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sordre de l'arrière-garde. Le sacrifice du mât d'artimon qui fut coupé arrêta l'incendie.

Le Bizarre qui fermait la marche resta de l'arrière sans ennemi par le travers.

L'escadre française avait, jusqu'à ce jour, été numériquement supérieure à l'escadre anglaise et cependant, le bailli de Suffren n'avait pas encore remporté de victoire décisive. La lettre qu'il écrivit au ministre de la marine, après le combat du 3 septembre, et que je transcris en entier, en donne la raison. Voici ce document intéressant.

A bord du Héros...

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<< Monseigneur,

« J'ai le cœur navré par la défection la plus générale : « je viens de manquer l'occasion de détruire l'escadre anglaise. J'avais quatorze vaisseaux et la Consolante que « j'avais mise en ligne. L'amiral Hughes évitait sans fuir; << pour mieux dire il fuyait en ordre, conformant sa voi«<lure à la marche des plus mauvais voiliers; et larguant à << mesure, il fit courir jusqu'à dix et même douze aires de << vent; ce ne fut qu'à 2 de l'après-midi que je pus le ་ joindre. Ma ligne à peu près formée, j'attaquai et fis lc « signal d'approcher. J'avais fait signal au Vengeur et à la « Consolante de doubler par la queue; on n'approcha point. « Il n'y a eu que le Héros, l'Illustre et l'Ajax qui aient « combattu de près et en ligne. Les autres, sans égard à « leur poste, sans faire aucune manœuvre, ont tiraillé de « loin ou, pour mieux dire, hors de portée de canon. Tous, « oui tous, ont pu approcher puisque nous étions au vent « et de l'avant, et aucun ne l'a fait. Plusieurs de ceux-là a se sont conduits bravement dans d'autres combats. Je

ne puis attribuer cette horreur qu'à l'envie de finir la « campagne, à la mauvaise volonté et à l'ignorance, car je n'oserais soupçonner rien de pis. Le résultat a été terrible. Le Héros, l'Iilustre ont perdu grand mât, mât « d'artimon, petit mât de hune etc. Ce seraient des avaries

«< affreuses en Europe; jugez dans l'Inde où nous n'avons << aucune ressource en ce genre. Il faut que je vous dise, « Monseigneur, que des officiers depuis longtemps à l'île << de France, ne sont ni marins ni militaires. Point marins, « parce qu'ils n'y ont point navigué, et l'esprit mercan« tile, d'indépendance et d'insubordination est absolument « opposé à l'esprit militaire. Les maîtres y ont contracté << un esprit de rapine qu'il est impossible de réprimer. << Vous ne sauriez imaginer, Monseigneur, toutes les petites « ruses qu'on a employées pour me faire revenir. Vous « n'en serez pas surpris si vous savez qu'à l'île de France « l'argent vaut 18 p. 100 et, quand on fait des affaires, << infiniment plus; et pour cela il faut y être.

« Messieurs de Lalandelle, de Tromelin, de Saint-Félix, « de Galle ont demandé à quitter leurs vaisseaux ; j'ai été « trop mécontent d'eux pour ne pas le leur accorder avec « plaisir. Si je ne change pas plusieurs autres, c'est faute « d'avoir des personnes en état de commander les vaisseaux; je vous envoie la liste apostillée. Il est affreux d'avoir << pu quatre fois détruire l'escadre anglaise et qu'elle existe « toujours. Le choix des officiers pour l'Inde est des plus << essentiels, parce qu'on n'est pas à même de les changer. « Je ne crois pas avoir les talents qu'il faudrait; je ne suis « rassuré que par la confiance que vous avez en moi. Mais « en vérité, si ma mort ou ma santé faisait vaquer le com« mandement, qui me remplacerait? monsieur d'Aymar? « Vous le connaissez. Monsieur Peynier est brave, zélé, « excellent pour un jour de combat; mais je croirais la <«< conduite d'une grande escadre fort au-dessus de ses << forces dans ce moment, n'ayant point encore été éprouvé dans cette partie. Je ne connais qu'une personne qui << ait toutes les qualités qu'on peut désirer; qui est très« brave, très-instruite; pleine d'ardeur et de zèle, désin«téressée; bon marin: c'est monsieur d'Albert de Rions « et, fût-il en Amérique, envoyez-lui une frégate. J'en « vaudrai mieux l'ayant, car il m'aidera; et si je meurs,

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« vous serez assuré que le bien du service n'y perdra rien.

Si vous me l'aviez donné quand je vous l'ai demandé, nous « serions maîtres de l'Inde. Je puis avoir fait des fautes à « la guerre; qui n'en fait pas ! mais on ne pourra m'en imputer aucune de celles qui font perdre les affaires. « Je suis, etc.

