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1. Le plan du comité n'offre que trois points essentiels à votre examen; le nombre des tribunaux de district, le nombre des juges en chaque tribunal, et le taux de la compétence en premier et dernier ressort jusqu'à la valeur de deux cent cinquante livres.

C'est le nombre des tribunaux de première instance surtout qu'il s'agit de fixer avec sagesse. Il n'en faut que pour la stricte nécessité, en ne mettant pas toutefois le besoin de plaider au niveau des premières nécessités de la vie; car si vous vouliez le satisfaire avec cette aisance et cette commodité qui provoquent le goût et excitent la tentation, vous couvririez le royaume de tribunaux ; chaque canton, chaque ville ou même chaque bourg aurait lesien; mais alors ne serait-il pas évident que l'esprit de votre constitution, au lieu de réprimer la fureur de plaider, comme un des fléaux les plus destructeurs de la prospérité des familles, tendrait au contraire à la favoriser? Un seul tribunal doit suffire en chaque district, soit qu'on considère la mesure commune de territoire sur laquelle les districts ont dû être distribués, soit qu'on s'attache au taux commun de la population qu'ils doivent renfermer: et si le principe général de la composition des districts avait été négligé dans la division des départemens, de manière que plusieurs excédassent de beaucoup la proportion commune, alors il paraîtrait sage de pourvoir au service suffisant de la justice, plutôt par une augmentation de juges dans le tribunal de district, que par la multiplication des tribunaux dans le même district.

Quant au nombre des juges en chaque tribunal, il importe d'autant plus de le calculer sévèrement, que le nombre surabondant n'ajoute rien à la bonté du service, et que, vu la grande quantité des tribunaux de district, les moindres réductions dans leurs dépenses présentent un objet d'économie très-considérable.

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En examinant combien la subdivision des départemens en districts a été faite inégalement, puisque le nombre des districts varie depuis trois jusqu'à neuf, quoique les départemens soient

à peu près égaux en surface, il paraît difficile de conserver le nombre égal de cinq juges en chaque tribunal de district. Cette égalité numérique des juges était établie sur la supposition que les districts seraient à peu près égaux en territoire et en population. Vous verrez, Messieurs, s'il ne serait pas maintenant plus convenable de déterminer que les tribunaux de district ne seront composés de cinq juges et d'un procureur du roi, que dans les départemens où les districts sont au-dessous du nombre fixé, et que dans les départemens où il y a six districts et au-delà, il n'y aura que trois juges et un procureur du roi en chaque tribunal. Ce nombre paraît réellement suffisant pour la nécessité du service, en obligeant ces tribunaux à donner autant d'audiences par semaine que l'expédition des affaires l'exigera, et en autorisant le secours des assesseurs pris par supplément parmi les hommes de loi, dans le cas de maladie ou d'absence légitime d'un des juges. Cette disposition, qui proportionnerait mieux la force des tribunaux à l'étendue de leurs ressorts, assurerait aussi une meilleure composition de ces tribunaux, en n'y laissant de places que pour les plus excellens sujets; elle produirait d'ailleurs une économie importante sur la dépense annuelle de la justice.

A l'égard de la compétence en premier et dernier ressort à attribuer aux tribunaux de district, il ne pourrait y avoir de difficulté sérieuse que pour savoir si le taux de cette compétence ne devrait pas être augmenté au-dessus de 250 liv. Les considérations exposées plus haut pour motiver le dernier ressort des juges de paix jusqu'à cinquante livres, reçoivent ici une nouvelle application, en remarquant de plus que les tribunaux de district étant le premier degré de la justice réglée, c'est en ces tribunaux que sont portées les plus minutieuses affaires entre les citoyens les moins en état de supporter les frais de procédure; que ces tribunaux, obligés de suivre l'exactitude des formes, ne seront accessibles que sous la direction des officiers ministériels qui en occupent les avenues; et que les appels seront portés à des Cours supérieures plus éloignées, toujours moins expéditives, et autour desquelles les dépenses inévitables d'abord, et trop ordi

nairement ensuite, les occasions de dépense superflue se multi

plient.

Vérifiez la situation du plaideur qui a plaidé par appel dans une cour supérieure, ou même dans un présidial, pour une propriété de 10 liv. de revenu ou de 250 liv. de capital: s'il a perdu sa cause, voyez s'il n'a pas perdu deux ou trois fois la valeur de l'objet de ses poursuites; et s'il a gagné le procès, voyez encore s'il est vrai qu'il gagne réellement la valeur de la propriété qui lui est adjugée. Vous protégerez donc l'intérêt particulier en refusant l'appel dans tous les cas où, par la modicité de l'objet en hitige, son avantage n'est qu'illusoire, quand il n'est pas ruineux; et plus vous donnerez de latitude à cette base de la nouvelle organisation judiciaire, plus il vous deviendra facile d'en simplifier le système général.

Je m'arrête ici, Messieurs, parce que les observations qui se présentent ultérieurement étant relatives à la constitution de la justice par appel, tiennent à une nouvelle branche de la discussion: elles me conduiraient trop loin en cet instant, et seraient 'd'ailleurs prématurées. Je ne me suis proposé, en ouvrant la discussion, que de vous présenter de premiers aperçus; d'abord sur l'ordre qui me paraît le plus utile à suivre dans le cours de cette discussion, ensuite sur les vues qui ont déterminé les premières parties du projet qui vous est soumis, et qui doivent être aussi les premières à prendre en considération.

