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ment, ainsi tout est fait; ainsi ce serment est rempli. On nous amènerait à éterniser nos fonctions si on nous empêchait de ren→ dre compte à nos commettans.... Nous ne pouvons pas dire au peuple qui nous a chargés de le représenter, que nous lui avons ôté le droit de nous donner des successeurs. Il est digne des fon dateurs de la liberté, de respecter cette liberté dans la nation tout entière... Je m'oppose à tout décret qui limiterait le droit du peuple sur ses représentans. Ce n'est pas aux enfans à s'élever contre l'autorité des pères, nous ici sommes guidés par une piété filiale, qui nous dit que la nation est au-dessus de nous, et que nous détruirions notre autorité en limitant l'autorité nationale.

M. Desmeuniers. Je prie M. le président de m'accorder la parole, quoique ce ne soit pas mon tour, pour rappeler uniquement des faits qui peuvent être utiles à l'assemblée. Sans entrer dans ce qu'a dit le préopinant, j'ose assurer qu'il a avancé sophisme sur sophisme.

M. d'Espremenil. Je ne réponds pas par un sophisme, lorsque je rappelle à M. Desmeuniers que les pouvoirs des députés de Paris finissent le 1er de mai.

M. Desmeuniers. Le comité de constitution, avant de vous présenter son projet de décret, a cherché à connaître le nombre des éputés dont les pouvoirs sont bornés à une année : il n'y a que cinq députations qui se trouvent dans ce cas; encore les pouvoirs de l'une d'elles ont-ils été changés depuis. Je dois citer un second fait qui abrégera beaucoup les discussions. Le préopinant a donné une définition très-fausse d'une convention nationale. Il a dit que c'était une assemblée chargée de créer la constitution. Mais il y a une autre espèce de convention, celle qui doit réformer la constitution. Il aurait pu nous dire, puisqu'il se livrait à des citations historiques, qu'en Amérique nous avons vu deux conventions nationales, de nature différente. La première eut pour objet de former le gouvernement de ces républiques. La seconde n'a plus créé ; mais son but a été de revoir et de réformer le gouvernement qui avait été créé. Il est donc bien évident qu'il peut exister des conventions nationales pour réformer la constitution. C'est en

partant d'une fausse supposition que le préopinant a dit que la convention pouvait détrôner le roi : dans nos principes, elle ne le pouvait pas.

M. le président. J'observe à l'opinant qu'il n'a obtenu la parole que pour exposer des faits, et qu'il ne doit point discuter le fond de la question.

M. Pétion de Villeneuve. Ce n'est pas sans dessein sans doute qu'on vous a demandé si vous entendiez vous éterniser dans le poste périlleux que vous occupez; si vous vouliez vous élever audessus de la nation. Je demande à mon tour s'il n'est pas étonnant qu'on fasse dans cette assemblée de pareilles interpellations, à cette assemblée qui a reconnu que tous les pouvoirs émanent du peuple. On a dit que vous hasardez pour la première fois cette distinction d'assemblée nationale et de législature. Cette distinction est dans tous nos décrets, elle existe dans la différence qu'on reconnaît entre la sanction et l'acceptation. Je demande s'il y aurait un état plus funeste que celui où chaque année on pourrait changer la forme du gouvernement; n'avoir pas de constitution, ou en avoir une aussi mobile, c'est absolument la même chose. Je répondrai au 'préopinant sur ce qu'il a dit de l'Angleterre que le parlement de la Grande-Bretagne ne change rien à la constitution; qu'il fait seulement des actes législatifs, et que cette constitution, toute vicieuse qu'elle est, ne cessera pas de l'être tant que l'Angleterre n'aura pas établi une convention nationale. On a cité le sénat de Suède, qui n'était précisément si dangereux que parce que c'est une convention perpétuelle. Et nos législatures seraient des conventions perpétuelles, si elles pouvaient toucher à la constitution. On ne veut pas de conventions nationales, et l'on veut à la fois que toutes les législatures soient des conventions; je passe maintenant à la question dont on n'aurait pas dû s'écarter. Les pouvoirs peuvent-ils être limités?

Vous êtes autorisés, par le vœu même de vos commettans, à prolonger vos pouvoirs. Ils vous ont envoyés pour réformer les abus de la constitution. Ils ont cru qu'à une époque déterminée vos travaux seraient achevés. Je demande maintenant si la cons

titution est faite. On prétend que les grandes bases de la constitution sont posées. Sans doute: mais vous avez encore le pouvoir judiciaire à organiser, etc.... J'adopte le projet de décret.

M. Garat l'aîné, Si je n'écoutais que les sentimens de mon cœur, je ne me joindrais pas à M. Pétion pour combattre M. l'abbé Maury. Je me surprends souvent dans mes momens solitaires à pousser de profonds soupirs vers ma famille et vers ma patrie. L'un et l'autre m'appellent : mais je dois les faire taire, quand la voix de la nation me parle. Je crois, je me suis du moins flatté que je pourrais suivre pas à pas M. l'abbé Maury dans ses raisonnemens.

Qu'est-ce que nous étions d'abord, a dit M. l'abbé Maury? Des députés de bailliage. Que sommes-nous devenus? Des représentans de la nation. Comment sommes-nous devenus représentans de la nation? Par notre réunion. Jusqu'ici nous sommes d'accord; mais, demande M. l'abbé Maury, quand nous sommes devenus représentans de la nation, notre titre de députés de baillage s'est-il évanoui? Non, dit M. l'abbé Maury; et moi je dis non comme lui. Mais ce titre n'est-il pas resté prédominant sur le dernier? M. l'abbé Maury dit oui, et moi je dis non. Voyons maintenant laquelle des deux propositions est la vraie. Deux titres se confondent sur nos têtes, celui de mandataires de bailliage, et celui de représentans de la nation. Au sens seul propre à ces deux mots, à l'effet qu'ils ont dû faire sur les oreilles de M. l'abbé Maury, M. l'abbé Maury n'a-t-il pas senti....

