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Tous les articles non signés, sont du Cen MERCIER,

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LORSQUE l'Institut national forma le projet relatif à la continuation du Dictionnaire de la Langue Française, j'avais déja fait le mien, celui que je publie, d'un genre absolument nouveau, et le plus hardi, je pense, de tous ceux que l'on a vus jusqu'à ce jour. Cet ouvrage appartenait de droit à l'indépendance absolue de mes idées. La nation entière en sera le juge, mais dans le temps; je prêterai peu l'oreille à la génération actuelle des littérateurs, parce qu'elle n'est pour moi qu'un parterre qui doit se renouveler demain. L'homme qui pense ou qui sent ses forces, n'écrit pas pour un seul parterre.

Que l'on ne m'appelle point un nouveau Furetière (1), je suis en plein accord avec

(1) Les démêlés de Furetière avec l'Académie française, au sujet de son Dictionnaire, ont produit des mémoires et factums très-curieux à consulter aujourd'hui; car rien ne prouve mieux que les hommes de lettres sont des triangles qui jettent tout leur esprit d'un seul côté. Il y a presque impossibilité qu'un bon Dictionnaire soit l'ouvrage d'une société de savans. Furetière nous peint les académiciens de ce temps-là, qui s'imaginaient que la langue leur appartenait, comme la barberie exclusive appartenait alors aux maîtres

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mes collègues, et il règne entre nous une affection réciproque; aucun procès ne s'élevera, pour le divertissement du public malin. Je dirai seulement que tous mes collè gues savent que j'aime à finir ce que j'ai commencé, à faire vîte; sur-tout, que j'aime à faire seul; et pour qu'un ouvrage ait une physionomie, il faut qu'il soit empreint d'une volonté une et despotique.

barbiers; il parle d'un certain Balesdent (l'abbé Morellet de la bande), assis au milieu des Cotin, des Cassagne, des Daucourt, lequel soutenait obstinément que langue, grammaire, rhétorique, poétique étaient des propriétés académiques inséparables du fauteuil, des jetons et du tapis vert. Balesdent est ressuscité; il écrit sous un autre nom, qui ira de même à la postérité pour la réjouir.

Furetière se moque amplement du phénix des Dictionnaires, qui veut être seul en son espèce, et n'avoir point de pareil. Il y a apparence, dit-il, que le phénixoiseau et le phénix-dictionnaire seront également invisibles. Il remarque un intervalle de trente-trois ans. entre la facture de l'I et celle de l'M; et voici pourquoi, ajoute-t-il : « Quand un bureau est composé de cinq à six personnes, il y en a un qui lit, un qui opine, deux qui causent, un qui dort ou qui s'amuse à lire quelques papiers qui sont sur la table; il ne se passe point deux lignes, qu'on ne fasse de longues,

Je pense qu'un Dictionnaire quelconque ne pourra être bien fait que par un seul homme. Il s'élève tant d'opinions contraires, tant de discussions oiseuses, tant de difficultés stériles, tant d'idées divergentes, qu'il faut une tête altière qui ordonne à la plume de trancher court et net.

Il y a une foule de Dictionnaires qui ont chacun leur utilité particulière. Qu'un écri

digressions, que chacun ne débite un conte plaisant ou quelques nouvelles, qu'on ne parle des affaires d'état et de réformer le gouvernement. Quand on veut faire une définition, on consulte tous les Dictionnaires qui sont sur le bureau; on prend celle qui paraît la meilleure; on la copie mot à mot dans le cahier, et alors elle est sacrée, et personne n'y oserait plus toucher, en vertu de la clause de leur prétendu privilége. »

Le Dictionnaire de l'Académie fút, dans l'origine, le dictionnaire des halles : ce n'est pas cela que je lui reproche; mais d'avoir redouté, après l'adoption de tant de termes communs, celle d'expressions nobles et relevées qui auraient tiré le langage de sa honteuse servitude.

Balesdent, académicien! prononçant sur les délicatesses de la langue; réclamant la propriété exclusive du Dictionnaire! qu'en dites-vous, abbé Morellet? il y a métempsycose.

de

vain s'environne de tous les matériaux, toutes les lumières, soit; mais qu'il ose ensuite donner sa loi ou le projet de loi, car il faut oser en ce genre; qu'il décide ce qui paraît être incertain, il fera bien plus alors que tous les circonspects dits sages. La langue est l'instrument qui doit obéir; l'instrument, certes, m'appartient, et dès que je suis entendu, me voilà justifié.

J'ai osé, car je ne suis pas de la classe de ces littérateurs hardis à être timides, amou reux de leurs fers, roulant dans la vieille ornière, et préjugistes obstinés; j'ai osé, bravant de vaines et passagères clameurs, envisageant la langue telle qu'on l'a parlée, telle qu'on la parlera sans doute un jour, ou telle enfin qu'on devrait la parler; j'ai osé, dis-je, certain de son prochain et long triomphe, déployer sur ses plus hautes tours l'oriflamme de la Néologie.

Plus les têtes s'assemblent, plus elles se rétrécissent. Heureux qui dans son travail est libre et despote! il ne sera vaincu ni par l'ennui, ni par certains égards, ni par ces divagations le supplice de la pensée: il sentira vivement, il abrégera tout; il ne sera pas du moins un demi-siècle à tâtonner

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