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SÉANCE DU SOIR 4 MARS.

[A l'ouverture de la séance, un de MM. les secrétaires fait l'annonce d'un grand nombre d'adresses.

M. Mathieu de Montmorency, membre du comité des rapports, rend compte de l'affaire du parlement de Bordeaux, ajournée à cette séance. Il fait lecture du réquisitoire de M. Dudon, procureur-général, et de l'arrêt qui a suivi.

Du 20 février 1790. Ce jour, le procureur-général du roi est entré et a dit:

« Messieurs, qu'il est douloureux pour nous d'être forcés de faire diversion à des témoignages apparens de félicité publique, pour fixer vos regards sur les fléaux et les calamités sans nombre qui affligent et dévastent une partie de votre ressort!

> Tout ce que le roi avait préparé pour le bonheur de ses sujets; cette réunion des députés de chaque bailliage que vous aviez sollicitée vous-mêmes pour être les représentans de la nation, pour travailler à la réformation des abus, et pour assurer le bonheur de l'état ; tous ces moyens, si heureusement conçus, et si sagement combinés, n'ont produit jusqu'à présent que des maux qu'il serait difficile d'énumérer. La liberté, ce sentiment si naturel à l'homme, n'a été pour plusieurs qu'un principe de séduction, qui leur a fait méconnaître leurs véritables intérêts, tandis que d'autres en ont fait un cri de ralliement, auquel se sont rassemblés les hommes les moins dignes d'en jouir.

› Ainsi se sont formées ces hordes meurtrières qui ravagent le Limousin, le Périgord, l'Agénois et une partie du Condomois.

› La dévastation des châteaux n'a point assouvi leur rage; ils ont osé commettre les mêmes horreurs dans les églises, et on nous assure que, dans leur fureur, l'autel même n'a pas échappé à leurs mains sacriléges.

› Voilà, messieurs, les premiers fruits d'une liberté publiée avant la loi qui devait en prescrire les bornes, et dont la mesure a été livrée à l'arbitraire de ceux qui avaient tant d'intérêt à n'en connaître aucune.

› Mais non, messieurs, la loi existe encore, et il est honorable

pour vous qui en êtes les ministres, comme pour nous qui en sommes l'organe, de donner aux juges de votre ressort l'exemple de ce courage, qui ne connaît que le devoir, de les rassurer sur leurs tribunaux, et de leur inspirer la force de poursuivre ces brigandages avec toute la sévérité des ordonnances.

› Eh! que craindraient-ils en effet? La justice et la loi trouveront assez d'appuis dans ces citoyens dont nous vous peignons les malheurs et les alarmes; car il en est dans les campagnes même où la contagion a fait le plus de progrès; il en est, disonsnous, qui savent, ainsi que les milices des villes, qu'ils sont armés contre les séditieux, coutre les brigands, contre les ennemis du bien public, pour le maintien de l'autorité royale et de l'empire des lois, pour le retour de l'ordre et de la police générale, sur lesquels repose le bonheur public.

› Ainsi les détracteurs de la magistrature, inquiets ou jaloux de l'arrêt que vous allez rendre, se hâteraient vainement d'en publier l'insuffisance pour en atténuer les effets; ils ne nous accuseront pas d'avoir vu tant de maux avec indifférence; ils n'abuseront plus la crédulité des peuples; et dût cet acte de votre justice souveraine être le dernier, ce peuple y reconnaîtra peut-être encore ceux dont il a pleuré la captivité, ceux qu'il a si souvent et si justement appelés ses défenseurs et ses pères.

› ATTANT, requérons être ordonné qu'à la diligence de nos substituts dans les siéges royaux, et des procureurs d'office dans les juridictions seigneuriales, chacun en droit soi, il sera informé des faits mentionnés daus le présent réquisitoire, pour le procès être fait et parfait aux auteurs, fauteurs et participes desdits délits, suivant la rigueur des ordonnances; les juges qui en connaîtront, être invités à redoubler de zèle et d'activité.

› Au surplus, être enjoint aux municipalités du ressort, de faire usage de tous les moyens qui sont en leur pouvoir, pour arrêter le cours des désordres, et se saisir de la personne de leurs auteurs, et à tous les dépositaires de la force publique, de leur prêter aide et main-forte, sur les réquisitions qui leur en seront faites; être ordonné en outre que le présent arrêt sera

́imprimé, lu, publié et affiché partout où besoin sera, et envoyé dans tous les bailliages, sénéchaussées et municipalités, etc. ›

L'arrêt est entièrement conforme aux conclusions: il est signé DAUGBARD, président.

La municipalité de Bordeaux et l'armée patriotique bordelaise ont dénoncé cet arrêt et ce réquisitoire à l'assemblée nationale, en annonçant que le calme était entièrement rétabli, lorsque ces actes coupables ont, au désir des magistrats, renouvelé le désordre et la fermentation. Plusieurs milices nationales et municipalités voisines se sont empressées de se rendre dans cette ville pour adhérer à la dénonciation, qui est signée d'un très-grand nombre de citoyens actifs.

M. le rapporteur fait lecture de l'adresse des citoyens et de l'armée patriotique de Bordeaux.

M. de Menou. La dénonciation faite à l'armée patriotique, par M. Boyer Fonfrède le jeune, aide-major-général, est une pièce importante: nous en demandons la lecture.

