ne tint pas compte de la supériorité de marche du Héros; obligeant ainsi chaque capitaine à faire le plus de voile possible pour le suivre, l'ordre de marche signalé ne put être observé. L'Annibal et l'Artésien tinrent assez bien leur poste, mais le Vengeur et le Sphinx restèrent loin de l'arrière. Entrant ainsi l'un après l'autre dans la baie, les vaisseaux recurent isolément les bordées concentrées de l'ennemi, qui leur causèrent de grands dommages. La division anglaise était composée des vaisseaux :

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et des frégates: ACTIVE, DIANA, JASON de 32; MERCURY de 28°. Cette division escortait 10 vaisseaux de la Compagnie des Indes portant chacun 30o et 16 transports de 22, 16 et 14o.

La rade de la Praya de l'île San Yago a 2,700 mètres d'ouverture de l'Est à l'Ouest, sur 1,200 de profondeur du Nord au Sud. Toutefois, à partir de l'île aux Cailles, située dans la partie occidentale et à peu près à moitié de la pro

fondeur de la baie, on ne trouve plus que 4 à 5 mètres d'eau, ce qui oblige les navires d'un tonnage un peu considérable à mouiller dans l'Est et le long de la côte. C'est la position qu'occupaient la division anglaise et son convoi. La seule fortification de ce mouillage consiste en une batterie élevée dans la partie N.-O.

A 10h 30m, le Héros doubla la pointe Est et, se dirigeant sur les vaisseaux qui étaient mouillés dans le voisinage de l'île aux Cailles, il échangea des bordées avec les bâtiments qui se trouvèrent sur son passage et alla jeter l'ancre au milieu des vaisseaux. Le commodore Jonhstone avait prévu ce qui arrivait. Dès que la division française avait été signalée se dirigeant sur le mouillage qu'il occupait, il avait compris qu'il allait être attaqué et il avait pris ses dispositions en conséquence; et s'il fut surpris, en ce sens que ses vaisseaux et son convoi n'avaient pas la position qu'il leur eût fait prendre s'il en avait eu le temps; qu'un grand nombre d'embarcations étaient absentes de leur bord, on le trouva, lui et les siens, en mesure de répondre au premier coup de canon qui fut tiré. Il eut, du reste, dans la batterie de la Praya un auxiliaire dont les boulets incommodèrent les Français. Les ordres du commandant de Suffren n'avaient malheureusement pas été exécutés.

Aucune disposition n'avait été prise à bord de l'Annibal. Persuadé que la neutralité des îles du Cap Vert retiendrait le commandant de la division, et que l'ordre de se préparer à combattre était une simple mesure de précaution pour le cas où les Anglais voudraient s'opposer à l'entrée de la division, le capitaine de Trémigon n'avait pas même fait démarrer les canons de son vaisseau, et ses batteries étaient encombrées de pièces à eau qui avaient été retirées de la cale. La surprise du capitaine de l'Annibal fut donc grande lorsqu'il vit le Héros faire jouer son artillerie dès en entrant dans la rade; il le suivit, malgré cela, sans hésitation, et alla mouiller dans le Nord de ce vaisseau et à

le toucher, après avoir été canonné par tous les bâtiments auprès desquels il avait passé, et sans pouvoir leur répondre. Son capitaine paya de sa vie cette sécurité, toujours trop grande en temps de guerre. Ces deux vaisseaux furent les seuls qui combattirent. Celui qui les suivait aborda 2 vaisseaux de la Compagnie, en enleva un et sortit avec lui le capitaine de ce vaisseau avait été tué dans cette entreprise. Les deux autres se bornèrent à passer au large de la ligne ennemie et se tinrent ensuite à l'ouvert de la baie. La situation était critique, et le commandant de Suffren regretta peut-être un moment d'avoir pris la détermination qui le compromettait ainsi. Mais son étoile n'avait pas encore atteint l'éclat dont elle devait briller un jour, et il réussit, malgré l'insouciance et le mauvais vouloir de ses sous-ordres. La lutte ne pouvait être prolongée dans de semblables conditions. Le Héros fila son câble et, suivi par son noble compagnon qui, bien que réduit à un seul mât qui tomba pendant l'évolution put imiter sa manœuvre, il sortit de la baie et rallia ses transports qu'il avait laissés à la garde de la corvette. Le Sphinx avait donné la remorque à l'Annibal.

Dans la position que le commandant de Suffren avait choisie, le Héros eut à soutenir le feu de son homonyme, du MONMOUTH, du ROMNEY, des vaisseaux de la Compagnie qui pouvaient le découvrir et celui de la batterie de la Praya. Il leur tint bravement tête; mais, à midi, certain que le Vengeur, l'Artésien et le Sphinx ne lui viendraient pas en aide, le commandant en chef comprit qu'il finirait par succomber dans cette lutte inégale et qu'il devait se retirer pendant que sa mâture, très-compromise, lui en laissait encore la possibilité. Le Héros appareilla et prit le large.

Cette détermination du commandant de la division. était d'ailleurs commandée par l'état de l'Annibal. Il s'était écoulé un grand quart d'heure avant que ce vaisseau eût pu répondre au feu du MONMOUTH, duJUPITER, des frégates ACTIVE, DIANA, auquel se joignit encore celui de

plusieurs vaisseaux de Compagnie et de la batterie de terre. Mais alors, sa riposte vigoureuse et soutenue avait surpris ses adversaires. Ce combat disproportionné durait depuis une demi-heure à peine, lorsque le capitaine de Trémigon eut la cuisse gauche coupée par un boulet (1) et il dut remettre le commandement au lieutenant Morard de Galle. La position de l'Annibal devint bientôt des plus critiques; la chute de son mât d'artimon d'abord et, à midi, celle du grand mât attestèrent l'activité et la justesse du tir de l'ennemi. La proximité à laquelle le Héros se trouvait permit au nouveau capitaine de l'Annibal d'apercevoir de suite la manœuvre de ce vaisseau; et, comme par un hasard providentiel, le sien ayant encore son mât de misaine, l'abattée se fit avec facilité : elle était à peine achevée que ce dernier mât tomba aussi. Quelque grave que fût cette catastrophe, elle n'eut pas les conséquences qu'on pouvait redouter. Le vent poussa le vaisseau en poupe, et traîné par le Sphinx qui avait reçu l'ordre de le prendre à la remorque, il réussit à se mettre hors de l'atteinte des boulets de l'ennemi.

La fumée était déjà très-épaisse lorsque l'Artésien arriva à la hauteur du principal groupe de bâtiments anglais. Aussi aborda-t-il un vaisseau de la Compagnie qu'il prit pour un vaisseau de ligne. Ce bâtiment réussit à se décrocher et s'éloigna. en emmenant huit hommes de l'Artésien qui avaient sauté à bord. Cette perte n'était pas la seule qu'avait occasionnée cette méprise une balle reçue en pleine poitrine avait abattu le capitaine de Cardaillac roide mort de son banc de quart; le lieutenant de Laboixière l'avait remplacé. Entraîné sous le vent, l'Artésien aborda un autre vaisseau de la Compagnie qu'il enleva. Les câbles de ce vaisseau furent coupés, et tous deux s'en allèrent en dérive vers la pointe occidentale de la baie. L'Artésien reçut

(1) Le capitaine de Trémigon mourut dans la journée.

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