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grand mât de hune, sa grande vergue et sa vergue de grand hunier. Plusieurs autres vaisseaux, et notamment le QUEEN, combattirent encore le Patriote dont le capitaine crut devoir rallier ceux de son armée qui formaient une nouvelle ligne sous le vent. Le grand nombre des malades du Patriote força le capitaine Lucadou à agir ainsi.

L'Entreprenant fut engagé par l'ALFRED et laissa arriver pour se former sous le vent avec les vaisseaux qui s'y trouvaient déjà.

Le Neptune n'eut à combattre que le MONTAGU dont le capitaine fut tué. Le vaisseau français suivit ceux qui se formaient sous le vent.

Le QUEEN, qui avait déja reçu quelques avaries en cherchant un adversaire, s'arrêta au Jemmapes par la hanche de tribord duquel il prit position. Il fut reçu par ce vaisseau comme il l'avait été par le Northumberland, avec beaucoup de vigueur, et perdit son grand mât, son mât d'artimon et son petit mât de hune. Quant au vaisseau français dont la mâture entière avait été abattue, il laissa arriver sur la Montagne qui se dirigeait de son côté; mais avant de quitter le QUEEN, il lui abattit encore son mât de perroquet de fougue; une frégate le prit à la remorque. Le capitaine Desmartis avait été tué. J'ai dit que le commandant en chef avait viré de bord pour aller secourir les vaisseaux qu'il avait aperçus au vent. Le Jemmapes fut le premier que cette manœuvre préserva d'une capture certaine.

Le Trente-et-un-Mai combattit auprès du Républicain, et aussi heureux que lui, il put se dégager sous quelques lambeaux de voilure.

Le ROYAL GEORGE passa entre le Sans-Pareil et le Républicain, fut rudement canonné par ces deux vaisseaux et prit position par le bossoir de tribord du dernier. Bientôt son grand mât de hune, son mât de perroquet de fougue et son mât de misaine furent abattus sur tribord. Le GLORY vint en aide à son compatriote en attaquant le Républicain, et le démâtant de son grand mât et de son mât d'artimon,

il le mit dans l'impossibilité de s'occuper davantage du ROYAL GEORGE. La chute des deux mâts de derrière fit, en effet, abattre le Républicain sur tribord, et le contreamiral Nielly se replia sur les vaisseaux qui étaient sous le vent. Ses deux adversaires étaient hors d'état de l'inquiéter désormais.

Le Sans-Pareil eut le MAJESTIC pour premier vis-à-vis du côté du vent; le GLORY, qui avait contourné la colonne par la queue, lui présenta bientôt après le travers sous le vent. Vers 10", le mât d'artimon du Sans-Pareil s'abattit sur le couronnement et, un quart d'heure après, le mât de misaine sur l'arrière à bâbord. Ce dernier défonça le pont, engagea la batterie haute et encombra celle des gaillards, de manière à en rendre l'usage impossible. Devenu serre-file par suite de la manœuvre du Scipion et du Pelletier qui avaient laissé arriver, le Sans-Pareil fut canonné, de tous les bords, par les vaisseaux anglais qui doublaient la ligne par cette extrémité. A 11, son grand mât fut abattu sur le gaillard d'avant à tribord. Dans cette situation critique, le Républicain, quoique grandement compromis lui-même, lui prêta seul assistance. Jugé alors incapable de se mouvoir, il fut abandonné par l'ennemi à 1h 30m, et il resta ainsi battu par la lame, et les sabords fermés, car les roulis étaient si forts qu'il embarquait de l'eau de toutes parts. Le capitaine Courand ne put réussir à faire gouverner le Sans-Pareil, et il lui fut dès lors impossible de rallier l'armée qui était à environ trois milles sous le vent. Entouré de nouveau par l'ennemi, il fit amener le pavillon à 2h 30m.

Le Pelletier reçut la bordée de quelques-uns des vaisseaux anglais qui doublèrent l'armée française par la queue, et enveloppé bientôt dans une épaisse fumée qui ne lui permit plus de distinguer ses amis de l'ennemi, le capitaine Berrade courut bâbord amures pendant trois quarts d'heure, sans s'inquiéter aucunement de ce qui se passait à côté de lui et sans se préoccuper le moins du

monde de l'état de quelques vaisseaux qu'il distingua et reconnut très-bien. Il refusa même à l'America, entièrement démâté, la remorque que le capitaine de ce vaisseau lui demanda, prétendant que les avaries de sa voilure ne lui permettaient pas de se rendre à son désir. Il se dirigea alors sur le gros de l'armée qu'il aperçut sous le vent, et le commandant en chef lui fit prendre le Terrible à la remorque.

Le Scipion, serre-file de la ligne, commença à tirer à 9b 45a, et il échangea des bordées avec des vaisseaux ennemis dont plusieurs passèrent sur son arrière. Cette canonnade, presque continue, n'avait pas lieu sans que le vaisseau français n'éprouvât de nombreuses avaries. Son grand mât fut d'abord abattu; un quart d'heure après, c'était le mât d'artimon et bientôt le mât de misaine qui tombaient. Le pont se trouva ainsi couvert de débris de mâture, de voiles et de cordages. Les canons avaient disparu sous ces décombres. La fumée qui enveloppa les deux armées le fit abandonner dans cet état. Le capitaine Huguet en profita pour mâter un bout-dehors sur l'avant, et au moyen d'un foc et de deux bonnettes, il parvint à faire arriver le vaisseau vent arrière pour rallier l'armée qu'il avait aperçue sous le vent. Cette route le fit passer près du Vengeur qui lui demanda la remorque : dans l'état du Scipion c'était chose impossible. Ce vaisseau reçut encore la bordée de 3 vaisseaux ennemis et, à 7h, il fut pris à la remorque par la frégate la Proserpine; une demi-heure après, il avait rallié l'armée.

