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pêche qu'il ne s'en trouve de soudoyées pour cela, et s'il y en a une qui soit protégée de M. le juge voyageur!.... En un mot, nos intendans, dans leurs tournées, sont des modèles de juges ambulans: voyez donc comme ils accréditent les vôtres.

L'assemblée décide que les juges de première instance seront sédentaires.

Sur l'appel.

La question de l'appel est posée en ces termes : Y aura-t-il plusieurs degrés de juridictions, ou bien l'usage de l'appel serat-il aboli?>

M. Pison du Galand. L'appel a existé chez toutes les nations où il a existé des tribunaux ; il était regardé comme le moyen le plus sûr d'arriver à une justice exacte. Je ne croyais pas qu'il pût y avoir sur cela le moindre doute; mais dès qu'il s'élève une question, ce n'est plus l'expérience seule qu'il faut consulter, il faut entendre la raison. Sous les rapports moraux, l'appel est avantageux aux citoyens ; il amène à la conviction, donne moins l'air de la contrainte aux jugemens. Le juge met plus d'attention dans l'instruction et dans les jugemens des procès : le juge supérieur, voyant dans l'appel une espèce de dénonciation, examinera l'affaire avec un respect pour ainsi dire religieux. En cause d'appel, l'affaire se réduit, elle ne présente plus que des faits simples; la décision des juges est portée d'une manière plus parfaite.... Je conclus à ce que l'appel soit admis.

M. de Larochefoucault. Vous avez hier décidé les jurés au criminel; il ne peut y avoir d'appel avec les jurés : décidez donc qu'il n'y aura pas d'appel au criminel, ou plutôt réservez la question, puisque vous avez ordonné la formation d'une nouvelle procédure criminelle. Je me restreindrai donc aux causes civiles: qu'est-ce qu'un jugement? C'est l'opinion des hommes chargés de juger ; il se prononce d'après la pluralité des opinions. Le jugement rendu en dernier ressort pourra être prononcé à la minorité des suffrages des deux tribunaux réunis. Il faudrait d'ailleurs supposer que les juges d'appel seront plus éclairés que les juges d'instances: pourra-t-on le penser, si ceux-ci ont ob

tenu la confiance publique....? Je pense donc qu'il ne doit pas y avoir d'appel.

M. Barnave. Je ne crois pas que l'appel puisse être une question sérieuse, après que vous avez rejeté les jurés en matière civile. Les premiers juges, plus rapprochés des justiciables, pourront avoir des motifs d'intérêt, de préférence ou de haine, et. vous livreriez sans retour les citoyens aux effets que ces motifs pourraient produire. Le juge d'appel, plus éloigné d'eux, échappera plus aisément à la séduction.

L'instruction des affaires se fera d'une manière plus exacte, quand le juge d'instance craindra la censure du tribunal d'appel. La voix de la révision ne supplée pas au second degré de juridiction; elle n'aura d'effet que sur l'application de la loi au fait reconnu et sur la forme. Le juge pourra, en observant les formes, échapper à la révision, et l'injustice triomphera. L'objet direct du tribunal de cassation ou de révision est d'assurer l'uniformité de la loi, et d'empêcher ces interprétations qui varient avec les juges et avec les pays. Ce tribunal sera nécessairement unique, et il serait physiquement impossible qu'on y portàt toutes les causes d'appel. On demande si les juges en seconde instance seront plus éclairés que les autres. On craint l'aristocratie des tribunaux; mais sans doute, d'après l'organisation que vous donnerez à l'ordre judiciaire, les juges auront seulement la supériorité de l'âge, de l'expérience et des lumières, et cette supériorité ne peut humilier personne.... Vous ne pouvez donc pas vous dispenser, soit pour la liberté individuelle, soit pour l'unité de jurisprudence, d'admettre l'appel. Le jugement par jurés au criminel, rend en cette matière l'appel impossible. Jamais on n'appellera du jugement des jurés sur le fait : les formes et l'ap. plication de la loi appartiennent aux juges, et cette partie dépend du tribunal de révision. Ainsi, je pense qu'il faut décréter l'appel au civil, sauf les exceptions particulières qui pourront être jugées nécessaires, et sans rien préjuger en matière criminelle.

M. Pétion de Villeneuve. On vous a dit que les premiers juges seraient plus circonspects, quand ils craindraient la censure des

juges supérieurs. Les premiers juges, a-t-on dit encore, seront plus rapprochés des justiciables, et ne pourront se défendre d'influences étrangères. Les juges d'appel seront-ils exempts de passions? Les appels multiplieront les frais, favoriseront l'homme riche, écraseront le pauvre, et tous ces malheurs, vous les consacrez par une institution parfaitement inutile. Est-il nécessaire, en effet, de faire rendre des jugemens qui ne jugeront qu'avec la volonté des parties? Je pense donc qu'il ne doit pas y avoir deux degrés de juridiction. On pourrait obtenir les avantages qui faisaient désirer un tribunal d'appel, en établissant des juges d'instruction, qui décideraient provisoirement les affaires sommaires; les autres affaires ainsi instruites, seraient portées aux tribunaux.

On ferme la discussion.

