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tion, dis-je, vicieuse dans ses principes, oppressive par ses effets, et qui n'était tolérable que sous un seul rappport qui ne se reproduira plus, flétrirait et compromettrait la constitution actuelle, si elle pouvait y surprendre une place.

Si nous parcourons les autres principes sur lesquels notre constitution s'établit, nous serons de plus en plus convaincus qu'ils se réunissent tous pour exiger l'entier renouvellement de nos tribunaux.

Tous les pouvoirs, avons-nous dit dans la déclaration des droits, émanent essentiellement de la nation, et sont confiés par elle. Il n'y en a pas un qui agisse plus directement, plus habituellement sur les citoyens, que le pouvoir judiciaire. Les dépositaires de ce pouvoir sont donc ceux sur le choix desquels la nation a le plus grand intérêt d'influer. Cependant il n'y a pas dans un seul des tribunaux actuels un seul juge à la promotion duquel elle ait eu part. Tous ceux qui nous jugent ont acquis, ou par succession ou par achat, ce terrible pouvoir de nous juger. Outre que cette intrusion a violé le droit imprescriptible de la nation, qui nous répondra que, dans le nombre de ceux qui ont traité du pouvoir judiciaire comme d'un effet de commerce, il ne s'en trouvera pas qui continueront de regarder comme une propriété ce caractère public qui n'établit entre eux et nous que la relation du devoir qui les lie et les dévoue au service de la nation? Et si cette erreur fatale dont la chose publique a tant de fois souffert, et dont tant de citoyens ont été victimes, n'est pas détruite jusque dans sa source, qui nous garantira du malheur d'en voir perpétuer les habituels effets? Les articles de la déclaration des droits sont les phares que vous avez élevés pour éclairer la route que vous deviez parcourir. Vous ne pourriez donc plus, sans une inconséquence fâcheuse, maintenir les juges que les chances de l'hérédité et du commerce des offices ont placés dans les tribunaux par le plus inconstitutionnel de tous les titres, tant que ces titres ne seront pas purifiés par l'élection libre des justiciables. Ne craignons pas que le scrutin populaire prive la chose publique du service de ces sujets précieux, dont la capa

cité, antérieurement éprouvée dans les tribunaux actuels, n'a point été ternie dans ces derniers temps par une conduite équivoque, ou par une profession ouverte de sentimens anti-patriotiques. Plus d'un exemple a prouvé que le peuple n'est pas si facile à tromper sur ses vrais intérêts qu'on cherche quelquefois à le faire entendre; et quoiqu'il soit vrai que les élections puissent ne pas donner toujours les meilleurs choix, il l'est en même temps que la nation ne pourra pas se faire autant de mal en exerçant son droit de choisir, qu'il lui en a été fait pendant qu'elle en a été privée, et surtout, depuis quinze ans, par l'abusive facilité de l'admittatur des compagnies, et par la funeste insouciance de la chancellerie.

Tous les citoyens, avons-nous dit encore dans la déclaration des droits, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talens. Avec quelle force ce principe fondamental de toute bonne constitution ne s'élève-t-il pas contre ceux de ces tribunaux qui ne se trouvent actuellement composés que de clercs et de nobles, parce que ces tribunaux ayant déjà un certain nombre de places affectées aux ecclésiastiques, ont encore porté l'oubli des principes jusqu'à se faire une loi par des arrêtés secrets, mais avoués et exécutés, de n'ad. mettre dans leur sein, pour exercer des offices qui n'anoblissent la plupart qu'au second degré, que des citoyens nobles ou déjà anoblis. Ainsi ces tribunaux préférant la noblesse à la capacité pour une fonction publique où la capacité est essentielle, et la noblesse très-indifférente, ont sacrifié les droits de leurs concitoyens, la justice due au vrai mérite, et par-là le bien réel du service, à une inexcusable vanité de corps. La constitution peut-elle conserver ces tribunaux proscrits d'avance par les maximes sur lesquelles elle est établie? Ne violent-ils pas par leur composition le dogme imprescriptible de l'égalité civile? Sont-ils autre chose que des corporations d'anciens privilégiés? Le plus grand nombre des citoyens y trouve-t-il quelqu'un de ses pairs? Conservez ces confédérations d'individus des deux classes qui

voulaient ici former des ordres; elles ne cesseront de déposer par le fait contre l'abolition des ordres, et de provoquer leur résurrection.

Ajoutons que la sûreté de la constitution tient à ce qu'il ne subsiste plus aucun rejeton vivace du tronc inconstitutionnel qu'elle a abattu et qu'elle remplace. Considérons que l'esprit public qui doit naître de la régénération pour en assurer le succès, n'a pas de plus dangereux ennemi que l'esprit de corps, et qu'il n'y a pas de corps dont l'esprit et la hardiesse soient plus à craindre que ces corporations judiciaires qui ont érigé en principes tous les systèmes favorables à leur domination, qui ne pardonneront pas à la nation elle-même de reprendre sur elles l'autorité dont elles ont joui, et qui ne perdront jamais ni le souvenir de ce qu'elles ont été, ni le désir de recouvrer ce qui leur est ôté. Disons enfin sans crainte, puisque la vérité et l'intérêt de la patrie le commandent, que si la nation doit s'honorer de la vertu de quelques magistrats bons patriotes, une foule de faits malheureusement incontestables annonce que le plus grand nombre résiste encore à se montrer citoyen, et qu'en général l'esprit des grandes corporations judiciaires est un esprit ennemi de la régénération. Ce qui s'est passé à Rouen, à Metz, à Dijon, à Toulouse, à Bordeaux, et surtout à Rennes, en fournit une preuve éclatante qui dispense d'en rapporter d'autres.

