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M. l'abbé Maury. Il faut envoyer ces gens-là au Châtelet. (Extrême agitation des voisins de M. l'abbé Maury, grands cris, menaces du geste et de la voix.)

M. le président. Quand on se permet d'interrompre un opinant, de l'interrompre avec violence, ce n'est pas à cet opinant que l'on manque, mais à toute l'assemblée. M. l'abbé, je vous rappelle à l'ordre,

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M. Chapelier. Nous parlons dans ce moment d'après la connaissance des mouvemens qui se font dans les provinces. Ne craignons pas que l'on dise que nous voulons perpétuer notre mission: au zèle que nous mettons dans nos travaux, à la fréquence de nos séances, le public ne se laisse pas tromper ; il sait ce que coûte à chacun de nous un an d'absence, loin de sa famille, Join de ses affaires, et que si nous écoutions notre intérêt particulier, nous demanderions bientôt à nous retirer dans notre patrie; mais nous nous devons à l'Etat.... Il est impossible que la constitution ne soit pas faite par une seule assemblée ; il est impossible qu'elle le soit par deux. Nous ne pouvons encore indiquer la fin de nos travaux ; mais dans bien peu de mois nous déterminerons cette époque. Il serait d'ailleurs peut-être impossible de faire en ce moment les élections dans les assemblées qui vont se former: aucun département n'est encore en état de déterminer le nombre de députés qu'il devra fournir, parce que le calcul des bases sur lesquelles la proportion doit être établie, n'est point encore fait.... Une autre question se présente : plusieurs députés ont des pouvoirs limités; il est impossible qu'ils soient remplacés à l'expiration de leurs pouvoirs. Si cependant ils se retiraient, l'assemblée ne devrait point s'en apercevoir; elle n'en serait pas moins complète et légale. Chaque député n'est pas le député d'un bailliage; mais nous verrions avec regret des collègues éclairés s'éloigner de nous. Ces principes nous assurent l'avantage de les conserver. Les mandats donnés pour une année avaient pour objet la réforme de la constitution; les commettans croyaient que l'année serait suffisante; c'est à cette clause intégrale que toutes les autres clauses sont soumises; c'est elle qui fixe l'étendue et la durée des pouvoirs. On dit que le mot de

constitution ne se trouve pas dans les pouvoirs; mais tous les cahiers exigent la réforme des abus, et cette réforme ne pouvait se faire que par la constitution. La constitution est com> mencée; tous les citoyens, en prêtant le serment civique, y ont donné une adhésion formelle. Il y a plus ; lorsque cette assemblée fut attaquée par le despotisme, vous prêtâtes tous serment de ne vous séparer que lorsque la constitution serait achevée : ce serment fut applaudi de toutes parts, et la nation, en l'applaudissant s'est liée à son exécution. Comment, d'ailleurs, les élections pourraient-elles être faites? Les anciens électeurs n'existent plus, les bailliages sont confondus dans les départemens, les ordres ne sont plus séparés. La clause de la limitation des pouvoirs devient donc sans valeur; il serait done contraire aux principes de la constitution que les députés dont les mandats en sont frappés, ne restassent pas dans cette assemblée : leur serment leur commande d'y rester, l'intérêt public l'exige,

Le comité de constitution m'a chargé de vous présenter le pro jet de décret suivant ;

« L'assemblée nationale déclare que les assemblées qui vont avoir lieu pour la formation des corps administratifs dans les départemens et les districts, ne doivent pas en ce moment s'occuper de l'élection de nouveaux députés à l'assemblée nationale; cette élection ne peut avoir lieu que lorsque la constitution sera prête à être achevée, et qu'à cette époque, impossible à déterminer précisément, mais très-rapprochée, l'assemblée nationale s'empressera de faire connaître le jour où les assemblées électorales se réuniront pour élire les députés à la première législature. Déclare aussi qu'attendu que les commettans de quelques députés, n'ont pu donner pouvoir de ne pas travailler à toute la constitution, et qu'attendu le serment fait le 20 juin par les représentans de la nation, et approuvé par elle de ne point se séparer que la constitution ne fut faite, elle regarde comme toujours subsistans jusqu'à la fin de la constitution, les pouvoirs limitatifs dont quelques membres seraient porteurs. Décrète en conséquence, qu'à compter de ce jour aucun député ne pourra se retirer de l'assem

blée nationale, qu'il n'ait un suppléant anciennement nommé, et en état de prendre aussitôt sa place. Ordonne que son président se retirera dans le jour par-devers le roi, pour présenter le présent décret à sa sanction, et le supplier de donner les ordres pour qu'il soit le plus promptement possible envoyé à toutes les assemblées électorales, et aux commissaires nommés pour la formation des départemens.>

M. l'abbé Maury. Le projet de décret qui vient de vous être présenté, embrasse les plus grandes questions de droit public. Dans quel sens sommes-nous représentans de la nation? Jusqu'où s'étendent nos pouvoirs et nos mandats? Quelle différence y at-il entre une assemblée constituante et des législatures? Jusqu'à quel point pouvons-nous exercer nos pouvoirs sur la nation? Voilà les questions qu'il faut examiner.

