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mais quelque temps après, s'apercevant que le MONMOUTH, qui n'avait pas d'adversaire, partageait ses coups entre le Héros et le Sphinx, le commandant en chef remonta jusqu'à lui et lui fit payer cher l'espèce de quiétude dans laquelle il était resté jusque-là. Le MONMOUTH vit, en effet, son mât d'artimon et son grand mât s'abattre successivement, et c'en était peut-être fait de ce vaisseau, si le viceamiral anglais, témoin de ce désastre, ne fût venu interposer son propre vaisseau entre les combattants. Ce fut alors le Héros qui se trouva dans une position critique. Ce vaisseau n'avait pas obtenu le résultat que je viens de dire sans avoir, lui aussi, grandement souffert. Les capitaines de l'Orient et du Brillant comprirent de suite leur devoir. Simultanément, et sans qu'il eût été nécessaire de leur en faire le signal, ils forcèrent de voiles, firent au Hĕros un abri avec leurs vaisseaux et combattirent le SUPERB avec une vigueur telle, que celui-ci dut aller chercher un abri sous le vent du MONMOUTH. Mais cette nécessité d'abandonner le poste où il s'était porté ne fit pas oublier au commandant en chef de l'escadre anglaise la position, en quelque sorte désespérée, de son chef de file; pour l'en sortir, il ordonna de suite de virer lof pour lof tout à la fois, et le MONMOUTH fut pris à la remorque. Le chef d'escadre de Suffren fit le même signal à ses vaisseaux. Le Héros continua de combattre à l'autre bord; mais, démâté de son petit mât de hune, il ne gouverna bientôt plus qu'avec difficulté. Le commandant en chef dut quitter ce vaisseau qui ne pouvait plus tenir son poste et, laissant au capitaine Moissac le soin de le remettre au moins en état de naviguer, il arbora son pavillon sur l'Ajax; il était 5b 15. Le Héros suivit de loin son escadre et laissa tomber une ancre lorsque l'ordre en fut donné.

L'Orient, après avoir engagé vigoureusement le MoNARCA, imita le mouvement du Héros; il eut dès lors le SUPERB pour antagoniste. Lorsque, dans le but de couvrir le MONMOUTH qui avait perdu deux de ses bas mâts, le

vice-amiral anglais augmenta de voiles, l'Orient le suivit, protégea le Héros et contribua à forcer le SUPERB à chercher un abri sous le vent de la ligne. Ce vaisseau exécuta l'ordre de virer; mais, dès que son évolution fut terminée, le feu prit à son bord et il se laissa culer pour l'éteindre.

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Le Brillant combattit d'abord le MAGNANIME, imita la manœuvre de l'Orient et contribua aussi à dégager le Héros et à obliger le SUPERB à passer sous le vent de la ligne. Il vira sur le signal qui en fut fait, abrita l'Orient lorsque le feu se déclara à son bord, et combattit jusqu'au signal qui ordonna de cesser de le faire.

Le Sévère, l'Ajax, l'Annibal, le Flamand et le Bizarre qui n'avaient pas bien tenu leur poste, exécutant à la lettre l'ordre de prendre le plus près, se trouvèrent tout d'abord trop au vent. Les signaux de laisser arriver, de s'approcher davantage, ne purent décider leurs capitaines à quitter la position qu'ils avaient choisie et dans laquelle ils brûlaient leur poudre en pure perte. Cependant plus tard, lorsque le Héros, l'Orient et le Brillant se portèrent en avant, ces vaisseaux se rapprochèrent et leurs coups eurent plus d'efficacité. Ils exécutèrent l'ordre qui fut donné de virer lof pour lof tout à la fois. Seul l'Ajax vira vent de devant, mais après plusieurs tentatives infructueuses qui ne purent décider son capitaine à effectuer son évolution vent arrière. Après le virement de bord, ces 5 vaisseaux combattirent d'une manière soutenue jusqu'au signal de cesser le feu. Ce fut l'Ajax que le commandant en chef choisit pour porter son pavillon lorsqu'il quitta' le Héros.

Le 19, l'escadre française mit à la voile pour Benticolo (1) où elle mouilla le lendemain; mais avant de faire route, le commandant en chef manœuvra de manière à engager le vice-amiral anglais à venir tenter de nouveau le sort des armes au large des bancs derrière lesquels il s'é

(1) Benticolo, petit comptoir hollandais de l'île de Ceylan à 56 milles au Sud de Trinquemalé.

tait en quelque sorte fait une position inexpugnable. Celuici n'en tint aucun compte, et entra le 22 à Trinquemalé. Le chef d'escadre de Suffren expédia de suite un aviso au gouverneur de l'île de France pour lui faire connaître. sa situation et lui demander des mâtures et des munitions. Il lui disait que si, forcé par les circonstances, il lui fallait quitter la côte, il irait à Malac, et il le priait de diriger sur Pointe de Galles (1) les secours et les renforts qu'on lui enverrait.

