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dans tout ce qu'il a dit ; il a tant divagué, il s'est livré à tant d'excursions étrangères, que cela ne serait possible à personne : máis je le saisirai dans ses principaux raisonnemens, et j'espère lui prouver qu'il n'aurait pas dû montrer tant de confiance. Il a fait. dériver l'institution des juges d'un droit féodal; il a cru tout sou lever, parce qu'à ce mot de féodalité tout se soulève : cette ori*gine blesse la vérité pour tout le monde, et pour nous surtout. Vous avez supprimé le régime féodal au mois d'août, et c'est en septembre que vous avez décrété les principes qui donnaient l'institution au roi. Il a fait dériver l'institution des juges de la monarchie absolue; c'est la plus considérable de toutes les erreurs : les monarques absolus elisaient et instituaient tout à la fois. Il vous à présenté l'institution comme illusoire et injurieuse pour le souverain. N.... Parlez-vous de la nation? si vous ne parlez pas d'elle, dites pour le roi.

M. Garat l'aîné. Je me trompe et je continue. Dans tous les cas, je voudrais cette formule qui sera honorable au chef héréditaire du pouvoir exécutif. M. Barnave s'est étrangement trompé, s'il a cru que le roi ne pourrait refuser le sujet qui lui serait présenté. Le peuple n'élira pas lui-même, il fera élire par ses représentans, qui abusant de sa confiance et se laissant corrompre, pourront présenter au roi des sujets indignes. Ne serait-ce pas un grand malheur pour la nation que d'ôter au roi la faculté d'écarter ces mauvais juges? Nous n'avons pas craint pour la liberté des peuples, en décrétant la sanction qui peut arrêter une loi pendant deux législatures, et on craindrait que le roi pût arrêter un moment l'élection des juges. Le pouvoir exécutif suprême réside exclusivement dans les mains du roi; vous l'avez décrété. Le pouvoir judiciaire ne fait-il pas partie du pouvoir exécutif? Vous avez dit, il est vrai, que le roi ne pourrait exercer le pouvoir judiciaire, et vous avez cru cette restriction nécessaire pour que ces deux pouvoirs ne fussent pas confondus; mais vous avez dit ensuite que la justice serait rendu au nom du roi. Pour tout homme raisonnable et loyal, cet ensemble de vos décrets prouve que le pouvoir judiciaire fait partie du pouvoir exécutif. En

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ôtant l'institution des juges au roi, vous reprendriez d'une main ce que vous auriez donné de l'autre, et ce procédé n'est digne ni de vous ni de moi. La justice doit s'administrer au nom du roi; il faut donc que le roi institue les juges. Prenez un parti contraire, et vous accréditerez ces bruits qui vous accusent de chercher à énerver le pouvoir exécutif. Je vous en conjure au nom de votre propre honneur, au nom de votre loyauté; je vous en conjure au nom de la nation; lorsqu'il y a si peu de danger, lorsqu'il n'y en a évidemment aucun, lorsque le salut du peuple l'exige, accordez au roi Finstitution des juges, ou bien déclarez que vous n'avez voulu l'investir que d'une suprématie fantastique. M. Chapelier. Le roi pourra-t-il ôter à un juge le pouvoir que le peuple aura confié à ce juge?

M. de Cazalès. Avant que d'établir les principes qui paraissent devoir diriger la décision, qu'il me soit permis de relever un fait. M. Barnave a dit que le roi d'Angleterre ne possède l'institution des juges que par un reste du régime féodal. L'histoire atteste que le régime féodal avait usurpé ce droit sur le roi même. Dans toute société politique, il n'y a que deux pouvoirs, celui qui fait la loi et celui qui la fait exécuter. Le pouvoir judiciaire, quoi qu'en aient dit quelques publicistes, n'est qu'une simple fonction, puisqu'il consiste dans l'application pure et simple de la loi. L'application de la loi est une dépendance du pouvoir exécutif : si le pouvoir exécutif appartient au roi, c'est au roi à nommer les juges, comme il nomme les officiers de son armée; car c'est au roi qu'est confié le maintien des propriétés au-dehors et au-dedans : il ne peut être responsable, s'il ne dirige les juges. Un philosophe, qui n'est pas suspect à cette assemblée, lecitoyen de Genève, a dit : « les rois sont les juges-nés des peuples; quand ils ne veulent pas exercer la justice, ils la confient.... › C'est ici que l'exemple de tous les peuples fortifient cette théorie. A Rome, où tous les pouvoirs étaient distingués avec une grande attention, le peuple romain élisait le préteur, qui,' sans le concours du peuple, choisissait ses substituts et ses collègues : ainsi on avait consacré ce principe, que ceux qui sont chefs suprêmes

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de la justice doivent choisir eux-mêmes leurs agens. Certes, il est bien extraordinaire qu'au mépris des maximes de justice les plus triviales, et celles-là sont les bonnes, on refuse au roi le droit qu'il doit avoir sur les juges. Le roi n'a pas, sur toute l'étendue de l'administration, un seul homme sur lequel il puisse

