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« cela pour m'empêcher de partager vos périls » (1). Voici l'ordre auquel le chef d'escadre de Suffren faisait allusion:

« Considérant qu'il est impossible au commandant d'une « armée navale de juger, pendant un combat, du mouve<< ment de sa ligne et de celle de l'ennemi, tant à cause de « la fumée du canon dont il est enveloppé, que par l'atten<«<tion qu'il est obligé de porter à la manœuvre particu«lière du vaisseau sur lequel son pavillon est arboré;

<< Considérant que les vaisseaux de tête distinguent dif<«<ficilement les signaux qui leur sont adressés du centre « de la ligne, et que le moment de les exécuter est souvent «< passé lorsqu'ils les aperçoivent;

« Je vous fais cette lettre pour vous dire que mon inten«<tion est que, si dorénavant vous trouvez l'occasion de «< combattre mes ennemis, vous aurez à quitter le vaisseau « sur lequel votre pavillon sera arboré et que vous passiez « sur la frégate dont vous aurez fait le choix, d'où il vous « sera plus facile d'observer la manœuvre des ennemis, « d'indiquer celle que vous jugerez à propos de faire faire « à l'armée navale dont je vous ai confié le commandement « et d'en presser l'exécution. »

« Signě: Louis. »

Cet ordre était la conséquence d'une ordonnance royale qui avait été promulguée après la bataille de la Dominique.

Oui, il y avait un grand dévouement, un amour de la patrie plus grand encore chez le chef qui allait au devant de l'ennemi avec des vaisseaux qui en étaient aux expédients pour se procurer des mâts, des voiles et des cordages; avec des vaisseaux qui faisaient tant d'eau que le jeu des pompes ne pouvait être interrompu et dont les équipages, attaqués par le scorbut, présentaient l'effectif strictement nécessaire, non pour combattre, mais pour naviguer. Les vaisseaux de 74° avaient à peine 500 hommes,

(1) Cunat, Hist. du bailli de Suffren.

y compris les Caffres et les Lascars qu'il avait été possible de recruter et les soldats qu'on avait embarqués au moment du départ, et il leur en revenait 734. Et cependant, le vice-amiral anglais qui n'ignorait aucune de ces parti cularités ne crut pas devoir accepter le combat lorsque, le 14 juillet, les Français se présentèrent devant Goudelour. Bien plus, quand il se décida à mettre sous voiles, il manœuvra de telle sorte que les Français purent prendre, le 17, le mouillage qu'il occupait devant la ville. Le commandant de l'armée navale en profita pour demander au général de Bussy un complément d'équipages: 500 soldats et 700 cipayes lui furent envoyés. Ce fut avec une semblable composition d'équipages que les vaisseaux appareillèrent le 18 et gouvernèrent sur les Anglais. Les variations dans la force et dans la direction du vent s'opposèrent à la rencontre des deux armées. Le lendemain, elles manœuvrèrent pour tâcher de gagner la position du vent ou pour s'assurer cette position. Enfin, le 20, la brise s'étant fixée à l'Ouest, l'armée française laissa porter sur celle des Anglais, disposée en bataille, bâbord amures et en panne dans l'ordre suivant :

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A 3b 30, l'armée française se trouvant à distance convenable, le chef d'escadre de Suffren fit serrer le vent bâbord amures, et le combat s'engagea sur toute la ligne dans l'ordre que voici. Conformément aux instructions qu'il avait reçues, le bailli de Suffren avait arboré son pavillon sur la frégate la Cléopâtre, capitaine de Rosily.

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Frégates Consolante, Cléopâtre, Coventry.

L'ardeur des états-majors et des équipages répondit à celle de leur chef d'escadre. Chacun combattit vaillamment à son poste et il n'y eut que des éloges à donner. Pressée de plus en plus par les Français qui tenaient à exécuter le signal, hissé en quelque sorte en permanence en tête de la mâture de la Cléopâtre, de combattre à demi-portée de fusil, l'armée anglaise arriva constamment, mais en faisant bonne contenance et peut-être dans le but d'éloigner l'armée française de Goudelour. La nuit fit cesser le combat après deux heures et demie de lutte acharnée. Toutefois,

(1) M. Cunat (a) dit que le capitaine de Saint-Félix qui, on doit se le rappeler, avait été remplacé dans son commandement après le combat du 3 septembre 1782, obtint de servir comme capitaine de pavillon sur le Fendant, et qu'il fut blessé au combat devant Goudelour. Il est fort possible que, désireux de se réhabiliter dans l'escadre, M. de Saint Félix ait obtenu de servir en sous-ordre sur un vaisseau; mais ce ne dut être qu'en second et non comme capitaine de pavillon, puisque M. de Peynier n'était lui-même que capitaine de

vaisseau.

