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trouvé, agrandi les priviléges, devint un personnage encore plus vénérable quand il put appliquer à la situation de doyen des avantages, des droits par bulles, des préséances, des actes, peut-être même, mais rarement, des remontrances tombées en désuétude. Cette existence nouvelle, fortifiée par la parole la plus digne et la plus brillante, donnait à ce cardinal une attitude qu'en arrivant à cette cour il fallait remarquer. Pie VII ayant rendu sa noble âme à Dieu, le doyen s'éleva encore à un degré de puissance qui n'était balancé que par le crédit du camerlingue. Le conclave est toujours présidé par le doyen; on voit dans l'histoire de Léon XII quelles furent les agitations du conclave de 1823. Nous en rapporterons quelques-unes succinctement (5). Les poésies que l'on publie ordinairement avant et pendant le conclave annoncèrent que La Somaglia avait un parti qui le portait à la papauté. Voici les vers qui furent faits à son sujet et répandus avec d'autres qui indiquaient des choix différents ou qui repoussaient des candidats. Les amis du doyen s'exprimaient ainsi :

Chi vuol che tolgasi tanta gramaglia Che cuopre il sempio, scelga Somaglia. Ceux qui veulent qu'on se débarrasse de lugubres misères choisiront Somaglia.

On reconnut bientôt que ce parti se composait de sept, souvent dix cardinaux ; il ne pouvait donner la tiare, mais il fallait compter avec lui pour l'assurer à un autre. Le conclave avait commencé ses opérations le 3 septembre 1823. Le premier jour, La Somaglia obtint le matin 4 voix au

(5) Voyez, pour plus de détails, l'Hist. de Léon XII, au commencement du tome I, in-8, Paris, 1843.

scrutin, et le soir, à l'accesso, qui est comme un scrutin supplémentaire, 2 voix, en tout 6. Le 4 il obtint le matin 5 voix, et le soir 5, en tout 10. En général, il n'eut pas plus de 12 voix. Ses amis cherchèrent alors à voir quel serait le choix définitif. Pendant ce temps-là Severoli obtenait jusqu'à 26 voix; mais il eut l'exclusion de l'Autriche, et il fut convenu que La Somaglia abandonnerait ses prétentions et que les voix des zelanti se porteraient sur Ann, della Genga qui prit le nom de Léon XII. Quand il eut accepté, il déclara qu'il nommait secrétaire d'État le cardinal della Somaglia, alors entré dans sa 80e année. En appelant un ministre recommandable par ses connaissances dans les affaires administratives du pays, Léon XII n'avait pas entendu se donner un tuteur. Loin de là, il voulut s'appliquer lui-même à la direction des négociations, voir assidûment les dépêches des nonces, rédiger souvent les réponses, commencer ce que l'on nomme des trattative, se les réserver à lui seul et n'en entretenir son ministre que vaguement et avec circonspection. Le reste des correspondances était laissé à La Somaglia, et les bureaux de la secrétairerie, composés d'hommes habiles formés par Consalvi, suffisaient pour que les travaux importants ne souffrissent pas d'interruption. Quels que fussent le respect de La Somaglia pour son maî

tre et les courtoisies du souverain pour celui qui aurait dû être son alter ego (son autre lui-même), une sorte de mésintelligence régna bientôt entre ces deux personnages. Cependant le corps diplomatique était satisfait en général de ses rapports avec le doyen. Il essayait, plus que Léon XII, qui du reste n'était pas

nération universelle, car il rappelle clairement que Dieu punit aussi la faiblesse dans les plus grands. L'am

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ces faits, ajoute ensuite dans sa dépêche quelques mots dont on pourrait profiter aujourd'hui: « La cour « de Rome, la prudente cour de « Rome qui n'a pas que vous seuls « (Français) à contenter et qui est surveillée par mille autres résistances, s'impose à elle-même les

