Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

partenait le jeune étourdi qui avait insulté un poste de la milice citoyenne, avaient été en députation à la municipalité, témoigner de leur blâme et de leur dévoùment à la cause révolutionnaire. Par ordre de l'assemblée nationale, le jeune coupable fut envoyé devant le tribunal de la sénéchaussée : lorsque cette décision arriva, une députation citoyenne allait partir pour Paris. Mais tous ces mouvemens effrayèrent les membres les plus hardis de l'opposition royaliste. Ils prirent la fuite, et le bruit se répandit que la population marseillaise insurgée, s'était emparée des forts. Ce bruit ne tarda pas, au reste, à se réaliser, ainsi que nous le verrons bientôt.

A Nantes, la municipalité refusa de reconnaître un M. d'Hervilly, envoyé par le ministère pour commander un camp-volant destiné à maintenir les paysans bretons dans l'ordre; et toutes les villes de province, adhérant à la mesure prise à Nantes, écrivirent qu'elles ne souffriraient d'autres troupes sur leur territoire que celles de leurs cent cinquante mille fédérés.

Cependant quelques faits vinrent révéler combien ces milices citoyennes comprenaient peu les intérêts des classes qui n'étaient point appelées à en faire partie. Les Dieppois écrivirent à l'assemblée nationale pour demander des moyens de répression contre les mendians qui mettaient à contribution leurs environs. L'assemblée nationale les renvoya aux ministres. Paris demanda une mesure pour empêcher les pauvres de venir chercher fortune dans ses murs. Voici une lettre de Dôle que nous empruntons à un journal du temps.

Dôle, 8 avril. Un détachement de notre garde nationale et de royal-étranger s'est transporté au village de Souvent pour assister un juge-criminel qui allait constater les plaintes des gardeschasses de la comtesse de Brun. Les paysans, au nombre de 800, se sont armés, et ont envoyé un des leurs pour offrir de ne faire aucun mal si l'on consentait à ne point leur en faire. Nous nous sommes retirés, et les bons paysans nous ont accompagnés avec les flûtes et les tambours. La comtesse de Brun, piquée, a demandé qu'on vînt proclamer la loi martiale; ce qui lui a été ac

cordé un peu légèrement. Cent cavaliers ont accompagné notre premier bataillon, qui est parti avec deux pièces de canon. On n'a trouvé dans le village que les femmes, les enfans, les vieillards; les hommes s'étaient retranchés près d'un bois, où l'on s'est transporté; ils ont refusé de se rendre: alors on a fait feu sur eux; plusieurs ont été tués; et, sans la prudence des anciens militaires, on les aurait tous massacrés dans le bois. On en a arrêté une centaine, parmi lesquels il y a un patriarche de 80 ans qui est blessé. Trente communautés voisines s'armaient pour enlever les prisonniers; mais la troupe dôloise s'est retirée, en les emmenant attachés deux à deux. Voilà ce que la morgue d'une comtesse a occasionné: les paysans nous traitent d'aristocrates; et les têtes s'étant un peu refroidies, nos chefs sont honteux de leur sottise: cela n'est-il pas édifiant? Après le serment de confraternité de cent cinquante mille hommes, s'égorger pour des gardes-chasses! >

La narration de cette affaire qui, nous l'avons vu, était loin d'être unique, fut criée dans les rues de Paris sous ce titre: Grand combat de la garde nationale de Dôle contre des BRIGANDS, etc.; et nous nous étonnerions plus tard de la chouannerie, c'est-à-dire de la guerre des paysans contre les villes!

Une expédition semblable eut lieu le 25 aux environs d'Avranches: 300 hommes sortirent de la ville et allèrent attaquer une bande de brigands. Ils firent feu sur ces malheureux, coupables de croire à la suppression des droits féodaux, et en arrêtèrent une cinquantaine.

Paris. A Paris, le Châtelet faisait le procès aux journées d'octobre. Ainsi que nous l'avons vu, le comité des recherches de la ville lui avait seulement dénoncé l'invasion du château dans la matinée du 6 octobre; mais les juges appelaient des témoins sur l'affaire du 5 comate sur celle du 6. Cette conduite excita une réclamation universelle, et dont la presse fut seulement interprète; elle devint plus vive encore lorsqu'on vit appeler à charge les membres les plus exagérés du côté droit. On n'accusait pas seulement le Châtelet, mais le comité des recherches; on prenait à

partie chacun de ses membres, on fouillait sa vie, et si l'on y trouvait quelque faiblesse, on la lui reprochait en face. Brissot de Warville, disait-on, est un ambitieux et un fat. Il est fils d'un cuişinier de Chartres; mais comme la gloriole littéraire exige des titres, il a soustrait la lettre o du nom du lieu de sa naissance, le hameau d'Ovarville, et a joint le reste à son nom de famille, etc, Le comité des recherches, effrayé de cette réprobation, fit une déclaration publique, qui fut affichée, par laquelle il affirmait être complétement étranger à la marche adoptée par le Châtelet, et qu'il n'avait soumis à ses informations que l'attentat du 6 octobre: le tribunal lui-même recula, et fit appeler des témoins choisis dans le parti patriote.