Concluons qu'il est nécessaire de recomposer constitutionnellement tous nos tribunaux dont l'état actuel est inconciliable avec l'esprit et les principes de notre constitution régénérée.

Mais sur quelles bases organiserez-vous le nouvel ordre judiciaire? C'est ici le second point de question qui s'offre à tre

examen.

Une bonne administration de la justice paraît attachée principalement aux trois conditions suivantes : 1° que les tribunaux ne soient pas plus nombreux que ne l'exige la nécessité réelle du service; 2o qu'ils soient cependant assez rapprochés des justiciables, pour que la dépense et l'incommodité des déplacemens ne privent aucun citoyen du droit de se faire rendre justice;

3o que, hors les cas où la faculté de l'appel est, par la modicité de l'objet, plutôt une aggravation qu'une ressource, il y ait toujours deux degrés de juridiction; mais jamais plus de deux.

Attachons-nous d'abord à la composition du premier degré; c'est celle qui présente le moins d'embarras. Le comité vous propose un juge de paix par canton, et un seul tribunal royal par district.

L'établissement des juges de paix est généralement désiré; il est demandé par le plus grand nombre de nos cahiers; c'est un des plus grands biens qui puisse être fait aux utiles habitans des campagnes. La compétence de ces juges doit être bornée aux choses de convention très-simple, et de la plus petite valeur, et aux choses de fait qui ne peuvent être bien jugées que par l'homme des champs, qui vérifie sur le lieu même l'objet du litige, et qui trouve, dans son expérience, des règles de décision plus sûres que la science des formes et des lois n'en peut fournir aux tribunaux sur ces matières.

Le comité propose que les juges de paix puissent juger, sans appel, jusqu'à la valeur de cinquante livres, parce qu'un plaideur n'a rien gagné réellement, même en gagnant sa cause, lorsqu'il a plaidé par appel en justice réglée pour un aussi petit intérêt, s'il calcule ce qu'il lui en a coûté en perte de temps, en dépenses de déplacement et en faux frais de procédure. Je sais bien que cinquante livres peuvent former, dans la fortune de plusieurs citoyens, un objet important; mais ces citoyens-là sont ceux qu'il faut défendre de la tentation de jouer à une loterie qui les ruine complètement s'ils perdent, et qui ne leur fait rien gagner s'ils ne perdent pas. Pour décider sainement si l'appel doit être permis ou non, ne considérez pas ce que l'objet du procès peut valoir, relativement à celui qui plaide, mais ce qu'il vaut en lui-même, et s'il pourrait sans se trouver absorbé, supporter le déchet inévitable qu'il éprouverait par l'effet corrosif d'un appel.

Il faut écarter des fonctions de juges de paix, l'embarras des formes, et l'intervention des praticiens: parce que la principale utilité de cette institution ne sera pas remplie, si elle ne procure

pas une justice très-simple, très-expéditive, exempte de frais, et dont l'équité naturelle dirige la marche, plutôt que les réglemens pointilleux de l'art de juger. Il faut que, dans chaque canton, tout homme de bien, ami de la justice et de l'ordre, ayant l'expérience des mœurs, des habitudes et du caractère des habitans, ait par cela seul toutes les connaissances suffisantes pour devenir à son tour juge de paix.

Le comité a proposé que les juges de paix connaissent de toutes les causes personnelles, jusqu'à la valeur de 100 livres, à la charge de l'appel ; et il a déterminé plusieurs cas dans lesquels il lui a paru nécessaire que ces juges fussent compétens, à quelque valeur que les demandes pussent se monter. Ces cas sont ceux qui fournissent les plus fréquentes occasions de procès entre les habitans des campagnes, ceux dont le plus sûr moyen de décision est dans l'inspection de la chose contentieuse, ceux enfin que les tribunaux ne jugent eux-mêmes qu'après avoir emprunté les lumières et le jugement préalable des experts. Cette compétence nécessaire dans l'esprit de l'institution des juges de paix, est d'ailleurs sans inconvénient, parce que peu de ces procès excéderont la valeur de 100 livres, parce que les habitans des campagnes sont toujours meilleurs juges en ces matières que les hommes de loi, et parce qu'en cas d'injustice manifeste, leurs jugemens seront réformables.

Enfin, l'appel des sentences des juges de paix se portant et se terminant sommairement au tribunal royal de district, il a paru à votre comité que tout était rempli pour que cette classe de procès minutieux, qui sont le fléau des campagnes, se trouve désormais expédiée avec cette simplicité et cette douceur de régime qui conviennent à un peuple raisonnable et à un gouvernement populaire et bienfaisant.

La compétence du tribunal royal de district commence où finit celle des juges de paix ; elle complète le système du premier de gré de juridiction dans l'ordre ordinaire.

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