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Le Moniteur du samedi 12 janvier 1793 contenait l'article suivant : « Une frégate de la division que le perfide << Behague avait sous ses ordres, la Calypso, s'était empa« rée, dans la baie de Saint-Christophe, d'un navire du « convoi du général Rochambeau. A cette nouvelle, le « gouverneur anglais de cette île envoya contre cette fré«< gate un vaisseau de guerre qui, malgré son pavillon blanc, lui lâcha sa bordée et la fit amener. En vain le «< capitaine de la Calypso répétait-il qu'il était Français; « que les deux rois n'étaient pas en guerre. Le gouverneur «<lui fit répondre qu'il ne connaissait d'autre pavillon << français que celui aux trois couleurs, et que la frégate «< ne pouvait être qu'un corsaire dont il devait s'emparer. « L'équipage de la Calypso fut fait prisonnier. »

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Ce récit du Moniteur me paraît être un ampliation dénaturée de l'événement du 4 octobre. Une brochure ayant pour titre Mémoire pour le citoyen Malleveault détenu dans les prisons de la Force-1793 vient à l'appui de cette opinion. On y lit, en effet, que le général Behague partit de la Martinique, le 11 janvier 1793, avec le vaisseau la Ferme, la frégate la Calypso, le Maréchal de Castries et l'aviso le Coureur, et qu'il se rendit à l'île de la Trinité deux mois avant la déclaration de guerre à l'Espagne, à laquelle il confia ces bâtiments en dépôt.

L'Assemblée nationale avait mis fin à ses travaux; le capitaine Lacrosse de la Félicité fut chargé d'aller en porter la nouvelle aux Antilles. Arrivé le 1er décembre devant Saint-Pierre de la Martinique, il y apprit l'insurrection de cette île et de la Guadeloupe, et la retraite du général Rochambeau. En envoyant ses paquets au gouverneur Behague, il lui écrivit pour tâcher de le ramener au parti de la République; mais, convaincu bientôt qu'il ne pouvait séjourner sans danger sur cette rade, il alla mouiller à Sainte-Lucie, la plus rapprochée des îles du Sud, qui était restée fidèle à la France. Les démarches du capitaine Lacrosse eurent pour résultat de le faire déclarer aventurier

sans titre et sans mission; et, par arrêtés des 10 et 13 décembre, la Martinique et la Guadeloupe déclarèrent la guerre à la France.

Pendant son séjour à Sainte-Lucie, le capitaine Lacrosse apprit que la Calypso et la Bienvenue, nommée la Royaliste depuis son enlèvement, étaient parties pour la Guadeloupe. Sachant que le vaisseau la Ferme était hors d'état de prendre la mer, il forma le projet d'enlever la corvette le Maréchal de Castries qui était restée sur la rade de Saint-Pierre. L'enseigne de vaisseau Pelletier, chargé de cette entreprise, appareilla avec la goëlette la Kettly et arriva sur la rade de Saint-Pierre pendant la nuit du 29 décembre. Les renseignements qui avaient été donnés au capitaine Lacrosse étaient inexacts; la Kettly reprit le large.

Le lendemain à 21 du matin, le capitaine Pelletier chassa une goëlette qui arbora flamme et pavillon blancs. Après lui avoir envoyé une bordée, il l'aborda et l'enleva. Cette goëlette était la Légère; elle portait 6 pierriers et était commandée par l'aspirant Garnier.

Cependant, malgré les mesures sévères prises pour empêcher la circulation d'une adresse que le capitaine Lacrosse avait envoyée aux habitants des deux îles, le parti républicain augmentait chaque jour; les marins de la division désertaient et tout faisait présager que le parti dominant ne tarderait pas à succomber. La ville de la Pointeà-Pitre donna l'impulsion. Le 28 décembre, le pavillon tricolore fut arboré sur le fort de Fleur-d'épée et il flotta bientôt dans l'île entière. Le 24 janvier 1793, une commission générale extraordinaire des représentants élus par chaque quartier, requit le capitaine Lacrosse de remplir les fonctions de gouverneur général jusqu'à l'arrivée de celui qui avait été désigné par le gouvernement.

La Martinique se laissa entraîner par l'exemple de sa voisine. Les habitants des campagnes s'insurgèrent; effrayés à l'annonce des forces que la métropole devait dé

ployer contre eux, les planteurs abandonnèrent leurs habitations et se réfugièrent dans les îles voisines. Incapable de se maintenir dans cette fausse position, le gouverneur Behague partit le 11 janvier pour l'île de la Trinité espagnole, avec le chef de division Rivière et tous les bâtiments sous ses ordres. Le jour même, le pavillon tricolore fut arboré à la Martinique qui, le 28, nomma aussi le capitaine Lacrosse son gouverneur provisoire.

Prévenu de ce qui se passait aux îles du Vent, le général Rochambeau avait quitté Saint-Domingue; il arriva le 28 janvier à la Guadeloupe sur le brig le Lutin; et, après y avoir fait reconnaître le général Collot, il se rendit à la Martinique.

