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vaient nécessairement amener les catastrophes que le pays eutà déplorer, catastrophes trop nombreuses certainement, mais encore au-dessous de ce qu'on pouvait redouter, si l'on songe qu'à toutes ces causes de désastres, il faut ajouter l'insurrection, en quelque sorte permanente, qui régna à bord des bâtiments de la République pendant les premières années de la guerre.

ANNÉE 1791.

La guerre n'était pas encore déclarée. L'Assemblée législative n'avait pas pris l'importante détermination de répondre par une franche déclaration de guerre aux actes d'hostilité mal déguisée de l'Autriche. L'Angleterre continuait ses protestations, sinon amicales, du moins pacifiques. Et cependant, l'année n'était pas terminée, que les officiers de la marine de S. M. Britannique molestaient, violentaient même nos navires marchands, et cela quelquefois en présence de bâtiments de guerre français. Ce sans-gêne, pour ne pas caractériser autrement cette manière d'agir, donna lieu à une grave conflagration. C'est dans l'Inde qu'eut lieu cet épisode maritime, le premier dont j'ai à parler.

Ce premier épisode fut la conséquence de cet abus de la force dont les Anglais ont si souvent fait usage et contre lequel la nation française s'est si énergiquement soulevée il y a quelques années.

A la fin de l'année 1791, la France avait dans l'Inde les frégates la Cybèle, l'Atalante et la Résolue, placées sous les ordres du chef de division de Saint-Félix. Les forces navales de l'Angleterre, commandées par le commodore Cornwallis,

consistaient dans le vaisseau CROWN, les frégates PERSEVERANCE, PHOENIX, VESTALE, MINERVA, Thames, les corvettes ATALANTE et ARIEL. Le commodore anglais, se servant du prétexte de la guerre avec Typpo Saïb, et de la nécessité d'empêcher les neutres de procurer des armes et des munitions à ce prince indien, avait ordonné de visiter tous les navires du commerce. Le 23 octobre 1791, il fit appareiller de Tellichery, petit port sur la côte de Malabar, la frégate de 40o PHOENIX, capitaine sir Richard Strachan et la corvette de 20o ATALANTE, capitaine Foot, pour visiter un navire français qui paraissait au large. La faiblesse de la brise ne leur permit pas de le joindre; elles le suivirent cependant et mouillèrent, trois jours après lui, sur la rade du comptoir français de Mahé, situé à une trentaine de milles au Nord de Tellichery. Un officier anglais se rendit de suite à bord du navire français et demanda à voir les expéditions. Le capitaine ayant refusé d'en donner connaissance, l'officier anglais fit appuyer sa demande par un détachement de soldats. Les écoutilles furent ouvertes par violence et le navire fut visité: on n'y trouva ni armes ni munitions de guerre. Le commandant de Mahé s'étant plaint de la conduite irrégulière du capitaine Foot, le commodore Cornwallis rejeta tous les torts sur l'officier qui avait été envoyé à bord, lequel, assura-t-il, avait fait plus que ne le portaient ses instructions; il désapprouva sa conduite et fit agréer ses excuses au commandant du comptoir.

Ces exigences des Anglais et la présence des corsaires marattes firent sentir au chef de division de Saint-Félix la nécessité de tenir une de ses frégates sur la côte de Malabar; la Résolue de 32°, capitaine Callamand, y fut envoyée. Cette frégate, partie de Mahé avec deux navires du commerce qu'elle escortait à Mangalore, passa devant Tellichery, le 19 novembre de grand matin; trois frégates étaient à ce mouillage. La Résolue et les deux marchands hissèrent leur pavillon; les frégates qui étaient à l'ancre arborèrent le pavillon anglais, et bientôt deux d'entre elles mirent

sous voiles et se dirigèrent sur la Résolue. A 21 de l'aprèsmidi, une d'elles tira un coup de canon auquel la frégate française répondit sans se déranger de sa route. Un quart d'heure après, la même frégate, qui était alors très-près, tira un second coup de canon; le capitaine Callamand en fit également tirer un second; mais voulant connaître le motif de ces avertissements, il mit en panne et fit signal aux deux navires de continuer leur route. Les frégates anglaises étaient la PERSEVERANCE et la PHOENIX, toutes les deux de 40 canons. Sir Richard Strachan qui commandait la seconde fit prévenir le capitaine Callamand qu'il avait ordre de visiter les deux marchands. La PHOENIX avait déjà mis deux canots à la mer; et pendant que l'un d'eux se rendait à bord de la Résolue, l'autre se dirigeait sur les navires qui faisaient toujours route; la frégate anglaise les invita à s'arrêter en tirant plusieurs coups de canons à boulets. Le capitaine Callamand répondit à cette agression en envoyant un boulet sur l'avant de la frégate PHOENIX et un second sur son arrière. Dans ce moment, le canot anglais accostait un des navires et la seconde frégate atteignait l'autre. Cet acte de violence mit fin aux pourparlers engagés entre les deux capitaines; celui de la Résolue ordonna de faire feu sur la PHOENIX, qui était du reste disposée au combat, car la riposte ne se fit pas attendre. La Résolue était placée par le travers de bâbord et sous le vent de la frégate anglaise; le combat continua dans cette position. La PERSEVERANCE ne resta pas spectatrice de la lutte dans laquelle sa compagne se trouvait engagée; elle se laissa culer, et dès qu'elle fut par le bossoir de tribord de la Résolue, elle joignit son feu à celui de sa conserve. La PHOENIX vint alors en grand sur bâbord, passa à poupe de la frégate française à laquelle elle envoya une bordée d'enfilade, et revenant immédiatement sur tribord, elle continua de la combattre par la hanche de bâbord. Les forces étaient trop disproportionnées pour que la Résolue pût lutter avec avantage; après vingt-cinq minutes de vi

