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LETTER IV.

A Isleworth, 19 Juin, 1738. Vous êtes le meilleur garçon du monde, et votre dernière traduction vaut encore mieux que la première. Voilà justement ce qu'il faut, se perfectionner de plus en plus tous les jours; si vous continuez de la sorte, quoique je vous aime déjà beaucoup, je vous en aimerai bien davantage, et même si vous apprenez bien, et devenez savant, vous serez aimé, et recherché de tout le monde: au lieu qu'on méprise, et qu'on évite les ignorans. Pour n'être pas ignorant moi-même, je lis beaucoup, j'ai lu l'autre jour l'histoire de Didon, que je m'en vais vous

conter.

Didon étoit fille de Bélus, Roi de Tyr, et fut mariée à Sichée qu'elle aimoit beaucoup; mais comme ce Sichée avoit de grandes richesses, Pygmalion, frère de Didon, le fit tuer, et les lui vola. Didon, qui craignoit que son frère ne la tuât aussi, s'enfuit, et se sauva en Afrique, où elle bâtit la belle ville de Carthage. Or il arriva, que, dans ce tems là, Enée se sauva aussi de la ville de Troye, qui avoit été prise et brulée par les Grecs; et comme il faisoit voile vers l'Italie avec plusieurs autres Troyens, il fut jetté, par la tempête, sur les côtes d'Afrique, et aborda à Carthage. Didon le reçut fort honnêtement, et lui permit de rester jusques à ce qu'il eut radoubé sa flotte; mais malheureusement pour elle, elle en devint amoureuse; Enée, comme vous pouvez croire, ne fut pas cruel, de sorte que l'affaire fut bientôt faite. Quand les vaisseaux furent prêts, Enée voulut partir pour l'Italie, où les Dieux l'envoyoient pour être le fondateur de Rome; mais Didon, qui ne vouloit point qu'il s'en allât, lui reprochoit son ingratitude, et les faveurs qu'elle lui

avoit accordées. Mais n'importe, il se sauve de nuit, la quitte, et se met en mer. La pauvre Didon, au desespoir d'être ainsi abandonnée par un homme qu'elle aimoit tant, fit allumer un grand feu, s'y jetta, et mourut de la sorte. Quand vous serez plus grand, vous lirez toute cette histoire en Latin, dans Virgile, qui en a fait un fort beau poëme, qui s'appelle l'Enéide.

Si vous abandonniez Miss Pinkerton pour Miss Williams, croyez vous qu'elle feroit la même chose? Adieu, mon cher.

On a fait une jolie Epigramme au sujet de Didon, que je vous envoie, et que vous apprendrez facilement par-cœur.

Pauvre Didon! où t'a réduite

De tes Maris le triste sort?
L'un en mourant cause ta fuite,
L'autre en fuyant cause ta mort.

TRANSLATION.

You are the best boy in the world, and your last translation is still better than the former. This is just as it ought to be, to improve every day more and more. Although I now love you dearly, if you continue to go on so, I shall love you still more tenderly if you improve and grow learned, every one will be fond of you, and desirous of your company; whereas ignorant people are shunned and despised. In order that I may not be ignorant myself, I read a great deal. The other day I went through the history of Dido, which I will now tell you.

Dido was daughter of Belus, King of Tyre, and was married to Sicheus, whom she dearly loved. But as Sicheus had immense riches, Pygmalion, Dido's brother, had him put to death, and seized his treasures. Dido, fearful lest her brother might

