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Enfin l'Artésien attaqua le Cumberland.

Le commandant en chef comptant recommencer le combat le lendemain, les frégates reçurent l'ordre d'observer l'ennemi pendant la nuit. Mais les vaisseaux furent entraînés sous le vent de Pondichéry, et il mouilla dès qu'il fit jour. A midi, les Anglais furent aperçus à 15 milles dans le N.-E. Quoique les vents vinssent du large, ils ne jugèrent pas à propos d'approcher davantage; l'armée française mit sous voiles et les chassa jusqu'au 15; ce jour-là, elle les perdit de vue et retourna à Goudelour. Les troupes qui avaient été embarquées furent remises à terre; on leur adjoignit même 1,200 hommes des vaisseaux. Le 27, la frégate anglaise MEDEA arriva à Goudelour en parlementaire. Le contre-amiral Hughes venait d'apprendre que les préliminaires de la paix avaient été signés et il faisait proposer une suspension d'armes au chef d'escadre de Suffren. Celui-ci y consentit. Le comité de Madras faisait les mêmes propositions à M. de Bussy qui les accepta également. Le 21 août, la frégate la Surveillante arriva de France avec la nouvelle officielle de la paix. Cette frégate apportait aussi au bailli de Suffren l'avis de sa nomination au grade de lieutenant général, par ordonnance du 8 février, et l'ordre de rentrer en Europe. Le capitaine de Peynier était désigné pour lui succéder dans le commandement des forces navales de la France dans l'Inde. Les vaisseaux le Fendant, l'Argonaute, le Brillant, le SaintMichel, l'Hannibal, les frégates la Bellone, la Surveillante et la Coventry devaient composer sa division. Le 26 mars 1784, le lieutenant général bailli de Suffren mouilla à Toulon avec les vaisseaux qu'il ramenait en France. Jaloux de récompenser le héros de l'Inde, le marin auquel la France et la Hollande devaient la conservation de leurs possessions en Asie, Louis XVI créa pour le bailli de Suffren une quatrième charge de vice-amiral qui fut supprimée à sa mort.

Avant d'en finir avec la grande figure qui jeta tant

d'éclat sur ce règne, un mot sur la mort du bailli de Suffren, rapportée d'une manière si erronée par divers auteurs qui, généralement, l'ont attribuée à des excès de table. Je tiens de source certaine l'anecdote suivante (1). De retour à Paris, Suffren fut sollicité par un haut et puissant seigneur de la Cour de revenir sur le jugement qu'il avait porté sur un officier de l'escadre de l'Inde qui avait été démonté de son commandement après un combat. Suffren répondit, avec sa franchise habituelle, qu'il ne pouvait rien faire pour un ... Une provocation en duel fut la conséquence de cette réponse, et le héros que les boulets de l'ennemi avaient tant de fois respecté tomba sous le fer d'un compatriote (2).

Quelques combats particuliers furent livrés avant la signature ou la notification du traité de paix qui fut signé avec l'Angleterre au commencement de cette année. La frégate de 32o la Sibylle, capitaine comte de Kergariou-Locmaria, et la corvette de 14° le Railleur, capitaine HébertDuval, parties de Saint-Domingue, à la fin de décembre 1782, avec un convoi pour la Chesapeak, furent chassées, le 2 janvier 1783, en dehors des débouquements, par le vaisseau anglais de 60 ENDYMION et la frégate de 40 Magi

(1) Le vice-amiral Hugon à qui madame Montholon l'avait racontée.

(2) M. Léon Guérin, Hist. marit. de la France, dément aussi la version de la mort naturelle du bailli de Suffren et le fait tuer en duel. Seulement, il attribue ce duel à quelques paroles échangées dans un bal entre notre héros et un personnage qui donnait le bras à une dame que l'épée du bailli aurait heurtée. M. Guérin dit tenir ce détail du contre amiral Linois.

M. Jal, Scènes de la vie maritime, donne une version conforme à la mienne. D'après lui, l'adversaire de Suffren serait le prince de Mirepoix. Cette version vient d'un serviteur du bailli de Suffren.

Enfin, on lit dans le Manuel des goutteux et des rhumatisans d'Alphonse Leroy, Paris 1805, que notre héros mourut d'une saignée répétée au bras, opération faite contre l'avis de l'auteur qui était son médecin.

Je laisse le lecteur rechercher quelle est, de toutes ces variantes, la version à laquelle il doit s'arrêter. C'est là un travail biographique qui n'entre pas dans mon cadre.

CIENNE. Cette dernière se dirigea d'abord sur la corvette, à laquelle elle avait déjà envoyé deux volées lorsque le capitaine de Kergariou se porta en aide à sa conserve. La frégate anglaise avait pris beaucoup d'avance sur le vaisseau, qui était alors à grande distance. A 2 de l'après-midi, la Sibylle était par le travers de la MAGICIENNE : le combat commença immédiatement. La frégate ennemie perdit de suite son mât d'artimon; ce début était d'un heureux augure. Le capitaine de Kergariou ne put, toutefois, jouir qu'imparfaitement de cet avantage : frappé par une mitraille, il fut remplacé par le lieutenant de vaisseau Morel d'Escures, Loin d'être ralentie par cet événement malheureux, l'ardeur des Français alla toujours croissant, et la chute successive du grand mât et du mât de misaine de la MAGICIENNE témoigna de l'adresse de leurs canonniers. A 3b, la frégate anglaise était rase comme un ponton (1). Malgré cet éclatant succès, le lieutenant Morel se vit dans la nécessité d'abandonner son ennemi vaincu; le vaisseau approchait, et une lutte avec ce nouvel antagoniste était chose impossible, surtout dans l'état où était la Sibylle. Il la couvrit de toutes les voiles qu'elle pût encore porter et rallia le convoi. L'ENDYMION chassa la Sibylle jusqu'à 61, mais sans succès cette frégate était du petit nombre de celles qui avaient été doublées en cuivre. La Sibylle avait éprouvé de grandes pertes; un seul officier avait été respecté par les boulets de la MAGICIENNE.