Dans quel sens sommes-nous représentans de la nation? Certes, nous ne devrions, pas nous faire cette question pour la première fois. La nation, convoquée par le roi dans les bailliages, nous a donné nos pouvoirs. Chacun de nous, député par son bailliage, n'était député que de son bailliage; en arrivant ici, il a pris un plus grand caractère, il est devenu le représentant de la nation par la réunion de tous les députés. Cette qualité de représentant n'a pas supprimé celle de représentant de bailliages sans lesquels chacun de nous n'aurait rien été. La deuxième mission suppose nécessairement la première. Le représentant de la nation ne doit pas oublier qu'il est député, et par qui il est député. On nous environne de sophismes; on parle du serment prononcé le 20 juin, et l'on ne songe pas que ce serment ne peut anéantir celui que nous avons fait à nos commettans! Les sermens subséquens n'anéantissent jamais un premier serment.... Je le demande à tous les citoyens qui respectent la foi publique, peut-on exister comme mandataire après que le mandat est expiré? Le terme fixé par nos commettans, une fois arrivé, nous devons rentrer dans la classe des simples citoyens. Cette première question étant éclaircie, fixons nos regards sur une distinction qu'on n'avait fait qu'insinuer dans cette assemblée. Je parle de la différence entre l'as

semblée nationale et la législature. Vous voyez qu'il a fallu créer des mots nouveaux pour expliquer des idées inconnues à notre gouvernement : l'acception de ces mots ne peut être équivoque. Qu'est-ce qu'une convention nationale? C'est une assemblée représentant une nation entière qui, n'ayant pas de gouvernement, a investi ses députés des pouvoirs nécessaires pour lui en donner un. Je trouve dans l'histoire deux exemples qui appuient cette définition.

En 1607, Élisabeth, reine d'Angleterre mourut. Le roi d'Écosse fut appelé au trône : il s'agit alors de savoir comment l'Écosse serait régie; si elle aurait un souverain particulier, ou si elle serait réunie à l'Angleterre. Les Écossais s'assemblèrent pour juger cette question. Voilà une convention nationale. Jacques II ayant abandonné Londres et quitté ses États, le parlement s'assembla pour pourvoir à remplacer le souverain, qui, par sa fuite, avait, disait-on, abdiqué la couronne, et pour organiser un nouveau gouvernement. Vous voyez que, toutes les fois qu'un roi est sur le trône, une assemblée convoquée par ce roi ne peut être une convention nationale (il s'élève des murmures). Cette démonstration n'est point systématique, elle porte un caractère d'évidence auquel vous ne refuserez point votre assentiment. Pour qu'il y eût en France une assemblée nationale, il aurait fallu que la nation entière, soulevée contre le gouvernement, et non contente de son roi, eût donné de pleins pouvoirs, en oubliant qu'elle avait un roi. Si elle a promis de respecter tous vos décrets, vous avez le droit de déclarer le trône vacant (il s'élève de nouveaux murmures). La doctrine que j'ai l'honneur de vous présenter, peut devenir un grand et important objet de délibération. J'espère qu'on va saisir aisément la différence que j'ai voulu établir. S'il est vrai que, sous quelque rapport que ce puisse être, votre pouvoir ait des bornes, vous n'êtes pas une convention nationale; s'il est illimité, vous pouvez bouleverser tout l'empire. J'engage tous nos adversaires à combattre ce principe. On dit que vous êtes corps constituant, et que les assemblées subséquentes ne seront simplement que des législatures. Ce n'est ni dans la saine raison, ni

T. Y.

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dans le droit public qu'on a trouvé cette subtile distinction. Le parlement d'Angleterre, depuis Jean-sans-Terre, a toujours eu les mêmes pouvoirs; il a toujours eu le droit de s'occuper de législation et de constitution. C'est la Suède qui nous montre l'inconvénient de ces corps qui peuvent donner des lois à une nation entière. C'est ce sénat sanguinaire qu'il a fallu anéantir quand les Suédois ont voulu être libres... Est-ce dans nos décrets que les législatures étudieront leur pouvoir ? est-ce dans les procès-verbaux des anciens États-généraux que nous avons cherché les nôtres? Voici ma profession de foi bien solennelle, Je pense que nous devons obéir fidèlement à la constitution que vous avez décrétée, parce que sans cette obéissance nous tomberions dans la plus horrible anarchie. Mais vous ne pouvez limiter les pouvoirs de vos successeurs. Ce n'est pas à nous de leur dire comme Dieu dit aux flots de la mer: Vous irez là et vous n'irez pas plus loin. Vous porterez atteinte aux droits de la nation: tout ce qui limiterait les pouvoirs de vos successeurs enchaînerait la liberté politique.... On vous rappelle le serment que vous avez fait de ne point vous séparer que la constitution ne fût finie. Mais la constitution est la distribution des pouvoirs ; le pouvoir législatif est bien reconnu, la nation est rentrée dans ce pouvoir; elle est également rentrée dans sa liberté. On se sert de ce mot liberté comme indiquant une secte particulière : il n'y a point d'ennemi de la liberté, Tout le monde aime la liberté; il suffit d'être homme et Français pour la regarder comme le plus précieux des biens. Par votre serment vous avez voulu exister jusqu'à ce que nous eussions assuré les droits de la nation; sous ce rapport la constitution est faite. Quant au pouvoir exécutif, sans son intégrité il n'y a pas de liberté. On a dit: est-ce l'armée qui forme le pouvoir exécutif? Attendez que l'armée soit organisée. Sont-ce les tribunaux? attendez que les tribunaux soient établis; ce sont là des sophismes brillans, mais non pas des raisons. Ce que nous avions à faire relativement au pouvoir exécutif, c'était d'assurer notre liberté, elle est assurée. C'était d'établir que l'impôt serait désormais consenti par le peuple? Aucun ministre n'osera jamais en établir sans ce consente

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