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quatre heures après, elles étaient en pleine déroute, sans avoir vu l'ennemi, par l'effet d'une panique, et se précipitaient vers le rivage en demandant à grands cris à se rembarquer. Mais il ventait alors grande brise du S.-E., vent qui soulève toujours la mer dans la rade de Cagliari et les communications avec la terre n'étaient pas possibles. Pendant deux jours, l'escadre, ou du moins les vaisseaux qui étaient sur la rade de Cagliari furent en perdition, et pendant ces deux jours, le corps d'armée expéditionnaire qui était sur la plage, sans être aucunement inquiété par l'ennemi, refusa d'en bouger et ne cessa de demander à retourner à bord. Le 18, le vent diminua un peu et passa à l'Ouest. Le Léopard, la Junon et l'Arethuse avaient été obligés de couper leur mâture; le premier était échoué. Presque tous les bâtiments, tant de l'escadre que du convoi, avaient perdu leurs embarcations et deux transports avaient été jetés à la côte. Les troupes et l'artillerie furent rembarquées le 20.

Il ne fallait plus songer à une entreprise commencée sous d'aussi malheureux auspices; tout projet ultérieur dut même être abandonné. Le coup de vent du 21 décembre avait d'ailleurs fait modifier les instructions en vertu desquelles le contre-amiral Truguet devait châtier, en passant, le pape et le sacré collége, et les ramener aux sentiments de respect dus à la République française, et se porter ensuite sur Livourne pour tirer vengeance des outrages faits à la France par le grand-duc qui venait d'autoriser l'établissement d'une espèce d'arsenal russe dans ce port. Les volontaires furent mis sur le Languedoc, l'Entreprenant et le Themistocle, et ces vaisseaux rentrèrent à Toulon après les avoir déposés dans le golfe Juan. Le reste des troupes partit sur les transports qui furent suivis successivement par toutes les frégates et les vaisseaux de l'escadre, moins 6 qui restèrent avec le commandant en chef pour mettre l'île San-Pietro et la presqu'île d'Antiocco en état de défense convenable, et relever le Léopard. Ce vais

seau, qui avait été canonné jusqu'au 19, s'était tellement envasé, qu'il ne fut pas possible de le remettre à flot. On enleva son matériel, et lorsque cette opération fut terminée, sa coque fut livrée aux flammes. Ralliant alors les 6 vaisseaux qui étaient sur le point de manquer de vivres, le contre-amiral Truguet fit route pour Toulon où il mouilla le 8 mars,

Les relations de bonne amitié avec l'Angleterre et avec l'Espagne avaient cessé d'exister. Cette dernière puissance réunissait dans le port de Carthagène une armée navale dont la première opération fut la prise de l'île San-Pietro et de la presqu'île d'Antiocco, qui entraîna la perte des 2 frégates françaises la Richmond et l'Hélène, alors stationnées dans ces parages. La première fut incendiée.

La ville de Lyon s'était soulevée contre la Convention nationale et les principales villes du Midi n'avaient pas tardé à suivre son exemple. A Marseille, à Toulon, à Bordeaux, à Nîmes, à Montauban, les royalistes s'étaient emparés du mouvement, et avaient organisé des corps de fédéralistes qui devaient se joindre à ceux de Lyon. Détaché avec un corps de l'armée des Alpes, le général Carteaux avait reçu l'ordre de marcher sur Marseille et il y était entré à la suite d'un engagement assez vif. Cet événement en décida un autre, le plus funeste qui eût encore affligé la République. Les Jacobins de Toulon, réunis à la Municipalité, étaient en opposition constante avec les officiers de la marine; ils ne cessaient de se plaindre de la lenteur avec laquelle on réparait les vaisseaux de l'escadre, de leur immobilité dans le port, et ils demandaient à grands cris la punition de ceux auxquels ils attribuaient le mauvais succès de l'expédition de Sardaigne. Les républicains modérés leur répondaient que les vieux officiers étaient seuls capables de commander les escadres; que les vaisseaux ne pouvaient pas être réparés plus promptement; que les faire sortir