goureuse défense, elle avait son gouvernail brisé, son grément et sa voilure hâchés; la corne venait d'être coupée et le pavillon avait été entraîné dans sa chute; le capitaine Callamand avait reçu une blessure à la jambe et une autre à la tête. Résister plus longtemps à deux frégates, toutes les deux plus fortes que la sienne, était chose inutile : il fit hêler qu'il amenait.

Le capitaine Strachan fit dire au capitaine de la Résolue que, malgré l'avantage qu'il venait d'obtenir, il ne considérait pas la frégate française comme sa prise, et il lui envoya des ouvriers pour aider à réparer ses avaries. Le capitaine Strachan engageait enfin le capitaine Callamand à se rendre à Tellichery pour donner ensemble des explications sur ce conflit au commodore Cornwallis. Le capitaine français refusa de se rendre à cette invitation; il déclara qu'ayant amené, il se constituait prisonnier et qu'on pouvait le conduire où l'on jugerait convenable. Après six heures d'hésitation de la part de sir Richard Strachan, qui insistait pour que la Résolue rehissât son pavillon et fît route, la frégate française fut conduite par les Anglais à Tellichery. Le 20, elle fut appareillée par un officier et un équipage anglais et, accompagnée par la PERSeverance, elle fut dirigée sur Mahé. Aussitôt qu'elle fut mouillée, les Anglais qui l'avaient conduite retournèrent à bord de leur frégate qui prit le large. Ce combat avait coûté la vie à 12 hommes de la Résolue qui avait en outre 56 blessés.

ANNÉE 1792

Ces actes d'agression ne furent pas les seuls que les Anglais commirent dans ces parages avant la déclaration de guerre. Le 4 janvier 1792, la frégate la Cybèle, montée

par le chef de division de Saint-Félix, fut rencontrée de nuit par la frégate anglaise MINERVA, commandée par le commodore Cornwallis, qui lui tira un coup de canon. Cet officier supérieur prétendit s'être mépris et donna pour excuse que, dans la position des Anglais vis-à-vis de Typpo Saïb, il devait visiter tous les navires qu'il rencontrait.

Le lendemain de cette affaire, jour de son arrivée à Mahé, le chef de division de Saint-Félix apprit le combat de la Résolue; il ordonna que le pavillon de cette frégate fût rehissé, fit des représentations très-vives au commodore anglais, et finit par le prévenir que, s'il persistait à visiter les navires français, il considérerait cette violation comme une déclaration de guerre, et que dès lors il repousserait la force par la force. Le commodore prétendit que, dans cette circonstance, le capitaine Callamand avait été l'agresseur.

La noble détermination du commandant des forces navales de la France dans les mers de l'Inde fut paralysée par un mouvement insurrectionnel des équipages de la Cybele et de la Résolue; ils déclarèrent qu'ils ne se battraient que dans le cas où ils seraient attaqués. Celui de la Résolue prit l'initiative, et des menaces furent faites au commandant en chef, lorsqu'il se rendit à bord pour connaître les motifs du désordre. La position n'était plus tenable; le chef de division de Saint-Félix quitta ces parages, où le pavillon de la France était exposé à recevoir de nouvelles humiliations sans qu'il lui fût possible d'en tirer vengeance; et la présence de la Résolue dans ces mers ne pouvant être désormais qu'un sujet d'animosité entre les deux marines, il renvoya cette frégate en France.

Le commodore Cornwallis expédia un bâtiment en Europe pour rendre compte de ce conflit à son gouvernement. Le ministère anglais donna l'ordre de mettre le capitaine Strachan en jugement. Quel fut le résultat de cette prétendue satisfaction donnée au pavillon français? Je ne saurais le dire. Un blâme au plus ; car on verra le capitaine Strachan

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