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tisme, et trahie par ceux qui la professent; je vous supplie de ne pas rendre un décret qui peut la compromettre, au lieu de propager ses succès dans tout l'univers, comme vos décrets propagent ceux de la liberté. En ajournant, vous déjouerez les ennemis qui attendent le décret, pour s'en servir contre le peuple et contre la religion même. Pour nous convaincre du danger d'adopter cette motion dans les circonstances actuelles ; je ne dirai plus qu'un mot; c'est dans un moment pareil qu'elle a déjà été faite; c'est quand l'opinion se formait sur une matière qui intéressait les ecclésias tiques, que le clergé en corps a appelé le fanatisme à la défense des abus.

M. de Mirabeau l'aîné demande la parole.

La partie droite demande qu'on aille aux voix, et se lève. M. le président observe que vingt personnes sont inscrites sur la liste de la parole, avant M. de Mirabeau,

Quelques membres demandent que la discussion soit remise à demain, toutes choses en état.

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Cette proposition est mise aux voix. La première épreuve est douteuse. A la seconde, le président prononce la remise de la discussion, et lève la séance. Tout le monde quitte les bancs, - La droite réclame l'appel nominal, et proteste contre la levée de la séance.

- La

Le président met aux voix si la séance doit être levée. majorité est pour l'affirmative.

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La partie droite se remet en place. Le président et les secrétaires quittent le bureau. MM. de Foucault et d'Espremenil parlent avec action. On ne peut les entendre. Après une assez longue insistance, la partie droite quitte les bancs et se retire peu à peu. Il est cinq heures et demie. 1

-

Cette séance eut nn certain retentissement dans Paris. Déjà on était irrité de la persistance du côté droit à remettre en question une chose qui semblait décidée. La proposition de Dom Gerles était considérée comme une imprudence, un moyen fourni à l'opposition pour tromper le peuple. Il est curieux de

voir comment cette affaire est racontée par le plus incrédule des journalistes de cette époque.

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J.-F. Maury sortit de la séance, në se sentant pas d'aise, et si content de lui-même qu'il ne put s'empêcher de dire sur la terrasse des Tuileries: « Cette fois, ils ne peuvent nous échap per. Cette motion de dom Gerles est une mêche allumée sur un baril de poudre. Huit jours avant, il avait été se vanter égale ment au séminaire de Sainte-Barbe, que l'église né perdrait pas un pouce de terrain, en dépit de l'assemblée nationale. Cette intempérance de langue, faillit lui être fatale. Trop de confiance nuit toujours. J. F. ne savait pas que le lendemain, il ferait une figure bien différente. Mais n'anticipons pas sur les événemens.

Le soir (du 12 avril), assemblée générale des aristocrâtes aux Capucins de la rue Saint-Honoré. Là, Montlausier lit le plan d'attaque pour le lendemain. Tous les noirs se rendront à la salle, à neuf heures du matin. Quatre membres seulement parleront, Maury, Cazalès, Mirabeau cadet et Montlausier; ils tâcheront d'obtenir le décret que la religion catholique, mot qui veut dire la religion de toute la terre, sera la religion de France; comme si le tout ne renfermait pas la partie! ils écarteront tout amendement; ils ne souffriront point la question préalable. S'ils ne reussissent point, ils déposeront la protestation qu'ils ont tous signée, et qu'ils jarent de soutenir au péril de leur vie. Ils se rendroni alors chez le roi, pour avoir sa sanction; de là ils se répandront dans les rues, dans les places, pour instruire le peuple du dañger qui menace la religion. Maury ajouta : Si le roi refuse dé prendre la querelle du ciel, s'il laisse à Dieu le soin de discerner să cause, alors nous écrirons aux provinces par quel prince faible nous sommes gouvernés.

Non loin de là les patriotes de leur côté étaient assemblés aux Jacobins, où la commotion excitée par la demande de dom Gerles ne se faisait pas moins sentir. Dom Gerles se désolait de sa motion inconsidérée; il promettait de la retirer le lendemain. Mais il avait servi notre cause mieux qu'il ne le pensait, et cette

secousse devait réveiller le patriotisme des Parisiens, qui semblait sommeiller depuis quelque temps.

› Sur les neuf heures et demie du soir, le comité civil du district des Feuillans fut instruit par les Capucins que, malgré eux, il se tenait dans le chœur de leur église, un conciliabule d'aristocrates, uniquement composé de tous les noirs de l'assemblée nationale; que l'assemblée nocturne réunissait tous les caractères effrayans d'un attroupement séditieux et d'un sabbat, et allait enlever à l'ordre séraphique sa réputation de patriotisme.... ...Le lendemain, dès le matin, un des rédacteurs de la Chronique de Paris, M. Millin de Grandmaison, sonne la trompette; ou plutôt les trois cents trompettes patriotiques des colporteurs proclamèrent la feuille intitulée: Assemblée des aristocrates aux Capucins. Nouveau complot découvert. Il n'en fallait pas davantage pour mettre Paris en mouvement et rallier tous les bons citoyens autour du congrès; et les aristocrates, en traversant ces groupes d'amateurs et ces haies de soldats pour aller s'asseoir sur les bancs de la droite, virent bien que J.-F. Maury leur en avait imposé sur la disposition des esprits et le succès de la prédication des apôtres dans le faubourg Saint-Antoine. » (Révolutions de France et de Brabant.)