kill her too, fled to Africa, where she built the fine city of Carthage. Now it happened, that just about the same time, Eneas also fled from the city of Troy, which had been taken and burnt by the Greeks; and as he was going, with many other Trojans, in his ships, to Italy, he was thrown, by a storm, upon the coast of Africa, and landed at Carthage. Dido received him very kindly, and gave him leave to stay till he had refitted his fleet: but, unfortunately for her, she became in love with him. Eneas (as you may easily believe) was not cruel; so that matters were soon settled. When the ships were ready, Eneas wanted to set sail for Italy, to which the Gods had ordered him, that he might be the founder of Rome; but Dido opposed his departure, and reproached him with ingratitude, and the favours he had received. However he left her, ran off in the night, and put to sea. Poor Dido, in despair at being abandoned by the man she loved, had a great pile of wood set on fire, threw herself into the flames, and was burnt to death. When you are older, you will read all this story in Latin, written by Virgil; who has made a fine poem of it, called the Eneid. If you should abandon Miss Pinkerton, for Miss Williams, do you think she would do the same? Adieu, my dear! I send you a very pretty Epigram upon the subject of Dido; you may easily learn it by heart.

Infelix Dido! nulli benè nupta marito,

Hoc pereunte fugis, hoc fugiente peris.

LETTER V.

Je vous ai dit, mon cher, que je vous enverrois quelques histoires pour vous amuser: je vous envoie donc à présent celle du Siège de Troye, qui est divertissante, et sur laquelle Homère, un ancien Poëte Grec, a fait le plus beau Poëme Epique qui ait jamais été. Par parenthèse, un Poëme Epique est un long poëme sur quelque grand événement, ou sur les actions de quelque grand homme.

Le siège de Troye est si célèbre pour avoir duré dix ans, et à cause du grand nombre de Héros qui y ont été, qu'il ne faut nullement l'ignorer. Quand vous serez plus grand, vous le lirez dans le Grec d'Homère.

Adieu! vous êtes le meilleur enfant du monde.

Je vous renvoie votre lettre corrigée, car quoiqu'il n'y eut que peu de fautes, il est pourtant bon que vous les sachiez.

TRANSLATION.

I TOLD you, my dear, that I would send you some stories to amuse you; I therefore now give you the History of the Siege of Troy, which is very entertaining. Homer, an ancient Greek Poet, has wrote upon this subject the finest Epic Poem that ever was. By the way, you are to know, that an Epic Poem is a long poem upon some great event, or upon the actions of some great man.

The siege of Troy is so very famous, for having lasted ten years, and also upon account of the great number of Heroes who were there, that one must by no means be ignorant of such an event. When

you are older, you will read it all in the Greek of Homer.

Adieu! you are the best child in the world.

I return you your letter corrected; for though it had but few faults, it is however proper that you should know them.

LETTER VI.

LA CAUSE DE LA GUERRE ENTRE LES GRECS ET LES TROYENS, ET DU SIEGE ET DE LA PRISE DE TROYE.

La paix régnoit dans le ciel, et les Dieux et les Déesses jouissoient d'une parfaite tranquillité; ce qui donnoit du chagrin à la Déesse Discorde, qui n'aime que le trouble, et les querelles. Elle résolut donc de les brouiller, et pour parvenir à son but, elle jetta parmi les Déesses une Pomme d'or, sur laquelle ces paroles étoient écrites, à la plus belle. Voilà d'abord chacune des Déesses qui se disoit la plus belle, et qui vouloit avoir la Pomme, car la beauté est une affaire bien sensible aux Déesses, aussi bien qu'aux Dames. La dispute fut principalement entre Junon femme de Jupiter, Vénus la Déesse de l'Amour, et Pallas Déesse des Arts et des Sciences. A-la-fin elles convinrent de s'en rapporter à un berger nommé Paris, qui paissoit des troupeaux sur le Mont Ida; mais qui étoit véritablement le fils de Priam Roi de Troye. Elles parurent donc toutes trois nues devant Paris, car pour bien juger, il faut tout voir. Junon lui offrit les grandeurs du monde, s'il vouloit décider en sa faveur; Pallas lui offrit les arts et les sciences; mais Vénus, qui lui promit la plus belle femme du monde, l'emporta, et il lui donna la Pomme.

Vous pouvez bien croire à quel point Vénus étoit contente, et combien Junon et Pallas étoient

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