J'ai déjà dit qu'à 8h du soir, le contre-amiral Villaret avait fait route au N.-O. avec 19 vaisseaux et les frégates; trois quarts d'heure plus tard, les deux armées étaient hors de vue. Le commandant en chef laissait sur le champ de bataille le Juste, l'Achille, l'America, le Northumberland, l'Impétueux et le Sans-Pareil; les trois premiers avaient seuls été amarinés. Le Vengeur avait coulé. Le rapport anglais déclare qu'il avait non-seulement été impossible à

l'amiral Howe de prendre immédiatement possession de ces vaisseaux, mais encore qu'il lui eût été fort difficile de dégager les siens si le commandant en chef de l'armée française avait fait un retour offensif. Ce ne fut, en effet, que le 3 au soir qu'il put faire route pour l'Angleterre, et son armée n'arriva que le 12 à Spithead.

Le 3, le commandant en chef de l'armée française apprit d'un brig détaché par le contre-amiral Vanstabel, que le convoi d'Amérique ne tarderait pas à arriver dans ces parages. Les frégates la Précieuse, la Galathée et ce brig furent expédiés à cet officier général pour lui donner connaissance de la bataille qui venait d'être livrée. Le lendemain, l'armée avait, tant bien que mal, réparé ses avaries. Il ne pouvait y avoir désormais de doutes sur le sort des vaisseaux qui manquaient; mais on pouvait supposer que l'état dans lequel ils avaient été laissés sur le champ de bataille ne leur aurait pas permis de faire route et qu'on avait la chance de les y trouver encore. Le contreamiral Villaret eut l'idée de se porter de nouveau vers le lieu de la bataille, et fit débattre cette question dans un conseil de guerre. Dans ce moment, les découvertes signalèrent une escadre anglaise dans le Sud. Le représentant Jean Bon Saint-André opposa la raison d'un homme d'État à l'ardeur des officiers: « Si en provoquant un nouveau combat, leur dit-il, vous entraînez la destruction complète de l'armée navale, qui protégera le convoi de grains (1) ? » L'escadre signalée était celle du contre-amiral anglais Montagu. Cet officier général était retourné en Angleterre, après avoir croisé devant Ouessant jusqu'au 25 mai. Mais la prise du convoi de grains était chose trop importante pour que le gouvernement anglais renonçât à l'espoir de

(1) Il n'est pas fait mention de ce conseil de guerre dans les rapports que j'ai eus entre les mains. Je répète ce qui a été écrit. Le journal nautique de la Montagne constate cependant que les contre-amiraux Bouvet et Nielly furent appelés le 4 à bord de ce vaisseau.

s'en emparer. Le 2 juin, le contre-amiral Montagu avait de nouveau reçu l'ordre de sortir avec un renfort de 4 vaisseaux, ce qui porta son escadre à 9 vaisseaux et 2 frégates. Les 19 vaisseaux français, dont 5 étaient traînés à la remorque, et sur ce nombre, 2 entièrement démâtés, n'étaient qu'à 51 milles de Brest lorsque l'escadre anglaise fut signalée; le vent soufflait alors faiblement du N.-O. L'armée de la République laissa porter sur l'escadre anglaise. Mais celle-ci ayant fait elle-même vent arrière, le contre-amiral Villaret craignit avec raison de se souventer, et il fit lever la chasse à 61 du soir. Le 11, tous les vaisseaux mouillérent sur la rade de Bertheaume. Le convoi d'Amérique arriva le lendemain à ce mouillage, ainsi que le Montagnard et la Seine. Vaisseaux et navires du commerce entrèrent ensemble à Brest, où l'arrivée des grains fit momentanément oublier le désastre du 1er juin.

J'ai dit que le convoi avait passé sur le champ de bataille deux jours après que les deux armées s'en étaient éloignées. Parti le 11 mai de la Chesapeak, le contre-amiral Vanstabel s'était dirigé sur les Açores et, en vue de ces iles, il avait expédié l'Éveillée à la recherche de la division qui lui avait été annoncée devoir le rejoindre. Le 29, des détonations précipitées d'artillerie et, plus tard, des vents de Nord, déterminèrent le capitaine de cette corvette à faire route pour Rochefort où il mouilla le 5 juin au matin. L'Éveillée précédait le convoi, de l'avance qu'un bâtiment isolé peut prendre sur un grand nombre de navires du commerce réunis, dans un trajet d'environ 360 lieues. Il est donc probable que le convoi d'Amérique eût tombé au milieu de l'armée anglaise, si celle-ci n'eût été attirée au large.

Je terminerai ce qui a rapport à la bataille du 1er juin, dite du 13 prairial, en rappelant que, sur la motion de Barrère, la Convention décréta que l'armée navale de Brest avait bien mérité de la patrie, et qu'un modèle du vaisseau le Vengeur serait suspendu aux voûtes du Panthéon.

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