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Chronique de Paris. Hier, sur les neuf heures et demie du soir, les commissaires du comité civil des Feuillans, ayant été instruits qu'il se tenait, dans le chœur de l'église des Capucins, une assemblée très-nombreuse et qui réunissait tous les caractères effrayans d'un attroupement, se sont transportés sur-le-champ à l'hôtel-de-ville pour faire le rapport à M. le maire et au comité de police. Sur les ordres de M. le maire, M. Duport-Dutertre s'est rendu, vers les onze heures, aux Capucins avec lesdits commissaires, accompagné de M. Mishaux, officier, et de plusieurs volontaires de la garde nationale. Ils ont trouvé l'assemblée dissoute; mais ils ont appris et des religieux et de plusieurs soldats de la garde nationale qui avaient été témoins de l'assemblée," qu'elle s'était tenue dans cet endroit contre le gré des religieux; qu'elle était composée d'environ deux cents per

sonnes, tous députés à l'assemblée nationale, parmi lesquels se trouvaient MM. de Montlausier, l'archevêque de Toulouse, l'évêque de Nancy, l'abbé Maury, d'Espremenil, de Cazalès, le comte Foucault, de Virieu, le vicomte Mirabeau, etc.; qu'il avait été arrêté dans cette assemblée, que si l'on ne parvenait pas à faire passer la motion relative à la déclaration sur la religion, on ferait une protestation qu'on porterait aussitôt au roi, et dont on répandrait des exemplaires, avec la plus grande profusion dans Paris et dans tout le royaume. >

MM. Bailly et la Fayette ne furent pas prévenus seulement de ce qui se passait le 12 au soir aux Capucins, mais encore de ce qu'on disait aux Jacobins ; ils apprirent que les cafés du PalaisRoyal étaient très-animés et qu'on s'était promis de se porter en foule autour du palais de l'assemblée. Ils savaient que le district des Cordeliers, instruit aussi bien qu'eux de cette réunion du côté droit, décidait que les citoyens non enrôlés reprendraient les armes, et se tiendraient prêts à seconder la garde nationale. En conséquence, les deux magistrats craignirent une collision; ils craignirent que les délibérations de l'assemblée ne fussent troublées, et ses membres insultés. En conséquence, ils ordonnèrent que tous les postes fussent doublés et réunirent des forces assez considérables autour de la salle des séances.

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Toutes les avenues de la salle étaient garnies de troupes. Une affluence prodigieuse encombrait tout l'espace libre de soldats, remplissait les Tuileries et le Palais-Royal. Cet attroupement était, en très-grande majorité, composé de bourgeois, à en juger par le costume. ‹ L'impatience était extrême, le silence profond et l'inquiétude universelle, dit un journal; quelques propos sur le danger que courait la religion, furent inutilement hasardés; on y répondit par cet argument plus vrai que poliment exprimé : Ces calotins et ces insolens de nobles n'ont aucun droit d'être à l'assemblée nationale; ils ne représentent pas la nation, puisqu'elle ne les a pas choisis ; ils ne représentent pas des ordres, puisqu'il

n'y a plus d'ordres. Nous n'aurons point la paix, et l'assemblée nationale ne pourra pas faire sa besogne tant qu'on ne les aura pas chassés: ils ne sont point députés, ce sont des intrus; ils ne sont point inviolables. (Révolutions de Paris.) Cependant la séance commençait :

. M. l'abbé...... La question soumise aujourd'hui à votre délibé ration est sans doute la plus importante, la plus essentielle qui puisse occuper une assemblée nationale.-M. l'abbé cherche à établir alors tous les avantages qui résultent de la religion catho lique, tous les liens que cette religion a faits, etc., etc.-On lui observe qu'il n'est pas dans la question: il y rentre.............. Je demande, au nom de tous mes commettans, au nom du clergé de France, au nom de tous les Français, qu'il soit décrété que l'exercice public de la religion continuera seul à être maintenu comme une loi constitutionnelle de l'État.

M. Bouchotte. Certainement la religion est communément le lien qui unit les empires; et, sous ce rapport, la motion de doni Gerles a droit à notre respect, et mérite la plus sévère attention: il serait peut-être juste de la décréter; mais ce qui est juste n'est pas toujours sage. Les siècles actuels jugent les torts des siècles passés : il ne faut pas, autant que possible, que les siècles à venir puissent avoir de grands torts à nous reprocher. Lorsqu'on vous a présenté la question qui vous occupe, il était seulement question de savoir si l'État s'emparerait des biens ecclésiastiques. La motion de dom Gerles ne change rien à l'autre: elle ne rendra ni plus juste ni plus injuste le décret que vous porterez sur les biens du clergé. Sans doute, il est de fait que la religion catholique est la première religion, qu'elle est la religion nationale; et la tendre sollicitude que l'assemblée n'a cessé de témoigner pour assurer l'existence de ses ministres, prouve incontestable, ment le respect qu'elle a pour elle. Mais devez vous prononcer un décret à ce sujet? Non, Messieurs, je ne le crois pas. Déclarez, si yous le voulez, que la religion catholique est votre religion; mais gardez-vous bien de prononcer un décret à ce sujet. Avant de vous le proposer ce décret, vous a-t-on proposé d'annuler toutes

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