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point lå mon dessein; au contraire, je veux soulager votre pensée, je veux lui donner les moyens de se rendre plus nette et plus visible; je veux imprimer à notre langue plus de grace, plus de fécondité, d'énergie, de simplicité, sans violer ses lois fondamentales; libre à vous de choisir; mais songez que la liberté en ce genre, quoique poussée un peu loin, est cent fois moins dangereuse que la gêne et que la contrainte (1). La langue grecque substantifie le verbe à volonté ; j'ai usé quelquefois du même droit dans ce Vocabulaire, et pourquoi serois-je coupable?

L'ame cherche toujours des choses nouvelles, et ne se repose jamais (dit Montesquieu); ainsi on sera toujours sûr de plaire à l'ame, lorsqu'on lui fera voir beaucoup de choses, ou plus qu'elle n'avait espéré d'en

(1) Charles Pougens nous a donné un Vocabulaire de nouveaux privatifs français, qui ne forment qu'une très-petite branche de la Néologie. Il est du nombre de ces littérateurs qui osent affranchir la langue de ses servitudes, et qui sont en état de nous donner un ouvrage très-utile, et qui satisfasse à la fois le savant, l'orateur et le poète..

voir. Le mot est le corps de l'idée simple; toute articulation qui ne donne pas une idée simple, n'est pas un mot. Multipliez les mots qui portent avec eux l'idée simple; la phrase, qui est le corps de l'idée composée, sera plus riche et plus facile : c'est la pression subite de l'esprit sur l'idée simple qui produit la pensée, et la pensée n'étant qu'un aperçu du premier principe, s'étend avec la parole ou avec l'écriture dans toutes les différences infinies d'exprimer une vérité. Les langues pauvres s'opposent donc à la pensée.

Ecoutez ces hommes à imagination pittoresque, dont le discours est un tableau qui amuse, ou une peinture qui échauffe; ils éprouvent des sensations étrangères à l'auditeur, et créent leurs mots. Les phrases ou les circonlocutions promettent beaucoup, et donnent peu; mais un mot neuf yous réveille plus que des sons, et fait vibrer chez vous la fibre inconnue. Ainsi, quand une idée pourra être exprimée par un mot, ne souffrez jamais qu'elle le soit par une phrase.

Il n'y a personne qui ne soit charmé de vouloir se rendre raison à lui-même du plaisir

que lui donne une expression qui le frappe, un tour original, un trait inattendu ; notre imagination aime qu'on lui parle d'une manière neuve, parce qu'elle est douée ellemême d'une grande vivacité pour tout ce qui porte ce caractère. Or on peut être audacieux dans l'expression, tout en révérant la langue. La Néologie peut se marier à la plus grande clarté. Vous ne pouvez m'ampêcher de sentir; pourquoi voulez-vous m'empêcher de m'exprimer? Quand vous aurez senti dans votre ame toutes les délices que la méditation y verse, vous aurez alors quelqu'idée de la langue neuve et rapide qui peut-être est encore à créer. Laissez-moi libre; mes idées ne tariront point.

Nous avons trop redouté un commerce étroit avec les langues étrangères; notre langue serait devenue plus forte, plus harmonieuse, si, à l'exemple des Anglais et des Allemands, nous eussions ́su nous enrichir d'une foule de mots, qui étaient à notre bienséance. Il est encore indécis si nous n'avons pas perdu à ne pas adopter entièrement la langue d'Amyot et de Montaigne. La langue d'Amyot et de Montaigne était un heureux composé du grec et du

latin. On a manqué, selon moi, l'époque d'une grande et belle fusion, ce que je développerai ailleurs.

Tous les grands écrivains ont été Néologues, et je puis dire qu'il n'y a point d'écrivain qui ne soit tombé plus ou moins dans la Néologie: miratur orbis se esse arianum. (1) L'instinct fait créer des mots

(1) Le besoin fait les mots, le goût les sanctionne ; mais ce n'est point ce goût étroit, futile et passager qui rétrécit tous les objets; c'est toujours le défaut d'imagination et l'absence des grandes idées qui se servent de cette expression banale pour voiler leur insuffisance. Ce mot mystérieux, jamais défini, est devenu familier à des hommes sans talent, qui, n'osant décrier tout-à-fait cette imagination qui agrandit la nature, toujours méconnaissable aux examinateurs froids et rigides, se retranchent dans un cercle étroit, comme ces animaux timides qui gagnent leurs terriers dès qu'ils entendent un son inaccoutumé.

Ces prétendus hommes de goût, soumis à des préjugés qui sont comme une seconde ignorance entée sur leur ignorance naturelle, savent-ils que les fautes d'un homme de génie pourraient devenir les qualités de tel académicien ?

Songeons que toutes ces magnifiques expressions, aujourd'hui admises dans notre langue, ont été mal accueillies dans leur origine; qu'il y a des milliers de

qu'il est impossible à la réflexion de ne pas approuver. Une femme aimable passant devant le palais abbatial où avaient été renfermés long-temps son père, monté à l'échafaud, et un de ses amis, bienfaiteur de toute sa famille, monté aussi à l'échafaud, ses yeux se remplirent de larmes, et toute émue, elle dit à la personne qui l'accompagnait Je ne puis sans révération revoir les lieux qui me rappellent des souvenirs si déchirans et si chers. Mettez vénération, ce n'est plus le même sentiment.

volumes qui blâment le langage de nos grands écrivains, et que, sans le mépris dont ils ont justement frappé leurs ineptes adversaires, nous serions privés de leurs chefs-d'oeuvre. Constamment Néologue dans mes écrits, et sur-tout dans mon Tableau de Paris, j'ai fait lire le Tableau de Paris à toute l'Europe : c'est que je sais mieux peut-être que tel qui se dit mon adversaire, ce qui doit plaire aux hommes de tous les temps et de tous les lieux. Mais savez-vous ce qui rend les sots incurables.? c'est la gravité pédantesque avec laquelle ils traitent des matières de littérature, qui sont toutes d'instinct, et qui ne vont guère au-delà de l'instinct. Vous ne vous en doutez seulement pas, sermonneurs au Mercure! Or dites-moi, avec vos parallèles, qu'ai-je de commun avec le pédagogue La Harpe, ce fakir littéraire qui a passé sa

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