M. l'abbé Maury. Pourquoi me nommez-vous?

M. Garat. Je reconnais que je suis tombé dans une sorte d'incongruité en nommant M. l'abbé Maury; mais je promets de ne plus le nommer, car rien ne coûterait plus à mon cœur que de déplaire à quelqu'un dans cette assemblée. Je reprends mon observation et je demande comment il est possible que l'honorable préopinant ait supposé que le premier, le plus mince de ces deux titres était prédominant sur l'autre. Je le combats ensuite par une autorité qu'il ne récusera pas, par l'autorité de nos cahiers : d'un côté j'y vois les pétitions particulières de nos bailliages; de l'autre,

l'abandon de ces mêmes pétitions à nos lumières, à notre conscience. Voyez comme nos commettans eux-mêmes ont distingué le mandataire du bailliage et le représentant de la nation. Le mandataire du bailliage doit présenter la pétition et peut, d'après sa conscience, comme représentant de la nation, opiner contre cette pétition. Je crois ces observations bien contraires à cette première partie de l'argumentation du préopinant. Il a mis ensuite en opposition notre serment au bailliage avec le serment que nous avons prononcé comme représentans de la nation dans la journée mémorable du 20 juin : c'est le premier, dit-il, qui doit être prédominant. Rien n'est plus vrai que ce principe; mais ce principe suppose opposition, ou bien il ne s'applique à rien : or, ici il n'y a pas d'opposition; le second serment est confirmatif du premier. J'invoque encore nos cahiers, et j'y trouve la preuve dont j'ai besoin ; ainsi disparaît la seconde partie de l'argumentation du préopinant. Mais, dit-il, nous sommes étonnés d'entendre des mots nouveaux auxquels le gouvernement n'était pas habitué. Je les sais bien; mais je sais bien aussi qu'il s'y habituera très-aisément. Ce qui me remplit d'une joie patriotique, c'est que notre bon monarque s'y habitue, et qu'il est venu, pour ainsi dire, se mettre à la tête de ceux qui font retentir ces mots consolateurs. Le préopinant a voulu définir ces mots qu'il n'est pas accoutumé à entendre, et qu'il ne paraît pas entendre beaucoup. Il pouvait compter sur son génie, mais ne l'a-t-il pas trompé? Moi, je crois qu'il l'a un peu égaré. Il ne reconnaît point de convention nationale dans un pays où il y a un roi; alors il faudrait que tant qu'on aurait un roi, on restât sous le despotisme, ou qu'on en vint au parti extrême de détrôner un roi. L'honorable membre se soulève lui-même contre cette idée hypothétique; je me soulève, moi, contre cette hypothèse et contre la phrase qu'elle a amenée. Je voudrais que dans cette tribune on ne se servit jamais de ces hypothèses qui affectent toutes les facultés de l'âme. Que l'honorable préopinant veuille donc abandonner l'impossibilité d'une convention nationale, ou son incompatibilité avec un roi. Il est faux qu'une nation ne puisse former une convention

nationale.... Rien de ce qui a pu alarmer l'honorable préopinant n'était à craindre ici. Nous devons donc achever la constitution.... Le préopinant prétend qu'on ne doit pas distinguer les amis des ennemis de la liberté ; il y en avait cependant qui aimaient la li berté pour eux-mêmes, le despotisme et la servitude pour les autres. Parmi ceux-là il y en avait dans un tel état d'abjection, qu'ils semblaient aimer la servitude. Il n'y en aura plus, je l'espère très-fort, de ceux qui aimaient la liberté, c'est-à-dire, le despotisme pour eux et l'esclavage pour les autres; il y en aura quelques-uns encore, mais très-peu. Maintenant, je ne vois plus que deux objections auxquelles je sois obligé de répondre; la mission du mandataire de la nation était limitée à un terme; son serment le lie à ce terme. Ce terme arrivé, il devient un homme isolé. Le serment du mandataire a-t-il bien porté sur le terme du délai? il n'a porté que sur ccci, remplir avec fidélité les fonctions dont nous étions chargés. Je vais parler ici le langage de mon état ; c'est le prêtre de la justice qui va répondre au ministre de la religion. Dans les principes du droit civil, la stipulation du délai d'une mission à deux caractères : le délai est ou fatal ou comminatoire. Est-il fatal? Je l'avoue, alors le terme expiré, la mission cesse. N'est-il que comminatoire? Le terme expiré, la mission peut continuer. Comment distingue-t-on ces deux caractères? Ou les objets tracés par la mission paraissent évidemment pouvoir se remplacer dans le terme prescrit; alors on croit le délai fatal : ou la nature de la mission est telle qu'il soit possible qu'il y ait impossibilité de la remplir dans le délai, et ce délai énoncé vaguement est comminatoire. Ces développemens mé páraissent si simples, et la justesse d'esprit du préopinant est si connue, qu'assurément il ne persistera pas dans son erreur. Me voici arrivé à la dernière objection. De ce que nous disons que les assemblées subséquentes seront de simples législatures, s'ensuitil que nous voulions gêner la volonté de la nation, nous usons du pouvoir que la nation nous a confié, quand elle nous à dit : + Faites une constitution», c'est-à-dire, faites des règles sur lesquelles je puissé m'asseoir pendant des siècles.... J'adopte le projet de décret.

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