ANNÉE 1795.

Le 10 août 1792, l'Angleterre avait rappelé son ambassadeur à Paris, et elle ne souffrait celui de la République à Londres, que comme envoyé de la royauté renversée. Toutes ces subtilités diplomatiques n'avaient d'autre but que de satisfaire aux convenances à l'égard du roi renfermé au Temple, et en même temps de différer les hostilités. Le ministre Pitt se plaignait de ce que la France menaçait les alliés de l'Angleterre, attaquait même ses intérêts, et en preuve, il citait la Hollande. Le grief principal allégué était l'ouverture de l'Escaut, mesure que les Français avaient prise en entrant dans les Pays-Bas. Le second grief était le décret du 15 décembre, par lequel la Convention nationale promettait secours et assistance à tous les peuples qui secoueraient le joug de la tyrannie. Pitt se plaignait enfin des menaces et des déclamations continuelles qui partaient des Jacobins contre les gouvernements.

Cependant le procès du mois de janvier 1793 précipita les événements; le gouvernement anglais lança une loi inquisitoriale contre les Français qui voyageaient en Angleterre; des préparatifs et des proclamations annoncèrent une guerre imminente. On excita la populace de Londres; on réveilla cette aveugle passion qui, en Angleterre, faisait regarder une guerre contre la France comme un grand service national; on mit enfin embargo sur des navires chargés de grains qui se trouvaient dans ses ports; et à la nouvelle du 21 janvier, l'ambassadeur français, que jusque-là on avait refusé en quelque sorte de reconnaître, reçut l'ordre de sortir sous huit jours du royaume.

Ne voulant pas laisser impunie la violation de ses liaisons de bon voisinage et du droit des nations, le Conseil exécutif provisoire ordonna d'arrêter les navires anglais, russes, hollandais, prussiens et autrichiens qui se trouvaient dans les ports de la République.

Cette situation des affaires politiques fit modifier les ordres donnés au contre-amiral Truguet qui dut, non-seulement se rendre directement à Brest, mais encore renoncer à ses opérations en Sardaigne, dans le cas où elles ne seraient pas entièrement terminées. Mais, soit qu'il n'eût pas reçu ces nouvelles instructions, soit que le besoin pressant de vivres l'eût forcé de prendre cette détermination, le contre-amiral Truguet mouilla à Toulon.

La nouvelle impétuosité révolutionnaire déconcerta la neutralité calculée des puissances que l'Angleterre travaillait à soulever contre la France. Le Stathouder de la Hollande se défiant toujours de son peuple et n'ayant d'autre appui que les escadres anglaises, lui avait donné toute espèce de satisfaction et témoignait par une foule de démonstrations hostiles, sa malveillance pour la France. Les Espagnols avaient été peu émus de la révolution et c'étaient moins des raisons de sûreté et de politique que des raisons de parenté qui indisposaient le cabinet de Madrid contre la République française. Au moment du jugement définitif

de Louis XVI, il offrit la reconnaissance politique de la République et sa médiation auprès de toutes les puissances, si on laissait la vie sauve au monarque détrôné; depuis ce temps, sa disposition à la guerre n'était plus douteuse. La Catalogne se remplissait de troupes; dans les ports, on armait avec activité.

Au milieu de la conjuration générale, le Danemark et la Suède gardaient seuls une sage réserve. Le gouvernement français avait parfaitement jugé ces dispositions générales et l'impatience qui le caractérisait dans ce moment ne lui permettait pas d'attendre les déclarations de guerre, mais le portait au contraire à les provoquer. Depuis le 10 août 1792, il n'avait cessé de demander à être reconnu; après le 21 janvier, il mit toutes les considérations de côté, et il était décidé à une guerre universelle. Voyant que les hostilités cachées n'étaient pas moins dangereuses que les hostilités ouvertes, il se hâta de mettre ses ennemis en demeure de se déclarer. La Convention nationale ordonna un rapport sur la conduite du gouvernement anglais envers la France; sur les intrigues du Stathouder et des Provinces-Unies et, le 1er février, il déclara solennellement la guerre à l'Angleterre et à la Hollande.

Il fallait, dès lors, songer à mettre les colonies en état de défense et à renforcer les stations navales. Des ordres furent donnés dans tous les ports de l'Océan pour l'affrétement des navires nécessaires au transport des troupes, des armes et des munitions; et, afin que l'ennemi ne pût pas empêcher leur réunion à Brest, on fit sortir toutes les frégates et tous les avisos qui étaient armés. Mais les Anglais avaient déjà des croiseurs sur les côtes de France et plusieurs frégates furent obligées de chercher dans les ports un refuge contre les forces supérieures qu'elles rencontraient. Le ministère fit alors sortir de Brest une division de 2 vaisseaux et de 4 frégates, sous les ordres du capitaine de vaisseau Duval, dont la mission protectrice fut toutefois

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