Ces désaveux ne détruisaient pas complétement les accusations. Pourquoi en effet mettre en cause une portion quelconque de ce grand acte dont Paris et la révolution avaient tant profité, et qui avait prévenu tant de conspirations? Le comité des recherches, et l'Hôtel-de-ville qui l'avait nommé, étaient moins hardis que le Châtelet; mais ils avaient la même tendance favorable à la cour, hostile aux patriotes, etc. Les ennemis des trois cents avaient, par ce seul fait, acquis une justification suffisante pour tous leurs soupçons.

On commença donc à s'élever d'une manière presque générale contre la municipalité; la presse prit peu de part aux accusations qu'on dressait contre elle; mais ce fut dans les districts où s'agitait encore la question de la permanence. Il n'y avait qu'un moyen pour démontrer l'utilité de cette mesure: c'était de prouver qu'on devait se défier de l'Hôtel-de-ville. La majorité des districts vota pour la permanence, c'est-à-dire déclara qu'elle n'avait point confiance dans ses représentans. On chercha à opposer à cette co.damnation, prononcée par les citoyens délibérant en réunions civiles, l'avis des citoyens armés. On s'adressa à la garde nationale; on obtint des officiers quelques décisions contraires à celles des districts, mais en trop petit nombre pour qu'elles pussent être comptées vis-à-vis de l'immense réprobation formulée de l'autre côté. L'opinion de la permanence avait ac

quis une telle prépondérance, que l'assemblée nationale, malgré une décision contraire antérieure, voulut bien entendre plaider cette question devant elle. La municipalité ne pouvait plus lutter. Quelques-uns de ses membres en séance générale proposèrent qu'elle se démît de ses fonctions. Le 14 avril, en effet, les trois cents déclarèrent qu'ils donnaient leur démission, qu'ils ne garderaient leurs fonctions que jusqu'au jour de leur remplacement; et ils envoyèrent supplier l'assemblée nationale de décréter, le plus tôt possible, le réglement particulier de la municipalité de Paris. Une députation lui avait présenté, le 10, ce projet rédigé par l'Hôtel-de-ville et revu par les districts. Cette déclaration, insignifiante au fond, puisqu'elle n'était autre chose que l'énonciation d'une nécessité prochaine, ne satisfit pas; mais elle suffit pour apaiser un moment le tumulte.

Le public parisien était entretenu d'ailleurs par mille nouvelles dans une méfiance continue contre des projets de contre-révolution. Il n'est point douteux, disait l'Observateur, qu'il n'y ait dans Paris des assemblées secrètes d'aristocrates où l'on ourdit quelque complot nouveau. On parlait des mandemens de plusieurs évêques, d'un jubilé publié à Toulouse, de neuvaines, de processions, de prières, à l'aide desquels, disait-on, le clergé essayait de soulever les imaginations dans les provinces.

Il faut les entendre, dit Desmoulins, faire à la vierge Marie la galanterie de 24 millions d'àmes, dans cette prière qu'on dit être rédigée par l'abbé de Boulogne. O vierge sainte! nous vous offrons notre roi, notre reine, les princes augustes; nous vous offrons l'armée et nos commandans; nous vous offrons nos magistrats; enfin nous vous offrons la France entière. Et de quel droit est-ce que vous m'offrez, caffards? avezvous ma procuration?

>

On reçut dans ce mois, à Paris, le texte d'un traité d'alliance entre la Prusse et la Pologne. On apprit en même temps que quelques corps de partisans russes continuaient d'insulter la frontière de cette république.

ΜΑΙ 1790.

Les débats de l'assemblée nationale pendant ce mois sont une nouvelle démonstration de l'opinion que nous avons émise dans nos préfaces. Deux nouvelles questions de premier ordre sont mises en discussion, non pas parce que l'ordre du travail de réorganisation l'ordonne ainsi, mais sous la seule influence des événemens extérieurs. Les législateurs ne s'étant pas emparés de l'initiative, celle-ci appartient aux circonstances qui naissent au dehors. Ainsi, dans le mois de mai, la nouvelle d'une prochaine rupture entre l'Angleterre et l'Espagne, et la crainte que le gouvernement français n'intervînt daps cette guerre, amena la constituante à traiter du droit de guerre et de paix; et les troubles des provinces, les résistances des ecclésiastiques, amenèrent la question de la constitution civile du clergé. Il résulta de là que les problèmes furent résolus plutôt en vue des difficultés du moment que dans le but d'une bonne constitution sociale. D'ailleurs, la discussion sur l'organisation judiciaire continua pendant tout ce mois. Nous nous occuperons donc en premier lieu de cette fondation de notre système judiciaire moderne.

Mais avant de faire entrer le lecteur dans la série régulière des travaux de l'assemblée, nous l'entretiendrons d'une question, hors de ligne en quelque sorte, qui fut résolue au commencement de ce mois, et trop importante pour être négligée : nous voulons parler de la réforme du système des poids et mesures.

Réorganisation du système des poids et mesures.

Dans le mois d'avril, l'évêque d'Autun, M. de Talleyrand, présenta à l'assemblée nationale un travail dont voici l'analyse:

[‹ L'innombrable variété de nos poids et de nos mesures, et leurs dénominations bizarres, dit M. l'évêque d'Autun, jettent nécessairement de la confusion dans les idées, de l'embarras dans le commerce. Mais ce qui particulièrement doit être une source d'erreurs et d'infidélités, c'est moins encore cette diversité en elle-même que la différence des choses sous l'uniformité des noms. Une telle bigarrure, qui est un piége de tous les instans

T. T.

26

« ZurückWeiter »