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les écarts de l'imagination et des plus absurdes préjugés.

Olivier de Serres, le patriarche de l'agriculture française, qui cultivoit avec succès ses terres et beaucoup d'arbres à fruits dans une contrée méridionale, qui opposa son théâtre d'agriculture aux sottises qu'ou imprimoit alors, et particulièrement le cardinal Dubellay, évêque du Mans, donnèrent la plus heureuse extension à la culture des arbres à fruits. Retiré dans son diocèse, ce dernier se livra avec une sorte de passion à la culture des arbres. Il fit venir des pays étrangers, et surtout de l'Italie, des arbres et des plantes qu'il cultivoit dans son jardin. Il y avoit établi des pépinières; il y distribuoit des plantes, des graines et des greffes à ceux qui en désiroient. C'est lui qui le premier, pour conserver des pêchers que les fourmis attaquoient toujours, fit bouillir et tamiser les terres, afin de faire périr tous les œufs de ces insectes qui pouvoient être dans la terre qu'il mettoit en caisse.

Il étoit en relation intime avec le médecin Belon, homme vraiment passionné pour les progrès de l'agriculture et de la botanique, et qui fit, dans ce dessein, un voyage en Syrie, en Égypte et en Perse, d'où il rapporta des plantes et des arbres précieux. Belon fut dans le seizième

siècle ce qu'a été dans le dix-huitième le vertueux et célèbre Poivre. Les jardins du cardinal Dubellay étoient la pépinière et le dépôt précieux de ces envois.

C'est aux bienfaits de ces deux hommes que les provinces du Maine, de l'Anjou et de la Touraine, ont dû le bonheur d'être les premières de France qui ont eu des arbres à fruit de toute espèce; et c'est véritablement de ces heureuses contrées que se sont répandus dans le reste de la France, tous les arbres à fruits qui furent plantés en vergers.

En voyant former tant de jardins anglais, on auroit dû espérer qu'on formeroit aussi des massifs d'arbres à fruits, et qu'à côté des chaumières, ou villages postiches, on feroit voir des vergers réels; mais on a préféré des arbres étrangers, stériles en fruits.

Les vergers étant l'ornement des habitations, c'est auprès d'elles qu'il convient de les placer, tant pour l'agrément qu'ils peuvent procurer, que pour l'utilité qu'ils peuvent avoir pour d'autres usages économiques.

La forme en quinconce est toujours la plus agréable et la plus utile; ainsi disposés, les arbres se défendent mutuellement; les racines ont une portion de terrain plus considérable; les branches se nuisent moins par le contact ou par l'ombre.

Il importe beaucoup de varier les espèces de fruits.

La distance entre les arbres doit être étendue, surtout si le terrain est fertile; cependant elle doit varier en raison même des arbres. Le noyer veut plus d'espace que le pommier, le poirier moins que le pommier, le prunier moins que le poirier, le pêcher moins que le prunier. Presque tous ceux qui plantent des arbres, avec quelque dessein d'ornement, pour jouir plutôt de leur ombre ou de leur massif, approchent trop les plants les uns des autres. Arrivés à un certain âge, ils se nuisent; on ne peut pas se décider à en sacrifier, et on a des arbres qui se déforment ou qui languissent.

On ne peut trop recommander de clore les jardins destinés aux vergers, soit pour garantir les jeunes arbres contre le frottement et les dents des bestiaux, soit pour les préserver des coups de vent dans la jeunesse. Un clos, d'ailleurs, inspire plus d'intérêt et donne plus d'agrément. Un mur pourroit trop coûter; il suffira de faire un large fossé garni de deux rangs d'épines, et que le premier rang d'arbres soit sur la jetée même du fossé.

Il y a long-temps qu'on a reconnu la grande utilité de faire à l'avance les trous d'arbres larges et profonds, si le sol est mauvais, sauf à les rem

plir de bonne terre à la hauteur convenable. C'est une précaution essentielle de laquelle dépend le succès, et surtout la durée de l'arbre.

Les arbres des pépinières sont des enfans gâtés et accoutumés aux soins; ils sont rarement assez bien arrachés pour qu'il n'arrive pas aux uns et aux autres des déchirures qui font languir l'arbre transplanté. En supposant qu'ils soient bien arrachés, le planteur n'a pas toujours le soin de rafraîchir et disposer les racines d'une manière propre, et de disposer le sommet.

En plantant des sauvageons, au contraire, pris dans des bois ou forêts, sur un sol ingrat ou inculte, on est plus certain de la reprise; soigné dans le terrain disposé, il développe une prompte végétation. On ne le greffe que quand il est bien repris ; n'ayant pas de déplacement à éprouver, il fournit aussitôt une abondante sève à la greffe.

Les arbres des pépinières, en général, sont le produit de semis faits avec des pepins d'arbres déjà greffés de génération en génération. Il semble qu'ils se ressentent plus des effets de la domesticités Les sauvageons de bois, au contraire, ne sont venus que de pepins de fruits sauvages, dans lesquels la nature conserve encore tous les germes d'une grande croissance; car, si dans ses desseins, elle fait croître certains arbres pour donner des fruits, elle les fait croître aussi pour

devenir grands et forts; c'est, au surplus, une observation généralement faite, que les arbres greffés sur place et sur sauvageons, viennent beaucoup plus gros que ceux des pépinières.

Si on a donc l'intention de former des vergers, il faut préférer les sauvageons; si on ne veut avoir que des espaliers, il faut préférer les arbres des pépinières, autant pour le choix des fruits que pour le succès même de l'arbre; car j'ai vu souvent des sauvageons greffés pour espalier, trop s'emporter en sève, ne pas rapporter, et avoir besoin d'une main bien habile pour les mettre à fruit.

Je conseillerai encore à ceux qui voudront former des vergers, de tenir tout le terrain en état de labour, pendant au moins cinq à six années; je n'ai pas besoin d'avertir que ce travail doit être fait avec une grande circonspection, et que le dessous des arbres doit être travaillé à main d'homme. On pourra semer quelques végétaux printaniers, pour dédommager des fruits; d'ailleurs, la détriture des feuilles, la fraîcheur qu'elles concentrent, ne pourront que favoriser la végétation des arbres.

Quand les arbres du verger seront grands, quand ils auront plus de moyens, par leur hauteur et leur ramification, de soutirer de l'atmosphère l'humidité qui leur est propre, on pourra

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