M. le rapporteur lit cette dénonciation.

La chambre des vacations du parlement de Bordeaux vient de rendre un arrêt qui doit trouver autant de dénonciateurs qu'il est de citoyens.

› Cet arrêt, Messieurs, qui va être remis sur votre bureau, n'a pas précisément le caractère de sédition de ces écrits incendiaires que repoussent même les partisans du despotisme: la chambre des vacations a préféré la perfidie à la violence, et a voulu frapper avec moins de force pour frapper avec plus de sûreté. Le parlement de Rennes du moins avait apporté, jusque dans ses erreurs et dans ses crimes, une sorte de fermeté courageuse, qui redoublait la haine des patriotes, sans exciter leur mépris; mais la chambre des vacations du parlement de Bordeaux, colorant, par une lâche adresse, ses principes féodaux et ses desseins criminels du voile du bien public et de l'amour de la paix, a voulu tromper le peuple, qu'elle n'avait pas la force de combattre, et a montré le sentiment de sa faiblesse en même temps que celui de son crime.

Je ne relèverai point à vos yeux, Messieurs, toutes les vieilles et coupables maximes, les rapports exagérés, la douleur feinte et perfide, et les doutes injurieux qui empoisonnent cet écrit ; il suffit de ses premières phrases pour en juger; et c'est un grand adoucissement pour un cœur citoyen de n'avoir pas à rappeler et à combattre tant de principes pervers et blasphèmes publics, qui coûtent même à prononcer.

> Tout ce que le roi avait préparé pour le bonheur de ses sujets, dit le réquisitoire du procureur-général, cette réunion des députés de chaque bailliage, que vous avez sollicités vous-mêmes pour être les représentans de la nation; tous ces moyens si heureusement conçus et si sagement combinés n'ont produit, jusqu'à présent, que des maux qu'il serait difficile d'énumérer.

› Est-il vrai, Messieurs, j'en appelle à vos cœurs, dignes de sentir et de goûter la liberté, et les heureux changemens qui ont déjà signalé les premiers travaux de nos représentans ; est-il vrai que leur réunion n'ait produit jusqu'ici que des maux? Quoi ! ladestruction des priviléges, des bastilles, des ordres arbitraires, de tous les despotes, grands et petits; des corps intermédiaires, qui trompaient le monarque et le peuple; de la vénalité des offices et des officiers; la réforme des lois criminelles, l'établissement des municipalités, le sanctionnement de la dette publique: tant de bienfaits ne seront considérés que comme des maux? Ce sont des maux sans doute pour les mauvais citoyens, pour ceux que les abus faisaient vivre, et qui perdent tout en perdant le droit d'opprimer ; ce sont des maux pour ceux qui ne demandaient les états-généraux, que dans l'espoir de se voir refuser; qui voulaient ériger leurs usurpations en droits, et qui n'ont · combattu le despotisme ministériel que parce qu'il contrariait le despotisme parlementaire; qu'ils gémissent donc entre eux de leurs pertes; qu'ils pleurent sur l'heureuse révolution qui nous rend tous libres, égaux et heureux; leur douleur aristocratique sera un nouvel hommage rendu à la bonté de nos lois, et à la sagesse de nos représentans; mais qu'ils se gardent de répandre leurs plaintes séditieuses; tous les regrets sont criminels, quand

la nation n'a que des espérances; qu'il ne leur soit permis de publier que leurs remords parmi le peuple; le peuple n'a ni remords ni regrets ; et s'il lui en restait quelqu'un, ce serait d'avoir été détrompé si lentement, et délivré si tard de ceux qui ont l'audace de se nommer aujourd'hui ses pères.

› Que penser, Messieurs, de cette affectation, de ne désigner l'assemblée nationale que par le titre de députés de bailliages? La chambre des vacations a craint qu'en prononçant ce nom cher et révéré de tous les Français, elle ne réveillàt toutes les idées de bonheur, d'espérance et de liberté qui accompagnent l'image auguste de l'assemblée de nos représentans; elle a craint que ce mot seul ne les réfutât, et ne les confondît. Il semble, en effet, que tous les corps anti-constitutionnels et aristocratiques se sont accordés à refuser son véritable nom à l'assemblée de la nation : c'est ainsi, je pense, qu'un athée doit frémir en prononçant le nom sacré de la divinité.

› Où donc est le but de l'arrêt du parlement? Au nom de qui viennent-ils nous commander, quand nous avons des représentans et des municipalités légales?

› Je conclus, Messieurs, à ce que le conseil-général de l'armée déclare déchus de tous les grades, ainsi que de celui de volontaires, les membres de la chambre des vacations du parlement de Bordeaux.

› Je conclus, en outre, à ce que l'arrêt rendu par cette chambre, le 20 février, soit dénoncé à la municipalité actuelle, composée des jurats et des électeurs, avec l'instante prière de la dénoncer à son tour à l'assemblée nationale: >

M. Mathieu de Montmorency continue son rapport. C'est un délit national qui vous est dénoncé. Le comité a vu, dans le réquisitoire, l'intention de fomenter et de perpétuer les troubles, cachée sous l'apparent désir de réprimer les désordres. Le silence affecté sur les décrets, sur le nom même de l'assemblée nationale, les circonstances, tout manifeste les vues du parlement de Bordeaux. Il les dévoile par ses maximes..... (M. le rapporteur cite plusieurs phrases du réquisitoire.) Ce sont des magistrats

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