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M. de Mirabeau. Je ne puis me défendre d'un sentiment d'indignation, lorsque j'entends, pour entraver, pour arrêter les efforts de l'assemblée nationale, qu'on la met sans cesse en opposition avec la nation, comme si la nation, qu'on veut ameuter d'opinion contre l'assemblée nationale, avait appris par d'autres de qui elle a à connaître ses droits... Un des préopinans qui a attaqué avec infiniment d'art le système du comité, a défini la convention nationale, une nation assemblée par ses représentans, pour se donner un gouvernement, Lui-même a senti, sinon l'incertitude, du moins l'incomplétion de son raisonnement. La nation qui peut former une convention pour se donner un gouvernement, peut nécessairement en former une pour le changer; et, sans doute, le préopinant n'aurait pas nié que la nation, conventionnellement assemblée, pouvait augmenter la prérogative royale. Il a demandé comment, de simples députés de bailliage, nous nous étions tout à coup transformés en convention nationale. Je répondrai nettement les députés du peuple sont devenus convention nationale, le jour où trouvant le lieu de l'assemblée des représentans du peuple, hérissé de baïonnettes, ils se sont rassemblés, ils ont juré de périr plutôt que d'abandonner les intérêts du peuple; ce jour où l'on a voulu, par un acte de déménce, les empêcher de remplir leur mission sacrée. Ils sont devenus convention nationale, pour renverser l'ordre de choses où la violence attaquait les droits de la nation. Je ne demande pas si les pouvoirs qui nous appelaient à régénérer la France, n'étaient pas altérés, si le roi n'avait pas prononcé le mot régénération, si dans des circonstances révolutionnaires, nous pouvions consulter nos commettans; je dis que quels que fussent alors nos pouvoirs, ils ont été changés ce jour-là; que s'ils avaient besoin d'extension, ils en ont acquis ce jour-là; nos effors, nos travaux les ont assurés; nos succès les ont consacrés; les adhésions, tant de fois répétées de la nation, les ont sanctifiés, Pourquoi chercher la généalogie de ce mot convention? Quel étrange reproche! Pouvait-on ne pas se servir d'un mot nouveau pour exprimer des sentimens nouveaux, pour des opérations et des institutions nouvelles?,..

Vous vous rappelez le trait de ce grand homme qui, pour sau

ver sa patrie d'une conspiration, avait été obligé de se décider contre les lois de son pays, avec cette rapidité que l'invincible tocsin de la nécessité justifie. On lui demandait s'il n'avait pas contrevenu à son serment, et le tribun captieux qui l'interrogeait croyait le mettre dans l'alternative dangereuse, ou d'un parjure ou d'un-aveu embarrassant ; il répondit : Je jure que j'ai sauvé la république. Messieurs, je jure que vous avez sauvé la république (le geste de l'orateur est dirigé vers la partie gauche de l'assemblée.) On applaudit avec transport. On demande à aller aux

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Après quelques amendemens le projet de décret présenté par le comité de constitution est adopté en supprimant toutefois cette phrase: Décrète qu'à compter de ce jour, aucun député ne pourra se retirer de l'assemblée qu'il n'ait un suppléant anciennement nommé et en état de prendre aussitôt sa place.> La séance est levée à quatre heures et demie.]

PROVINCES.

Il était impossible en jetant un coup d'œil sur la disposition des troupes sur les frontières, sur les opinions que quelques faits manifestèrent, pendant ce mois, parmi ces troupes, sur les tentatives opérées dans l'intérieur de la France; l'espèce de discipline qu'adoptaient les opposans de l'assemblée nationale, et en comparant tous ces actes avec les projets qu'avaient révélés les diverses conspirations avortées, il était impossible de douter qu'il n'existat un centre qui donnait de l'ensemble à tous ces mouvemens, et qui les disposait selon quelque plan inconnu mais positivement arrêté.

Il était en effet remarquable que des corps de troupes considérables restaient accumulés, sans motif connu sur certains points des frontières, sous le commandement de chefs peu favorables à la révolution, à Marseille, à Metz, à Lille, etc. La même chose avait existé à Toulon et à Besançon ; mais l'insurrection avait arraché le pouvoir aux commandans auxquels l'aristocratie pouvait avoir confiance. Car cette inquiétude qu'on éprouvait

à Paris, se répandait rapidement dans les provinces. Un événement imprévu, mais vivement désiré par la population, une imprudence royaliste, vint soustraire la ville de Lille à la domination militaire de la cour.

Plusieurs lettres de Paris avertissaient les Lillois de se tenir sur leurs gardes; qu'il y aurait chez eux une crise meurtrière.... Livarot, Noyelle, fugitif de l'assemblée nationale, Lusson, et cette madame de Clermont-Tonnerre, souvent couchée sur le livre-jaune, n'avaient trouvé rien de mieux à faire qué de distribuer une vingtaine de mille francs dans les cabarets, et d'affranchir la boisson des régimens de cavalerie de l'ex-prince de Condé, la Colonelle-générale, et celui des chasseurs de Nor'mandie, tous deux prévenus d'aristocratie. On voulait commencer la guerre civile à Lille, en les faisant battre contre Royal vaisseau, et la Couronne, deux régimens (infanterie) fidèles à la nation, et tous jacobins.

> La querelle commença par des propos insultans de la part des deux régimens aristocrates attroupés par petits pelotons dans les rues, contre les soldats des deux régimens patriotes; maintes réparations en duel furent demandées à l'instant, et l'affaire devint bientôt animée et si générale, qu'un piquet à cheval des chasseurs, commandé par un capitaine et un lieutenant, chargea, le sabre à la main et au galop, l'infanterie démocrate. Ceci se passait le 7.