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La Sibylle rejoignit son convoi au jour, mais le Railleur n'était plus en vue. Le 11, à 105 milles de l'embouchure

(1) Je regrette de ne pouvoir donner le nom du capitaine de la MAGICIENNE mes recherches, à cet effet, ont été vaines.

de la Chesapeak, par un grand vent de S.-O., deux bâtiments le chassèrent. Le capitaine Hébert laissa arriver vent arrière et força de voiles. Joint et canonné à 3 de l'aprèsmidi, par la frégate anglaise de 36° CYCLOPE, il amena son pavillon.

La Sibylle avait à peine réparé les avaries qu'elle avait éprouvées dans son combat avec la MAGICIENNE que, le 6, elle reçut un coup de vent pendant lequel elle démâta de tous ses mâts, et fut obligée de jeter 12 canons à la mer. Le convoi fut dispersé. Des mâts de fortune avaient été installés et la frégate française continuait sa route lorsque, le 22, plusieurs voiles furent aperçues. Le désir de connaître exactement sa position et probablement aussi l'espoir d'échapper par la ruse à ces bâtiments, s'ils étaient ennemis, déterminèrent le capitaine de Kergariou à avoir recours à un subterfuge qui lui occasionna une cruelle mortification. Il fit hisser le pavillon blanc au-dessous du pavillon de la Grande-Bretagne (1), et plaça un yacht anglais dans les grands haubans. La corvette de 20° HUSSAR, capitaine Russell (2), se détacha et se dirigea sur la Sibylle qu'elle approcha à portée de voix ; puis, presque aussitôt, le capitaine anglais manœuvra pour s'éloigner sans répondre aux questions qui lui avaient été adressées. Le but que se proposait le capitaine de Kergariou était manqué; il avait vraisemblablement été reconnu. Il fallait dès lors mettre la corvette anglaise hors d'état de faire un signal et d'aller donner l'éveil à ses compagnons. Dans ce but, il laissa arriver en grand sur elle avec l'espoir de lui faire quelque grave avarie en l'abordant. Le capitaine anglais réussit à éviter ce choc.

(1) Ce signal signifiait: prise française. Le capteur hisse toujours son pavillon au-dessus de celui du navire capturé.

(2) Le rapport du capitaine de Kergariou, déposé à l'amirauté de Tréguier, dit que la corvette anglaise portait 20 canons, 4 obusiers de 18, probablement des caronades, et 2 canons de 6.

La ruse étant inutile désormais, le capitaine de la Sibylle fit amener le pavillon anglais et ouvrir le feu sur le Hussar. Malheureusement, le yacht placé dans les haubans se trouva engagé, et les premiers coups de canon furent tirés avant qu'il fût enlevé. La corvette riposta par une bordée, et avec tant de succès, que ses boulets frappèrent au-dessous de la flottaison dans un moment où la frégate, qui n'était pas suffisamment appuyée, avait son flanc entièrement à découvert, et occasionnèrent plusieurs voies d'eau considérables. Dans un instant, les soutes à poudre furent inondées. Le HUSSAR se replia de suite sur un vaisseau qu'on distinguait alors parfaitement. Ce moment de répit permit au capitaine de Kergariou de faire travailler à boucher les trous de boulets. On ne put réussir à aveugler toutes les ouvertures et bientôt les pompes ne franchirent plus. On jeta encore 12 canons à la mer. Le vaisseau aperçu était le CENTURION de 60°; il atteignit promptement la Sibylle et se plaça par sa hanche du vent. La frégate française n'avait d'autre poudre que celle qui était dans les pièces; elle amena son pavillon à la seconde volée du vaisseau; le HUSSAR s'était rapproché et lui avait aussi tiré quelques coups de canon. La corvette HARRIER était alors également en position de combattre.

Le capitaine du HUSSAR, plus ancien de grade que celui du CENTURION, revendiqua l'honneur de la victoire qu'il prétendit avoir remportée seul; et, taxant de mauvaise foi le capitaine de Kergariou qui, disait-il, avait combattu sous pavillon anglais, il brisa l'épée de cet officier et le relégua dans l'entrepont de la corvette, sous la garde d'une sentinelle, avec défense de communiquer avec qui que ce fût. Les autres officiers de la frégate furent aussi séquestrés dans cette partie du navire et mis à la ration de matelot; on ne leur donna pas un seul objet de literie pour se coucher. Les égards que le contre-amiral Digby témoigna plus tard au capitaine de la Sibylle constatent que la conduite de cet officier supérieur ne fut pas aussi déloyale que le

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