contre les escadres anglaises et espagnoles réunies serait fort imprudent. Les modérés l'emportèrent dans les sections. Une foule d'agents secrets, intriguant pour le compte des émigrés et des Anglais, s'introduisirent bientôt dans Toulon, et conduisirent les habitants plus loin qu'ils ne se proposaient d'aller. Ces agents s'étaient assurés que les escadres coalisées seraient prêtes à se présenter au premier signal. Au moment où le général Carteaux entrait dans Marseille, on fit aux sections la honteuse proposition de recevoir les Anglais qui prendraient la place en dépôt au nom de Louis XVII. Les sections déclarèrent qu'il était préférable d'avoir recours à la générosité des ennemis que de se soumettre à la tyrannie des habitants. La marine indignée envoya une députation aux sections pour s'opposer à l'infamie qui se préparait. Mais les contre-révolutionnaires repoussèrent les réclamations de la marine, et firent accepter la proposition. Aussitôt on donna le signal aux Anglais qui croisaient entre Toulon et Marseille; et le contre-amiral de Trogoff, qui avait momentanément remplacé le contre-amiral Truguet dans le commandement de l'escadre, se mettant à la tête de ceux qui invoquaient l'assistance des Anglais, les appela en arborant le pavillon blanc. Le capitaine Saint-Julien, déclarant Trogoff traître à la patrie, hissa le pavillon de commandement: deux vaisseaux seulement se réunirent au sien.

Telle est la version accréditée; je l'ai empruntée à un ouvrage intitulé: la Révolution de Toulon en 1793, par le baron Gauthier de Brécy; je n'ai eu entre les mains aucune pièce qui puisse donner un caractère authentique aux paroles de cet écrivain. M. Léon Guérin, dans son Histoire de la marine contemporaine, dit que ni la signature ni l'adhésion du contre-amiral de Trogoff ne se trouvent sur aucun des actes qui amenèrent et sanctionnèrent la remise de la ville de Toulon aux Anglais. J'ai pu si souvent constater l'inexactitude des récits de cette époque, que j'accepte avec bonheur et que je m'empresse de reproduire cette

réhabilitation d'un officier général de la marine. M. Guérin ajoute que l'armée de Carteaux venait d'entrer à Marseille lorsque le chevalier d'Imbert, capitaine de l'Apollon, président du comité général des sections réuni aux trois corps administratifs, lança une proclamation dans laquelle il annonçait que Toulon avait proclamé Louis XVII. Ce manifeste fut envoyé, non à Trogoff, mais au capitaine SaintJulien qui, profitant d'une prétendue indisposition de cet officier général qu'on retenait probablement de force à terre, avait arboré le pavillon de commandementsur le Commercede-Bordeaux. Le nouveau commandant en chef ne mit aucun obstacle à la libre communication du comité avec l'armée anglaise. Mais de graves dissentiments d'opinion s'étant manifestés à bord des vaisseaux, Saint-Julien se laissa entraîner vers l'opinion républicaine. Le capitaine Van Kempen de la Perle, refusa seul de reconnaître le commandant Saint-Julien ; et, lorsque ce dernier officier se rangea au parti républicain, suivant les prescriptions réactionnaires du comité général, il arbora le pavillon amiral et fit signal de ralliement à tous les vaisseaux. L'escadre anglaise était signalée et l'amiral Hood avait demandé que l'on mouillât les vaisseaux français en petite rade. Le Généreux et le Scipion commencèrent le mouvement, et 16 vaisseaux passèrent de la grande dans la petite rade. Le Commerce-de-Bordeaux et le Duguay-Trouin restèrent seuls à leur premier mouillage. Lorsque l'escadre anglaise parut à la hauteur du cap Sepet, le capitaine Saint-Julien abandonna son vaisseau; l'équipage de la Topaze, moins un officier et huit hommes, le suivit.

Le vice-amiral Hood, qui avait longtemps hésité, parut enfin le 28 août et, sous prétexte de prendre le port en dépôt, il le reçut pour l'incendier ou pour le détruire. L'armée espagnole, forte de 17 vaisseaux, entra quelques heures après (1). 1,500 Anglais avaient pris possession du

(1) L'historien anglais James dit que les deux armées entrèrent en même

fort Lamalgue pendant la nuit. Voici la composition de l'armée anglaise :

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L'escadre française était composée des vaisseaux, frégates et corvettes :

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temps. M. Pons, dans ses Mémoires pour servir à l'histoire de la ville de Toulon en 1793, dit : « L'escadre anglaise vint mouiller dans la rade et y fut bientôt suivie par la flotte espagnole qui avait été appelée par les signaux des Anglais. >>

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