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paraître s'occuper d'un intérêt pécuniaire, et d'exprimer un sentiment sordide. Si quelqu'un pouvait se trouver dans une situation aussi délicate, je lui déclare qu'il a droit de compter sur mon intérêt : je compte aussi, Messieurs, sur votre indulgence.

J'examinerai si la proposition qui vous est faite est juste, si elle est utile. Est-elle juste? J'appelle justice le respect dù aux droits légitimement acquis; j'appelle droits légitimement acquis ceux qui établissent une jouissance sanctionnée par la loi. Là loi ne nous a-t-elle pas donné la jouissance usufruitière des biens que nous possédons? On vous dit cependant aujourd'hui que c'est un acte de justice de nous déposséder. On demande si on peut nous ôter nos jouissances; moi, je demande si la loi ne voulait pas que tous les titres fussent remplis ; elle le voulait; on a donc dù nommer aux titres; le collateur eût violé la loi, s'il n'eût pas nommé. Ainsi, si un ecclésiastique n'avait pas eu tel bénéfice, il y aurait eu un criminel, et l'on vous dit que vous serez justes en dépouillant cet ecclésiastique ! Vous attaquez une loi par laquelle vos fils jouissent, en vertu de laquelle vous jouissez d'une partie de la fortune de votre père, parce que votre père vous a peut-être favorisé à cause que votre frère avait une jouissance ecclésiastique.... L'assemblée a fait une grande justice en mettant la dette publique sous la sauvegarde de la loyauté française: elle savait bien cependant qu'il y avait des dettes illégales; mais la crainte seule de commettre une injustice l'a empêchée de faire aucune distinction; et aujourd'hui, parce que notre état est pressant, faut dépouiller cent mille propriétaires usufruitiers, malgré toutes les lois, malgré tous les traités faits avec la société : ils sont ecclésiastiques, il faut peser sur eux. On vous propose donc, pour enrichir l'Etat, un moyen aussi injuste, comme si vous pouviez adopter un moyen déshonorant........ Mais je parle d'un motif plus grand encore; les rentiers ont prêté au clergé à un très-bas intérêt, parce qu'ils avaient une hypothèque sûre, parce qu'ils ne voulaient pas prêter à l'Etat; et on leur dira: vous ne recevrez que quatre pour cent, vous ne serez plus les rentiers du clergé,

T. V.

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il

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vous serez ceux de l'Etat, et vous n'aurez plus d'hypothèques. J'ai de la peine à croire que vous accueilliez un semblable système, et cette opinion se fonde sur mon respect pour cette asseinblée. On me parle de corps-législatif: sans doute son pouvoir est grand; mais il ne peut rien contre les lois qui sont la morale sanctionnée; on parle de corps constituant: eh! la constitution doit-elle se nourrir de chagrins, de malheurs particuliers? Vous allez retourner dans vos foyers: dans quel état trouverez-vous ceux que vous avez laissés en pleine prospérité? Les ecclésiastiques vous diront: la société a rompu toutes ses charges en me laissant les miennes.... Quel génie destructeur a passé sur cet empire? Je crois les sentimens de l'assemblée purs, sincères; mais je crois qu'on l'abuse. Voyez les malheurs qui se répandent; il semble qu'il y a ici le département des douleurs. Il y a quelques hommes qui se sont consacrés à accabler de chagrins leurs concitoyens; dès qu'on les voit paraître dans cette tribune, on dit: Allons, un sacrifice, encore un malheur de plus... Ouvrez nos lois canoniques; elles sont saintes, elles sont éternelles comme la religion elle-même; vous y verrez les dons qu'elle nous commande; vous y verrez que nos biens sont consacrés aux pauvres, et vous direz, les ecclésiastiques ont des devoirs, il faut les leur faire remplir; mais vouloir violer les propriétés, ce serait penser que la nation a le droit de l'injustice. La nation a contracté avec nous: elle romprait tous ses engagemens; elle se servirait de sa force pour dépouiller et pour détruire!... On vous propose un grand projet ; il consiste à prendre et à vendre. Puisque l'Etat a besoin d'une religion, il faut qu'il calcule ses opérations sur les lois de la religion. Si les fonctions du culte étaient confiées à des classes pauvres, la religion y gagnerait-elle ? l'enseignement de la morale serait-il respecté? Il faut que chacun, plaçant son fils dans cette classe, puisse dire : il est véritablement, honorablement placé; or, je demande à vous tous si, le clergé étant réduit à l'état de salarié, vous voudrez y placer vos enfans.... Le magistrat peut quitter la magistrature ; un citoyen attaché au clergé ne peut entrer dans une autre classé : sacerdos in æternum.........

Vous avez habité les campagnes, croyez-vous qu'on puisse comparer les pasteurs qui ont des biens-fonds avec ceux qui n'auront que des traitemens pécuniaires? On vous parle des intérêts de l'agriculture; tous les ouvrages publiés depuis vingt ans prouvent que les biens communaux sont nuisibles à l'agriculture, et on vous propose de vendre aux municipalités : vous voulez ranimer le crédit, se ranimera-t-il quand vous vous entourerez de malheureux?... Qu'allez-vous faire, me disait-on, quand je suis monté dans cette tribune, le sort en est jeté, des comités particuliers ont tout décidé. Eh bien! il faut descendre de cette tribune, et demander au Dieu de nos pères de vous conserver la religion de Saint-Louis, de vous protéger : les plus malheureux ne sont pas ceux qui souffrent l'injustice, mais ceux qui la font.Aux voix! aux voix! (Bruit.)