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Disons cependant, sans chercher d'autres causes, que le résultat incomplet dont le commandant en chef des forces navales de la France dans les mers de l'Inde se plaignait, pouvait aussi dépendre de la composition des équipages. Les armements considérables faits depuis 1778 avaient épuisé les ressources du personnel; on y remédiait en complétant les équipages avec des milices gardes-côtes, des troupes de marine, exclusivement employées jusqu'alors à former la garnison des vaisseaux, et enfin, avec ce qu'on appelait des novices volontaires, qui étaient des hommes de l'intérieur recrutés à prix d'argent. On conçoit quels équipages devaient former de tels éléments. Le relâchement et l'esprit d'indépendance tenaient aussi à une autre. cause que celle signalée; on peut en attribuer une partie au règlement sur les tables. Général, capitaine, officiers, gardes-marine mangeaient ensemble; tout était confondu. On se tutoyait comme camarades. Quand on manoeuvrait, lę subalterne donnait son avis, discutait, et le chef impatienté préférait souvent céder plutôt que de se faire des ennemis. Des faits de ce genre sont constatés par des témoins dont on ne peut suspecter la véracité.

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Les avantages furent à peu près balancés dans les combats particuliers qui furent livrés cette année.

Lorsque, le 17 février, l'escadre française de l'Inde alla mouiller à Porto Novo, après le combat qu'elle avait livré aux Anglais, la frégate de 32 la Bellone, capitaine Perrier

de Salvert, fut laissée en croisière au large. Huit jours plus tard, le 25, cette frégate rallia l'escadre avec la corvette anglaise de 20° le CHASSEUR, qu'elle avait fait amener après vingt minutes de combat. Le commandement en fut donné au lieutenant Boisgelin.

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Le 26 juin, c'était la frégate de 32o la Fée, capitaine de Boubée, qui s'emparait, à la hauteur du cap Lizard d'Angleterre, de la corvette anglaise de 18° ALLIGATOR qui portait les dépêches du commandant de la division des côtes occidentales d'Afrique.

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Le 28 juillet au soir, et alors que l'armée navale se rendu Cap Français à Boston, une canonnade fort vive entendue dans le Sud; le commandant en chef se dirigea de ce côté. Le lendemain au jour, la frégate l'Amazone fut aperçue sans pavillon et démâtée de son grand mât et de son mât d'artimon; près d'elle se trouvait une frégate anglaise qui prit chasse; l'Amazone hissa alors son pavillon. Cette frégate, commandée par le lieutenant de vaisseau de Montguyot, avait été chassée, le 28 dans l'après-midi, par la frégate anglaise de 48° SANTA MARGARITA, capitaine Salter. A 5, celle-ci passa à la distance d'un câble, à contre-bord de l'Amazone qui lui lâcha sa bordée et vira immédiatement vent arrière. Le capitaine anglais attendit que l'évolution de la frégate française fût commencée pour lui envoyer sa volée en poupe; il l'approcha ensuite à portée de pistolet en la tenant à tribord. Le combat fut terrible; après cinq quarts d'heure, le lieutenant de vaisseau chevalier de l'Épine qui avait remplacé le capitaine de Montguyot, tué pendant l'action, fit amener le pavillon; cet officier était blessé lui-même. Le grand mât et le mât d'artimon de l'Amazone s'abattirent presque en même temps que le pavillon. A la nuit, le capitaine Salter

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suspendit le transbordement des prisonniers, envoya 68 hommes à bord de la frégate française et la prit à la remorque. Lorsqu'au jour il aperçut l'armée, il fit revenir à son bord les officiers et les matelots détachés; et, sans prendre le temps d'embarquer son canot qu'il abandonna, il coupa le grelin de remorque et prit chasse. L'équipage de l'Amazone rehissa de suite les couleurs nationales (1).

La Gazette d'Albany du 8 août fit les réflexions suivantes sur ce combat: « Nous sommes informés que la Santa « MARGARITA est un très-beau bâtiment ayant 28° de 18 en batterie. Cela étant, elle devait avoir un très-grand «< avantage sur la frégate française qui, d'après le rap« port, ne porte que du 12 et du 6; cette infériorité est «< immense. >>

Le rédacteur de la Gazette d'Albany était mal informé en ce qui concerne la force de l'Amazone; la matricule des bâtiments armés constate que cette frégate était une de celles auxquelles on n'avait pas ajouté 6 canons de 6 sur les gaillards; elle ne portait que 26o de 12.

L'observation du Journal d'Albany servira à établir la force exacte de la SANTA MARGARITA, quelle que soit d'ailleurs la classe à laquelle les relations anglaises aient fait appartenir cette frégate. D'après le règlement du 3 juillet 1779, les frégates dites de 38 étaient les seules qui eussent 28 de 18 en batterie. Or, comme en 1782, ces frégates remplacèrent leurs caronades de 18 par des caronades du calibre de 24, la SANTA MARGARITA devait avoir :

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(1) M. de Lapeyrouse omet de relater cette circonstance importante dans son Histoire de la marine française,

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