· avoir quelque confiance; il était maître de l'armée, il n'en sera que le chef. Quel est donc le gouvernement que vous voulez instituer? Vous voulez donc rendre illusoires vos propres décrets. Si le projet du gouvernement démocratique avait pu vous égarer; il aurait été plus digne de votre loyauté, de votre franchise; il serait moins coupable de l'annoncer nettement à tout l'univers, que de nous mener par une marche astucieuse à ce but funeste. Je demande qu'on me réponde : quand la constitution sera faite, quel sera le lien des 80 sections du royaume? quel sera le lien de ces départemens auxquels on aura donné des administrations particulières, spirituelles et temporelles, auxquels on veut donner des tribunaux particuliers? Bientôt l'empire serait morcelé, et vous verriez renaître ce même régime féodal dont vous avez proscrit les restes impuissans. Je demande quel sera le lien qui les unira? Je n'en peux connaître d'autre que le pouvoir exécutif. Croyezvous que la puissance de l'assemblée nationale y suffise? Jusqu'ici vous vous êtes entourés de l'opinion publique; c'est l'opinion publique qui a fait votre force; c'est elle qui a été votre pouvoir exécutif il faudrait plaindre les peuples si l'assemblée législative était astreinte à consacrer toutes les erreurs de l'opinion. Il faut donc confier au pouvoir exécutif l'institution des juges. S'il était possible de descendre à quelque considération particulière, je dirais que puisque l'assemblée nationale a décrété que le pouvoir judiciaire repose sur le peuple, sur cette base qui n'est qu'intrigue et vênalité, il n'est qu'un moyen, c'est de présenter trois sujets au roi. L'activité de l'intrigue sera suspendue ; l'individu qui voudra se faire élire craindra de consacrer sa fortune à corrompre les suffrages, à acheter les électeurs.

S'il m'était permis d'énoncer la seule opinion juste et sage, je dirais que le roi seul doit nommer les juges; mais vous avez dé

crété le contraire, mais la contagion des principes démocratiques a fait des progrès si étonnans, que cette opinion paraîtrait condamnable, même aux sages de cette assemblée; je réduis donc mon opinion, et je demande qu'il soit présenté au roi trois candidats, parmi lesquels il fera son choix.

M. Chabroux. J'observe d'abord que si les jurés au civil étaient adopté, la question aurait un aspect moins sérieux; mais puisque le pouvoir judiciaire est en entier dans la main des juges, ne serait-il pas très-dangereux de mettre les juges dans la main du roi? Je réponds à quelques objections. Je dis que le peuple a des droits, et que hors ces droits il ne reste plus que des fonctions : le roi n'a que les fonctions et des prérogatives. D'après cela, et sur les idées d'un de nos maîtres en politique, j'avais observé que rien n'est plus dangereux que de réunir toutes les branches du pouvoir exécutif dans la même main, et j'en avais conclu la nécessité de la division du pouvoir exécutif. Le pouvoir législatif est indivisible, sans cela, la loi serait plusieurs, ce qui est impossible. Je conviens cependant que l'effort du pouvoir exécutif doit être un; mais il n'en est pas moins nécessaire de classer les différentes parties de ce pouvoir: il le faut, pour assurer cette marche unique, et pour retenir dans ses bornes ce pouvoir exécutif redoutable. On a cité le préteur; mais on n'a pris qu'une fraction du pouvoir exécutif : le préteur ne commande pas l'armée, il n'est pas le chef de l'administration.... Il restera toujours une grande vérité; c'est que tant que les branches du pouvoir exécutif seront réunies en une seule main, le pouvoir législatif pourra être attaqué; la liberté succombera, et la constitution n'aura duré qu'un moment. On a cité vos décrets constitutionnels; on a voulu les interpréter: ils n'en avaient pas besoin; mais il pouvait être utile de les obscurcir: on a donc voulu leur faire signifier ce qu'ils ne signifiaient pas ; qu'on examine leurs disposions sans commentaire, et l'on verra qu'elles sont très-claires : on a abusé de ces mots : la justice sera rendue au nom du roi ; mais peut-être aurez-vous lu une dissertation de M. Bentham, d'abord écrite en anglais, puis traduite en français : il a prouvé

que ces mots, au nom du roi, sont absolument insignifians : le nom du juge doit être au-dessus du jugement; c'est au nom du roi que ce jugement s'exécute. Je finis par une ou deux réflexions. Estimez-vous que les mœurs soient nécessaires pour la liberté? pensez-vous que la liberté soit un bien inestimable, et qu'elle doive être soigneusement conservée? On dira que je crée des monstres pour les combattre; mais j'ai vu si souvent dans l'histoire la liberté attaquée et détruite, que je crois que cette liberté précieuse est un vase délicat et fragile que le moindre souffle ternit, que le moindre choc brise, il faut le surveiller avec soin. L'instant où vous perdrez de vue la liberté sera celui où vous l'aurez totalement perdue. Vous croyez que les mœurs sont nécessaires pour la liberté, n'encouragez donc pas la calomnie; rien n'est plus propre à détruire les mœurs que la calomnie. L'homme le plus vertueux a des ennemis; il sera calomnié près des ministres, près du prince, il le sera par tous ceux qui auraient élevé sans succès les mêmes prétentions que lui. Les mœurs seront donc perdues pour cette classe d'hommes appelés à juger. Rejetez donc les idées qui vous sont proposées; conservez les mœurs; conservez cette surveillance active, fondement unique de la liberté.. M. l'abbé Maury. Pour prendre la question au point précis où je la trouve, j'ai besoin d'examiner le système du préopinant système ingénieux et plein de franchise. Qu'est-ce que le pouvoir exécutif? C'est la force publique employée pour l'exécution de la loi. On a voulu prouver qu'il est nécessaire de diviser le pouvoir exécutif; il faut discuter cette opinion nouvelle. Vous avez décrété que le pouvoir exécutif suprême réside exclusivement dans la main du roi le pouvoir exécutif existe dans les monarchies comme dans les républiques, et dans toutes les républiques il est divisé; dans toutes les monarchies il est un et renfermé dans les mêmes mains. Les gouvernemens ne sont républicains que par cette division; ils ne sont monarchiques que par cette réunion. J'ai eu raison de rendre hommage à la franchise du préopinant, qui nous a proposé très-textuellement d'établir le gouvernement républicain en France.... Je viens d'entendre avec satisfaction le préopinant demander à me répondre; je désire être éclairé.

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