M. Voidel parle contre les calculs présentés à une précédente séance par l'évêque de Nancy. Son discours est interrompu à chaque mot. Il quitte la tribune au milieu du bruit qui redouble. Aux voix ! voix! crie-t-on encore.

Dom Gerles, chartreux, membre du club des Jacobins, saisit un moment de silence.

Dom Gerles. On vous a dit qu'il y avait un parti pris dans les comités ; j'affirme que dans le comité ecclésiastique on n'en a pris aucun. Pour fermer la bouche à ceux qui calomnient l'assemblée, en disant qu'elle ne veut pas de religion, et pour tranquilliser ceux qui craignent qu'elle n'admette toutes les religions en France, il faut décréter que la religion catholique, apostolique et romaine est et demeurera, pour toujours, la religion de la nation, et que son culte sera le seul autorisé.

Toute la partie droite appuie fortement cette motion.

On réclame l'ordre du jour.

M. de Cazalès. La motion qui nous occupe est elle-même incidente à l'ordre du jour.

"M. Charles de Lameth. Me réservant d'user de la parole, si la "majorité de l'assemblée veut traiter la motion faite par Dom Gerles, je supplie, pour mille raisons que je développerai,

qu'on se rappelle ce que j'ai dit dans une ciréonstance pareille, je supplie de ne pas quitter une question de finance pour une question de théologie. L'assemblée, qui prend toujours pour règle, dans ses décrets, la justice, la morale et les préceptes de l'Evangile, ne craindra pas d'être accusée de vouloir attaquer la religion.

M. l'évêque de Clermont. N'est-il pas affligeant de voir rejeter par des fins de non-recevoir une question de cette importance. Il est de principe que dans l'ordre de la religion on doit la manifester toutes les fois qu'on en est requis. Je m'étonne que dans un royaume catholique on refuse de rendre hommage à la religion catholique, non par une délibération, mais par une acclamation partant des sentimens du cœur.

La partie droite de l'assemblée se lève.

M. de Toulongeon demande avec instance qu'on passe à l'ordre du jour.

M. Goupil de Préfeln. Ce n'est point ici une question de théologie, mais une question de droit public. La religion adoptée par Clovis, la religion de Charlemagne et de saint Louis sera toujours la religion nationale....

On fait lecture de la motion de dom Gerles et d'un amendement conçu en ces termes : Les citoyens non-catholiques jouiront de tous les droits qui leur ont été accordés par les précédens décrets.

La partie droite applaudit et se lève pour manifester le désir qu'elle a de délibérer.

M. Charles de Lameth. A Dieu ne plaise que je vienne combattre une opinion et un sentiment qui est dans le cœur de tous les membres de cette assemblée. Je viens seulement proposer quelques réflexions sur les circonstances, et sur les conséquences qu'on pourrait tirer de la motion qui a été proposée. Lorsque l'assemblée s'occupe d'assurer le culte public, est-ce le moment de présenter une motion qui peut faire douter de ses sentimens religieux? Ne les a-t-elle pas manifestés, quand elle a pris pour base de tous ses décrets la morale de la religion? Qu'a fait l'as

semblée nationale? Elle a fondé la constitution sur cette consolante égalité, si recommandée par l'Évangile ; elle a fondé la constitution sur la fraternité et sur l'amour des hommes; elle a, pour me servir des termes de l'Ecriture, humilié les superbes; › elle a mis sous sa protection les faibles et le peuple, dont les droits étaient méconnus; elle a enfin réalisé, pour le bonheur des hommes, ces paroles de Jésus-Christ lui-même, quand il a dit :

Les premiers deviendront les derniers, les deniers deviendront les premiers; elle les a réalisées; car certainement les personnes qui occupaient le premier rang dans la société, qui possédaient les premiers emplois, ne les posséderont plus. Vous verrez, dans les assemblées populaires, si l'opulence obtiendra les suffrages du peuple....

M. de Rochebrune demande qu'on fasse revenir l'opinant à l'ordre de la discussion.

M. Charles de Lameth continue. Je me croyais obligé de développer ces idées, pour vous prouver quela motion est inutile par rapport au peuple; mais je voudrais que ceux qui montrent tant de zèle pour la religion, en montrassent autant pour arrêter ce débordement de livres impies, où l'on attaque tout à la fois, la religion sainte et la liberté sacrée. On a publié, dans la quinzaine de Pâques, un libelle infâme, que j'ose à peine nommer, il est intitulé: la Passion de Louis XVI.... La motion proposée serait dangereuse. Dans ce moment on nous instruit de toules parts, des efforts des ennemis publics. On nous apprend qu'à Lille les soldats sont armés contre les citoyens; que dans quelques pro vinces on veut armer les citoyens contre les protestans. Vous savez combien on a abusé de vos décrets, en les altérant, et vous ne craindriez pas que dans les provinces, que dans le Languedoc notamment où on a tenté une guerre de religion, l'on ne renouvelât cet abus funeste. N'est-il donc pas dangereux de décréter quelque chose sur cette motion? Alors on paraîtrait s'autoriser même de l'assemblée nationale, et au lieu de porter la lumière à nos frères, nous porterions le glaive dans leur sein, au nom et de la part de Dieu.Craignons de voir la religion invoquée par le fana

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