L'assemblée décrète « qu'il y aura deux degrés de juridiction en matière civile, sauf les exceptions particulières qui pourront être décrétées, et sans entendre rien préjuger en matière civile.»]

SÉANCE DU 2 MAI.

QUESTION: Les juges d'appel seront-ils sédentaires?

[M. Regnier. Ceux qui croient que les juges ne doivent pas être sédentaires, envisagent la question de deux manières : ou dans ce sens, que les juges se transportent dans les districts pour y juger les causes d'appel; ou dans le sens proposé par M. Thouret. Je préférerais celui-ci ; mais je ne puis admettre les juges ambulans. Les qualités qui font priser un homme dans la société, sont aussi les qualités nécessaires pour administrer la justice. Un bon père de famille possède ces qualités; mais aimé des siens et des autres, voudra-t-il quitter tout ce qui remplit son âme de ces affections douces, qui font le bonheur de la vie, pour aller courir de ville en ville, de campagné en campagne, pendant une grande partie de l'année? Il ne le voudra pas; les citoyens se trouveront donc privés du bonheur de remettre leurs intérêts les plus chers dans les mains du citoyen le plus recommandable. Le juge-voyageur ne pourra donc pas être le meilleur juge que la société

puisse se procurer. Livré à lui-même, à ses propres ressources, à ses lumières naturelles, distrait de l'application nécessaire pour remplir avec réflexion, avec sagesse, un ministère difficile et délicat, il ne pourra donc, sous ce rapport, rendre à la société tous les services qu'elle attendait de lui.......... L'institution des juges ambulans sera donc contraire à l'intérêt public.... On a voulu, en proposant cette institution, rapprocher la justice des juridiciables, et déjouer l'intrigue et la partialité. J'observerai, 1o que vous pourrez multiplier les tribunaux, et dès-lors, les éloigner très-peu des juridiciables. Il faut cependant les tenir à une distance assez éloignée pour réfréner l'ardeur litigieuse, loin de l'encourager. 2o Il dépend de vous d'organiser les tribunaux, de manière que la partialité ne soit pas à craindre. Par exemple, ne pouvez-vous pas prendre un juge dans chacun des districts des départemens? Tous ces juges seront sans doute mus quelquefois par l'amour de leurs concitoyens et de leur patrie; mais ces amours particuliers se réprimeront les uns par les autres, et il en résultera l'amour général dé la justice. Songez surtout que vous avez fait d'autres hommes, parce que vous avez fait d'autres institutions : vous avez donc tous les remèdes possibles contre la partialité.... Je conclus à ce que les juges d'appel soient sédentaires.

M. Thouret. La confection des tribunaux d'appel est la partie la plus délicate de l'organisation judiciaire. Il faut éviter que les tribunaux n'abusent de leur autorité dans la justice distributive: il faut en tirer tout le service que la société doit en attendre. En les considérant en finance, il faut qu'ils ne grèvent pas trop le trésor public. Enfin, sous le rapport de l'égalité constitutionnelle, il serait à désirer que chaqué département eût ses établissemens judiciaires comme il à ses établissemens administratifs. Je vais examiner, sous ces quatre points de vue, les deux plans qui paraissent pouvoir être mis en comparaison. 1o Celui du comité : il consiste dans une cour supérieure composée de vingt juges, et dont le ressort renfermerait quatre départemens; 2° celui que j'ai présenté et que j'ai rédigé en articles, comme il suit :

Art. Ier. L'appel des jugemens des juges de district sera porté à un tribunal supérieur établi en chaque département.

II. Ce tribunal sera composé de trois juges sédentaires au lieu de son établissement, et de trois grands-juges, qui s'y rendront chaque année pour tenir de grandes assises.

III. La session des grandes assises durera deux mois et demi en chaque département; et les mêmes grands-juges en tiendront une, chaque année, en quatre tribunaux de département.

IV. Hors le temps des assises, le tribunal de département, composé des seuls juges sédentaires, jugera à l'audience les appels des sentences interlocutoires et de celles rendues définitivement en matières sommaires ou provisoires, les demandes.à fin de surséance ou d'exécution provisoire des jugemens, et généra– lement toutes les demandes de provision qui seront formées incidemment aux appels.

V. L'appel de toutes les sentences définitives des juges de district, autres que celles rendues en matières provisoires ou sommaires, ne pourra être jugé que sur rapport et au temps des grandes assises.

VI. Les affaires qui surviendront dans l'intervalle d'une assise à l'autre seront distribuées aux juges sédentaires, à tour de rôle, afin qu'ils en préparent le rapport. Ils pourront rendre les ordonnances ou arrêts d'instruction; chacun d'eux fera, lors des assises, le rapport des procès dont il aura été chargé, et n'y aura point de voix délibérative.

VII. Les grands-juges tenant les assises, recevront les repré sentations des corps administratifs et les plaintes des particuliers sur la manière dont la justice aura été rendue par les juges de district pendant le cours de l'année, et sur la conduite des officiers ministériels : ils réprimeront les abus et puniront les contraventions, à peine de répondre personnellement de leur négligence dans cette partie de leur service.

Ce dernier système me paraît toujours devoir être préféré ; c'est le sentiment de la force qui produit l'insubordination et éveille l'ambition. N'admettez donc pas un trop grand nombre de

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