› Les deux régimens adverses n'étaient pas tellement aristocrates, qu'il n'y eût parmi eux nombre de soldats de bon sens, très-peu jaloux de se faire fusiller pour conserver à J.-F. Maury, ses 60 mille livres de rente, et à madame de Clermont-Tonnerre, ses places sur le livre-rougė. Le 8 au matin, ils parviennent à obtenir qu'on nommera vingt députés de chaque régiment et un capitaine, pour entrer en négociations; mais les députés des chasseurs de Normandie reçoivent de l'argent de leurs chefs pour boire avec les autres députés. Nouvelle rupture. Un chasseur de Normandie tire un coup de pistolet à un sergent-major de la Couronne. En le manquant, il tue la sen

tinelle du maire de la ville; un autre chasseur du même corps attaque un grenadier, le sabre d'une main, et de l'autre lui tire un coup de pistolet ; ce qui fait crier aux armes. Les soldats de la Colonelle-générale veulent s'emparer de l'Arsenal; ils sont repoussés deux fois. Quelques soldats des régimens patriotes se rassemblent d'abord en désordre sur la place d'armes; les offi ciers des deux corps s'y rendent avec leurs troupes, et les mettent en bataille. Les chasseurs à cheval, par deux différentes reprises, ayant à leur tête des officiers, et une colonne de la Colonelle-générale, se présentent pour s'emparer de la place, et se retirent en voyant la contenance des deux régimens. (D'autres rapports disent que ceux-ci firent feu.)... Alors les chasseurs et la Colonnelle-générale se retranchent à la citadelle avec Livarot. Dans les différentes escarmouches, trente hommes des deux régimens aristocrates ont été tués.... A onze heures du soir, Livarot envoie ordre aux deux régimens patriotes de partir le lendemain; mais dix mille bourgeois sont aussitôt sous les armes.... La garde nationale demande des ordres à d'Orgerès, son commandant général. Il répond comme d'Estaing à Versailles, le 5 octobre, qu'il n'en a point à donner. On le traite comme il le mérite, comme un aristocrate fieffé. On retire les clefs de la ville, des mains de Montrozier, autre aristocrate, et on va les déposer chez le máire. Fitz-James, Lusson, avec le lieutenant-colonel et le major des deux régimens séduits, prennent la fuite. Les patriotes des deux régimens enfermés dans la citadelle prennent le dessus; ils envoient au maire leur serment civique; ils arrêtent l'indigne commandant Livarot, et le retiennent prisonnier.-Chers Lillois, chers camarades de Royal-vaisseau et de la Couronne, recevez les embrassemens patriotiques des Parisiens, des Marseillais, des Bretons, des Dauphinois et de tous les bons citoyens des 83 départemens. › (Révolutions de France et de Brabant.)

Le plan de M. de la Tour-du-Pin, ajoute le correspondant de Desmoulins, en incorporant un tiers des régimens, en supprimant un tiers des états-majors, en faisant une nombreuse promotion, tirait de l'armée une grande quantité d'officiers ennemis

de l'assemblée nationale; il réunissait en plus grand nombre les soldats qui sont en général bons citoyens.... Le Necker l'a parfaitement senti, ainsi que son ami Saint-Priest.... Au reste mon cher procureur-général, ce qui vient de se passer à Lille, se prépare à Metz, à Douai, à Valenciennes, à Strasbourg, à Besançon, à Marseille, à Bayome, à Montauban, etc. Les Bouillé, les Esterhazy, les Mirau et tous les commandans des villes que j'ai nommées, ne sont que des confrères de Livarot...>

En effet, Bouillé qui commandait à Metz, ne tarda pas à montrer ses dispositions. Les gardes nationales des différentes villes de la Lorraine continuaient à fraterniser entre elles; des députations partaient pour Metz; une députation de la milice citoyenne de cette place, fut envoyée hors des murs pour les recevoir; et pendant ce temps, on préparait une fête dans l'intérieur. Alors Bouillé, effrayé ou feignant de l'être, fit mettre ses troupes étrangères sous les armes; il fit distribuer des cartouches; la porte fut fermée aux gardes nationaux réunis, lorsqu'ils se présentèrent pour entrer dans la ville, bien qu'ils fussent sans armes, et en même temps les rues furent nétoyées par des charges de cavalerie, cet événement arriva le 16 avril.

Les faits de ce genre venaient confirmer les craintes, et donner une sorte de certitude aux soupçons de la presse patriote; aussi ne cessait-elle de crier : "Citoyens, prenez garde à vous! citoyens, soyez attentifs! Les confédérations de garde nationale continuaient donc à se former; celle de Cahors se fédérait avec celle de Brives, celles du Lyonnais avec celles du Dauphiné, celles d'Orange avec celles du Languedoc, du Dauphiné, celles de Rochefort, celles de l'Agénois, celles de Picardie, etc. Chaque réunion donnait lieu à une fête, à un serment, et à une proclamation. En même temps, des sociétés des Amis de la constitution se fondaient dans les villes; ailleurs, c'étaient des sociétés de surveillance. Les citoyens cherchaient à se sauver eux-mêmes. A Marseille, la garde nationale s'accroissait en nombre, et devenait chaque jour plus hostile aux commandans de la garnison. Les soldats en effet, fraternisaient avec elle. Les sous-officiers du régiment auquel ap

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