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très-répréhensible dans son allure sévère, dont il se tirait très-bien, La Somaglia essayait de cacher le défaut d'accord, et il s'attachait très-bassadeur qui, le premier, a révélé sagement à servir autrement l'intérêt de Rome, à le définir avec simplicité, à excuser la marche lente des relations habituelles. On a dit, d'après la correspondance du duc de Laval, qu'il y eut un jour, dans un entretien, un exposé de la politique de Rome depuis les premiers temps de Louis XIV. L'ambassadeur attri-bornes qu'on ne lui aurait pas presbue ce qui fut dit alors à des cardi-crites, et je puis dire que depuis naux sans les pommer. Le cardinal qui prononça ces paroles etait La Somaglia. Les voici : «On parle beaucoup de Rome. Mon devoir était d'étudier ses actes: je l'ai fait pendant long-temps et avec un désir complet de rencontrer la vérité. Citez une grave faute de la cour romaine dans les deux derniers siècles, une faute qui atteste sa tyrannie et son ambition: il n'y en a pas. Il y a eu une faute qui démontre sa faiblesse; Clément XIV en rend compte. » Voilà comment cet observateur exact, impartial, qui, il faut l'avouer, désirait être pape, avait appris à expliquer les rouages de l'action de sa cour. Il y a dans ce jugement qu'on ne demandait pas à son éminence et qu'elle offrait avec une sorte de candeur, il y a vérité pour l'observation, étude réfléchie des faits de l'histoire, louange méritée par tous les agents et surtout par les nonces. Rome n'a été coupable ni de tyrannie, ni d'ambition, ni d'aucun système de persécution, et les ennemis, les calomnateurs ne lui ont pas manqué. Le défenseur avoue une faute qui atteste une faiblesse; l'inculpé rend compte à Dieu; un des plus salutaires dogmes de la religion est jeté là en passant pour devenir l'objet de la vé

« que je suis dans cette capitale, je
n'ai entendu personne manifester
à cet égard d'autres sentiments
que ceux que je regarde comme
l'expression la plus habituelle des
• vues du gouvernement pontifical
avant, pendant et après Léon X11. »
(rien n'empêche de dire aujour-
d'hui avant et pendant Pie IX ). En
1824 le cardinal della Somaglia, fidèle
à ses principes d'attachement aux
Bourbons, demandait avec empres-
sement la nuit et le jour, surtout
quand il arrivait quelque courrier,
demandait des nouvelles du frère de
Louis XVI, du frère de ce glorieux
martyr dont il avait ordonné l'apo-
théose en 1794 dans le tableau dont
nous avons parlé. Louis XVIII était
dangereusement malade et la France
le perdit au mois de septembre. Alors
La Somaglia, à une note du chargé
d'affaires de France, en date du 23,
qui annonçait ce triste événement,
répond par les mots suivants où
brillent à la fois les sentiments qu'il
professait pour l'auguste maison qui
se voyait rétablie à la fois sur les
trônes de France, d'Espagne et de
Naples, et qui n'avait perdu dans ces
grandes guerres que l'État de Parme
et Plaisance, patrie de Somaglia, resté
ami quand tous les liens étaient

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rompus. Voici cette note: Monsieur, - vous ne pouviez donner au cardinal secrétaire d'État une nouvelle plus douloureuse que celle de la mort de sa majesté très-chrétienne Louis XVIII, roi de France. Les vertus qui ornaient l'auguste monarque, la modération et la sagesse - avec lesquelles il a gouverné son royaume dans des temps si difficiles sont bien raisonnablement pleurées par la France qui, après les vicissitudes de tant de lustres, « est remontée à son ancien état où «elle florissait avec splendeur. Cette ⚫ mort a excité vivement la sensibi«lité de Sa Sainteté, qui connaissait bien et admirait la profonde reli«gion du roi très-chrétien, et qui se - réconforte en pensant au sentiment de lumineuse piété par lequel se distingua toujours son auguste frère qui lui a succédé sous le nom de Charles X. Le soussigué, en exprimant sa vive peine pour cette affligeante nouvelle en réponse à - votre note du 23 courant, vous renouvelle les assurances de sa vraie estime. G.-M., cardinal DELLA So« MAGLIA.» Il est rare de rencontrer dans le ministre d'un souverain étranger un attachement si dévoué, une tendresse si expansive pour le roi d'un autre pays. Mais c'est un des attributs de Rome: tout catholique de l'Europe, s'il a une naissance honnête, des talents et de la persévérance, peut parvenir aux plus hauts emplois de la cour romaine. La Somaglia ne faisait que suivre en cela les premières impressions de son enfance. Malheureusement dans une autre affaire il se souvint trop de son parrain le cardinal Albéroni. Légat à Ravenne sous Clément XII, ce cardinal, sous divers prétextes, cherchait à envahir le sol de la ré