La détermination prise par le chef d'escadre de Suffren d'aller à Benticolo fit dire aux Anglais que la victoire lear était restée. Le commandant en chef de l'escadre française donne les raisons de son départ; il n'avait pas voulu engager un nouveau combat dans des eaux aussi peu profondes, et avait attendu, mais en vain, que les Anglais eussent appareillé.

La relâche à Benticolo causa un grand désappointement dans l'escadre. Une fermentation sourde ne tarda pas à se manifester parmi les capitaines et dans les états-majors. On discutait la possibilité de tenir plus longtemps la mer, l'utilité du séjour de l'escadre dans ces parages, et l'on n'hésitait pas à avancer que le retour à l'île de France était commandé. Ces observations intempestives arrivèrent jusqu'au commandant en chef; mais le bailli de Suffren ne craignit pas de sacrifier les intérêts de ses sous-ordres aux intérêts du service. Il avait vu promptement qu'il était de toute nécessité pour la France d'avoir une force maritime imposante sur la côte de Coromandel, et il comprit l'effet fâcheux que son départ produirait dans les circonstances actuelles. Quitter la côte, c'était obliger Hyder-Ali à traiter avec les Anglais. Que devenait alors le corps auxiliaire français? En vain disait-on que l'escadre reparaîtrait. Si l'on avait éprouvé tant de difficultés à la mettre en état de

į (1) Pointe de Galles, possession hollandaise sur la côte S.-O. de Ceylan.

reprendre la mer, les embarras eussent été autrement grands dans l'état où elle se trouvait. Le prix que le chef d'escadre de Suffren attachait à la présence des vaisseaux sur la côte de Coromandel se résume parfaitement bien dans cette phrase par laquelle il répondit à la demande qui lui était faite : Plutôt ensevelir l'escadre sous les murs de Madras! Il opposa aux mécontents une fermeté contre laquelle les criailleries vinrent s'émousser et il n'hésita pas à sévir. Il est hors de doute que sans cette énergie du commandant en chef, l'escadre eût encore donné le triste spectacle des dissensions qui avaient eu un résultat si fâcheux à une autre époque.

Malgré les ordres positifs qu'il avait reçus de France, ordres qui, malheureusement, étaient connus de tous, le chef d'escadre de Suffren prit donc sur lui de prolonger son séjour sur la côte. Il fit travailler immédiatement à réparer et à approvisionner ses vaisseaux; grâces aux prises qu'ils avaient faites et aux secours que les Hollandais leur donnèrent à Benticolo, ils purent recevoir six mois de vivres. Cela fait, l'escadre se rendit à Porto Novo et, de là, à Goudelour.

Le chef d'escadre de Suffren n'avait pas cessé de se préoccuper de la prise de Negapatam, la plus importantė des colonies hollandaises de la côte de Coromandel. Trouvant le commandant des troupes françaises auxiliaires aussi peu partisan de cette expédition aujourd'hui qu'il l'était à son arrivée dans l'Inde, il profita du séjour de l'escadre à Goudelour pour entrer directement en relations avec HyderAli et lui proposer de coopérer à l'attaque de cette ville. Avec l'aide de ce prince, il put embarquer 1200 hommes, dont 800 cipayes, pour compléter les équipages des vaisseaux et en outre 300 soldats pour les opérations par terre. Après avoir fait connaître ses projets au gouverneur de l'île de France, et lui avoir signalé les difficultés de plus

en plus grandes que lui occasionnaient le dénûment le plus complet d'argent, d'approvisionnements, de vivres, de médicaments et l'affaiblissement des équipages, il mit à la voile dans les premiers jours du mois de juillet et se dirigea vers le Sud. Le 5, il était devant Negapatam; l'escadre anglaise était mouillée sur cette rade. Le vice-amiral Hughes n'attendit pas à être attaqué au mouillage; il appareilla, mais se maintint en observation au vent, et la nuit se passa ainsi. Le lendemain 6 juillet, le vice-amiral anglais fit arriver, dans l'ordre ci-après, sur l'escadre française alors rangée en bataille, tribord amures, comme il suit; l'Ajax qui avait démâté la veille de son grand mât de hune ne l'avait pas encore remplacé; ce vaisseau ne se mit pas en ligne. Le vent soufflait du S.-O.

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(1) Ce poste n'était pas celui qui avait d'abord été assigné au Bizarre. Ce vaisseau, étant sorti de la ligne pour demander l'explication d'un signal, avait reçu l'ordre de se placer entre l'Orient et le Vengeur.

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