(a) Hist. du bailli de Suffren.

les boulets français accompagnèrent les vaisseaux anglais tant que l'obscurité permit de les apercevoir.

Disons-le bien haut à la gloire du chef d'escadre de Suffren, à la gloire des capitaines, des officiers et des équipages de son armée, il était beau de marcher aussi bravement au combat dans des conditions pareilles à celles dans lesquelles se trouvait cette armée de l'Inde. Vaisseaux vieux, cassés et ne manoeuvrant plus que difficilement; équipages épuisés et composés, dans un rapport assez considérable, d'Indiens et de soldats, en un mot d'hommes qui ne savaient rien des choses de la mer; bien plus qui, dès que la brise fraîchissait, étaient exposés à tous les inconvénients de la navigation; tels étaient les éléments que, amiral et capitaines avaient mis comme enjeu de la partie qui avait été engagée et qu'ils avaient certainement gagnée. Oui, je le répète, car on ne sait pas, lorsqu'on n'est pas marin, les difficultés qu'un capitaine doit vaincre pour organiser son équipage pour le combat, honneur à l'armée navale de l'Inde; honneur au chef qui sut empêcher qu'on ne ressentît dans cette partie du monde le contre-coup du désastre que la marine de la France avait éprouvé dans la mer des Antilles.

A part un vaisseau dont le capitaine se porta en aide à son chef de file, accidentellement placé dans une situation difficile, chacun se maintint au poste que son rang dans la ligne lui avait donné. Le choix que le Héros avait fait du SUPERB pour adversaire donna aux 7 vaisseaux qui le précédaient un antagoniste, et laissa même le chef de file de la colonne ennemie sans vis-à-vis. Mais bientôt les quatre premiers remontèrent la ligne, et le Sphinx quitta l'Isis pour se placer par le travers du DEFENCE.

Le Brillant remonta également d'un rang, après avoir envoyé sa bordée au GIBRALTAR et combattit l'Isis que le Sphinx venait d'abandonner.

Le Fendant s'adressa au GIBRALTAR après avoir eu l'INFLEXIBLE pour vis-à-vis. Il combattait depuis une heure

lorsque le feu prit à sa hune d'artimon. Le Flamand, en s'interposant entre lui et l'ennemi, donna à son capitaine la possibilité de travailler exclusivement à éteindre l'incendie : on parvint à s'en rendre maître.

Le Flamand combattait l'INFLEXIBLE lorsque le feu se déclara à bord du Fendant. Son capitaine augmenta de suite de voiles et alla faire un abri à son chef de file qui put alors s'occuper de l'incendie; mais le capitaine Perrier de Salvert perdit la vie par suite du noble empressement qu'il avait mis à venir en aide au commandant de sa division. Le lieutenant Trublet de la Villejégu le remplaça. La manœuvre du Flamand fit un vide dans lequel le GIBRALtar voulut passer; le Flamand l'en empêcha en se laissant culer (1).

Le mouvement en avant des quatre vaisseaux dont je viens de parler permit à l'EXETER de joindre son feu à celui du WORCESTER qui combattait l'Ajax. Ce vaisseau leur tint bravement tête, mais il perdit son capitaine dans cette lutte inégale.

L'Hannibal était par le travers de l'AFRICA.

L'Argonaute combattait le SULTAN.

Le Héros, quoique le pavillon de commandement ne flottât pas en tête de ses mâts, avait instinctivement choisi le SUPERB pour adversaire,

Dans la seconde partie de la ligne, 7 français seulement se trouvaient opposés à 9 vaisseaux anglais. L'Illustre était placé entre le MONARCA et le BURFORD.

Le Saint-Michel tenait le travers du SCEPTRE.
Le Vengeur avait le MAGNANIME pour adversaire.
Le Sévère échangea ses bordées avec l'EAGLE,
L'Annibal combattit le HERO.

Le Hardi tint tête au BRISTOL d'abord, puis ensuite au MONMOUTH.

(1) M. Trublet de la Villejégu dit, dans son Journal de la campagne de l'Inde du bailli de Suffren, que cette manœuvre pouvait avoir pour objet de remplir l'engagement que le capitaine Hicks, nouvellement arrivé d'Europe, avait pris d'enlever un vaisseau français au premier combat auquel il assisterait.

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