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publique de Saint-Marin, pour le réunir aux États du saint-siége; mais Clément XII, guidé par un esprit de droiture et de piété (6), avaït cassé les actes d'Albéroni. Dans la même année 1824, des malintentionnés sans doute publièrent que le cardinal della Somaglia voulait reprendre l'œuvre manquée et détruire la république de Saint-Marin. Ce n'était pas assurément à un vieillard comme lui qu'il convenait de se mettre à la tête d'une pareille entreprise que Léon XII ne pouvait approuver. La Somaglia d'ailleurs avait de la sagesse, de la mesure dans l'esprit, et la situation de l'Europe ne permettait pas un seul ébranlement, même celui de la république de Saint-Marin. Les brouillons, quels qu'ils aient été, ne réussirent pas dans leur projets; le marquis Onofrio, sujet direct de la république, nouvellement député par ce gouvernement, obtint d'être admis auprès du saint père, pour le féliciter sur son avénement. M. Onofrio était parent de Joseph Onofrio, qui dans le temps appuyait le capitaine de la république Giangi, lorsque, appelé par les agents d'Albéroni pour preter serment entre leurs mains, ce capitaine parla ainsi : « Le premier octobre, j'ai prêté serment à mon légitime prince, la république de Saint-Marin; je confirme aujourd'hui et je renouvelle ce premier serment.» Enfin il fut reconnu, d'après les explications de La Somaglia, que l'on n'avait jamais entendu offenser l'indépendance de Saint-Marin, et toutes les difficultés sur ce point furent aplanies à la satisfaction du gouvernement pontifical et de celui de la république. II demeura prouvé que Clément XII

(6) Hist, de Leon XII, I, 255.

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vais plus loin; dans tout l'univers • un évêque bien rarement est près « d'entrer sur le chemin de l'hérésie; quelquefois un prêtre, chez nous Frà Paolo, chez vous Quesnel, franchit les confins. M. de Lamennais a un talent immense, surtout « pour le style; la guerre que fait un • évêque n'est pas celle que ferait et « que soutient un prêtre en mauvaise voie. Ne me parlez pas de Ricci de Pistoie. Du vivant même de Léopold, « nous avions les demandes en réconciliation de ce prélat. C'est nous qui avons choisi le jour, l'heure du . raccommodement. J'ai bien étudié « ces affaires-là, monsieur, vous vous repentirez de votre inutile sévérité. Laissez parler mon âge. Je serais

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en 1739 et Léon XII en 1824,les deux vrais maîtres dans ces circonstances, n'imaginèrent ni ne soutinrent une si injuste prétention. Les fautes des ministres romains ne sont pas les fautes des papes, surtout lorsque ces papes, prévenus à temps, ont désavoué leurs ministres. La Somaglia qui venge si bien les pontifes, s'il est imprudent lui-même, au moins ne leur attribue pas des erreurs qu'ils n'ont pas commises. Il est impossible que nous ne rendions pas compte de ce qui se passa à Rome, lors du voyage que fit l'abbé de Lamennais avec M. Vuarin, curé de Genève. Ils furent tous les deux logés au collége romain, dans la maison des pères de la compagnie de Jésus. Le cardinal avait l'intention de propo-capable de vous nommer les jansé– ser à M. de Lamennais une place élevée dans l'administration de la bibliothèque de la Propagande. II allait même jusqu'à dire qu'il serait possible de penser pour lui à un évêché in partibus. Le chargé d'affaires du roi rendit compte de cette ouverture, et il arriva un ordre portant que M. de Lamennais ne devait pas être évêque, même in partibus. Ce ne fut pas le ministre des affaires étrangères qui transmit cet ordre au chargé d'affaires. Lorsque le cardinal apprit cette décision, il s'écria