Je pense qu'il est avantageux de commencer par décréter explicitement les maximes constitutives du pouvoir judiciaire: j'en ai dit les raisons; et si elles vous paraissent déterminantes, chacun des articles composant le premier titre du projet doit être délibéré, et faire la matière d'un décret.

Vous pourrez passer, immédiatement après, à l'organisation des tribunaux qui formeront le premier degré de juridiction ; vous vérifierez chacune des dispositions que le comité vous a présentées, et dont je viens d'exposer les principaux motifs sur l'établissement des juges de paix et des tribunaux de district.

La constitution du degré supérieur de juridiction (pour le ju

gement des appels, et celle des autres parties nécessaires pour compléter le système judiciaire, viendront se placer successivement dans l'ordre du travail. Chacune de ces parties offrira des considérations particulières qu'il serait inutile, disons même nuisible à la bonté et à l'accélération de vos délibérations, de vouloir embrasser toutes à la fois. Je solliciterai, mais avec la plus grande retenue, l'indulgence de l'assemblée, pour lui présenter de nouveaux développemens, lorsque le progrès de la discussion aura pu les rendre utiles.]

Ce discours fut suivi d'une vive agitation et d'une orageuse discussion : le côté droit attaqua avec violence tout ce qui, dans ce rapport, était attentatoire aux droits des parlemens et à ceux du roi; la majorité resta douteuse à ce point, que l'assemblée nationale adopta un avis de Cazalès, et décida que la première question à poser sur le pouvoir judiciaire était de savoir si l'ordre judiciaire serait ou non reconstruit en entier. Cette question fut mise en délibération dans la séance du 29. Nous passerons sur les discours qui n'ont pas trait au fond; et dans ce nombre nous rangeons tous ceux qui eurent pour but de défendre ou d'attaquer l'ancienne organisation de la magistrature. Ses défenseurs n'employèrent guère que des argumens de sentiment; leur seule raison, un peu puissante, fut tirée de l'embarras des finances, qui ne permettait pas de rembourser les offices de magistrature: toutes ces choses d'ailleurs sont complétement vides d'intérêt.

SÉANCE DU 29 MARS.

[M. Duport. Vous ne pouvez vous décider légèrement dans cette revue générale de nos institutions politiques; lorsqu'il est question de faire des lois, chacun sent combien il est nécessaire de remonter à la morale et à la raison, pour les en tirer comme des conséquences. Toute institution fondée sur des convenances arbitraires ne saurait durer long-temps, puisque les convenances changent: la raison est unc, et pour tous les hommes et pour tous les temps.... Aucune tache d'intérêt particulier n'a encore souillé vos décrets; un moyen de fixer vos regards a toujours été

de vous proposer quelques sacrifices à faire, ou le peuple à soulager. Ici il s'agit essentiellement de l'intérêt du peuple qui demande une justice prompte, facile et impartiale, une justice tellement confiée que les juges ne puissent mettre en danger l'intérêt public: tel doit être le but de tous les plans qu'on vous proposera; celui qui l'aura le mieux rempli est celui que vous devez adopter. Le plan que je viens aujourd'hui vous soumettre est fort simple: des jurés, tant au civil qu'au criminel, des juges ambulans tenant des assises, des grands-juges dans chaque chef-lieu d'assises, une partie publique et un officier de la couronne, voilà tout ce que ce plan contient.... La réunion actuelle de la magistrature et du pouvoir judiciaire ne peut subsister. Lorsqu'on attribue des fonctions politiques à des juges, on les soustrait à la responsabilité légale et même à la responsabilité morale; les juges doivent être seulement chargés de juger les différens entre les citoyens; ainsi toute explication, toute interprétation de la loi doit leur être interdite, et jamais ils ne peuvent l'expliquer que sur un fait déjà arrivé. Le fait doit toujours être déterminé : ils ne peuvent déterminer un fait. Cette opération préliminaire est d'autant plus nécessaire que tant qu'elle n'est pas faite, il n'y a pas de jugement, il ne peut y en avoir. Un jugement est une comparaison d'un fait avec la loi : on ne peut comparer qu'un fait constant et certain; donc si le fait n'est pas déterminé, il ne peut y avoir de jugement. Il n'est point d'autre manière possible d'arriver à un jugement: en effet, on ne peut juger qu'à la majorité; si le fait n'est pas connu, celui qui a la majorité peut perdre son procès. Le juge qui croit le fait sûr et la loi douteuse, et celui qui croit le fait douteux et la loi certaine, sont comptés ensemble, quoiqu'ils diffèrent du blanc au noir. Il n'y a pas de jour qu'il n'arrive de ces abus singuliers, et il en arrivera tant qu'on mêlera le fait et la loi. Beaucoup d'arrêts de mort auraient pu être ainsi rendus, et beaucoup l'ont été: cet abus n'est pas celui des tribunaux, mais celui des ordonnances: le jugement d'un procès n'est autre chose qu'un syllogisme; la majeure est le fait, la mineure est la loi, et le jugement la conséquence. Quel homme

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