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nistes prêtres, un à un, et si le service de mon maître Léon XII, et du - vôtre Charles X, le permettait, je << n'aurais pas sitôt fini de vous in

struire tous de votre imprudence, ⚫ dont l'Église et vous à Paris vous aurez à vous repentir. On est si heu« reux, monsieur, d'adopter, même à « Rome, une hygiène préventive. » Le cardinal della Somaglia était, comme le cardinal Pacca, un homme à bons mots. Ce genre de grâce a toujours été familier aux personnes qui ont principalement vécu dans les cours. On présentait à La Somaglia M. le chevalier Liston, ministre d'Angleterre, qui voulait visiter Rome en détail ; le cardinal lui dit : « Monsieur le chevalier, nous qui lisons les gazettes de tous les pays, nous avons beaucoup entendu parler de vous. Mais y a-t-il eu une légation de votre pays où vous n'ayez pas résidé ?» — M. Liston répondit: « Éminence, au nom de mes souverains j'ai rempli dix-sept missions diplomatiques. J'ai résidé à Stockholm, à Copenhague, à Berlin,

à Constantinople, à Madrid, à Lisbonne, aux États-Unis, à La Haye, et souvent à plusieurs reprises. Malheureusement on m'a soufflé Paris, et il m'était défendu par les lois de la Grande-Bretagne de penser à Rome. Aujourd'hui sa majesté me donne ma retraite sur ma demande, et veut que je conserve mon dernier traitement jusqu'a la fin de ma vie. -Mais, monsieur, vous avez donc demaudé votre retraite ? Pardon : quel âge avez-vous?— Éminence, j'ai quatre-vingts ans, il me semble que j'ai droit de me retirer des affaires.-Comment, répondit vivement La Somaglia, quatre-vingts ans, quatre-vingts aus! Mais, monsieur, c'est l'âge où moi je suis entré dans les affaires; ma vie a été occupée d'abord à d'autres choses. Véritablement je ne suis devenu diplomate qu'à 80 ans. Croyezmoi, envoyez au roi Georges, qui, pour le dire en passant, était l'ami de Pie VII et de mon prédécesseur Consalvi, envoyez la démission de votre retraite que vous avez donnée trop tôt. On rit à Londres de cette réponse, et véritablement il y avait encore dans M. Liston quelque chose de si vert, de si net, des traditions si exactes, des souvenirs si présents et ce quelque chose de poli, d'imprévu et d'abondant en mezzo termine qui reste toujours aux vieux homines d'affaires, enfin une étude comparée si complète de la politique générale du continent, qu'on le regrettait à Windsor. Mais le judicieux diplomate tint bon et fit bien. Quant à la Somaglia, quatre ans après, il donnait encore audience, et il fallait qu'il apprît, comme tous les ministres dirigeants, les réponses à donner, les refus, les atermoiements, les consentements, les promesses raisonnables, les promesses qui ne devaient

pas avoir de suites, enfin ce bagage de mots qu'il faut rapidement loger dans sa tête pour n'être pas grondé plus tard par le chef de chancellerie à qui il faut rendre compte de sa vice-royauté d'une ou deux heures. La Somaglia ne périt pas tout à fait par l'âge. Ce fut le souverain, le maître qui voulut régler lui-même encore plus absolument ses plans, ses réformes, ses pardons, et ces châtiments délicats que dans une telle situation il faut quelquefois infliger à l'erreur qui va manquer de respect, ou par lesquels il faut poursuivre cette sorte de perversité irréligieuse, peu rare aujourd'hui, qui amène ou peut amener un jour tant de douleurs au saint-siége. Ne trouvons pas si étrange la carrière de La Somaglia ; chez nous, le cardinal de Fleury a été un exemple vivant de la possibilité d'une longévité politique utile au pays. Ce cardinal, né le 22 jain 1653 et placé à la tête du ministère, fit prospérer la France à laquelle il douna la Lorraine, par un traité signé à Vienne le 30 octobre 1735, lorsqu'il avait 82 ans. Nos malheurs ne commencèrent, qu'en 1740 (il avait 87 ans) par une guerre entreprise contre son avis. Il la soutint cependant avec fermeté jusqu'à sa mort, arrivée en 1743, dans sa 90o année. Quoi qu'il en soit, il y a un âge où le repos est indispensable, La Somaglia pensa, indépendamment de quelques autres raisons de palais, que ses fonctions de doyen du sacré collége et de bibliothécaire du Vatican occuperaient encore assez sa vieillesse. Pour aucun trésor il n'aurait donné sa démission de ces deux places. L'une était le prix d'une vie que les infirmités n'avaient pas abattue, l'autre la récompense la plus honorable de publications savantes, de recher

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