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à augmenter le discrédit de la caisse d'escompte, pour vous forcer à vous écarter des lois de l'honneur. Je tâcherai de faire céder mon indignation, et de discuter à fond, s'il est possible, une question de cette nature. Le comité rassemble deux choses incompatibles, l'intérêt et la qualité de monnaie. L'intérêt est le prix du retard d'un paiement : quand un papier est papier-monnaie, il n'y a pas de retard; intérêt et monnaie sont donc deux idées qui se repoussent, et qui, sans une absurdité palpable, ne peuvent être réunies. Si je considérais 400 millions de papiermonnaie comme une augmentation de numéraire, il me serait aisé de prouver que ce papier nécessitera une augmentation dans le prix des denrées, et dans ce moment toute augmentation de cette nature est un malheur certain. Si je l'envisageais dans ses rapports avec l'étranger, je démontrerais que c'est la plus désastreuse des opérations; dans ses rapports avec l'intérieur du royaume, que la création d'un papier-monnaie est une véritable banqueroute, qu'elle est de toutes les banqueroutes la plus odieuse; qu'elle corrompra la masse entière de la nation, et y portera une immoralité qui rendra le peuple français le plus vil des peuples du monde..... Le créancier de l'Etat, obligé de recevoir du papier-monnaie à la place du titre de sa créance, ne pourra l'employer que pour la valeur que ce papier aura dans l'opinion; il éprouvera une perte égale à la différence qui se trouvera entre ces deux valeurs.

L'Etat fait banqueroute à celui qu'il paie avec du papier qui perd: de papier en papier, de banqueroute en banqueroute, le papier tombera sur celui qui ne s'est point enrichi avec l'Etat. Il résulte de là que la plus odieuse des manières de faire banqueroute, est celle du papier-monnaie. Cette loi, qui forcerait les Français d'être tous banqueroutiers les uns envers les autres, qui ferait des Français le rebut de toutes les nations, ne serait rachetée par aucun avantage réel. Le gouvernement se verrait obligé de payer la même quantité de dettes. Ceux qui osent vous donner ce conseil, ont-ils prévu que bientôt tous les impôts seront payés en papier-monnaie? Oseront-ils vous proposer de

créer de petits billets, et d'associer ainsi au crédit public le petit peuple, toujours ou trop timide ou trop hardi dans ses démarches? Veulent-ils donc vous exposer à des insurrections de tous les jours, commandées par le désespoir et par la faim? Telles sont les suites nécessaires des billets d'Etat ou de tout papiermonnaie. Je défie qu'on prouve le contraire.

Pour qu'un papier-monnaie reste à la hauteur du titre de la création, il faut un grand crédit dans le gouvernement; il faut une grande confiance. Examinons si nous sommes dans des circonstances qui puissent nous faire espérer ces grands effets du crédit et de la confiance publique. Le règne des charlatans est passé, et nulle jonglerie financière ne peut désormais en imposer. Le crédit repose sur les bases du gouvernement, sur la liquidation de la dette, sur la perception des impôts. Vous ne pourrez assurer l'impôt tant que le peuple sera armé d'un bout du royaume à l'autre ; tant que vous n'aurez pas rendu au pouvoir exécutif tout le ressort qu'il doit avoir. Si vous ne vous hâtez de rétablir l'autorité du roi, nulle autorité ne forcera les provinces à payer. Vous verrez la dette publique accrue, sans espoir de liquidation; la capitale restera seule écrasée sous le poids du papier que vous aurez créé.

Je vais dire une grande vérité: le désordre continuera tant que le roi ne fera pas partie intégrante du corps-législatif; car, quelle confiance peut-on avoir dans une assemblée qui n'a pas de bornes hors d'elle-même, et dont par conséquent tous les décrets ne sont que de simples résolutions que peut changer aujourd'hui la puissance qui les a créés la veille..... Comment espérer quelque succès d'un papier qui ne sera pas protégé, comme celui de la caisse d'escompte, par l'intérêt des banquiers....... On dit que les provinces demandent des assignats; mais l'autorité de l'assemblée nationale sera impuissante, malgré ce vœeu, pour y forcer la circulation du papier-monnaie. Quand on obéirait, vous verriez commencer un discrédit subit. Alors s'éleveraient des fortunes odieuses, tous les désordres de l'agiotage; vous verriez des hommes vils ramasser dans la bone ce pa

pier discrédité....... On ne doit pas consacrer une loi infâme et pleine de déloyauté. Il n'est pas de circonstance qui puisse engager à abandonner l'honneur. Je demande donc que l'assemblée décrète une émission d'assignats forcés en valeur de 400 millions.

Si par impossible l'assemblée adoptait le projet du comité, je déclare à l'assemblée, et à la face du public qui m'entend, que je proteste en mon nom, au nom de mes commettans, de toutes les provinces du royaume entier, au nom de l'honneur et de la justice, contre le décret ci-dessus indiqué, qui entraîne la ruine du royaume et le déshonneur du nom français.

M. Pétion de Villeneuve. Depuis qu'il est question d'assignats pour suppléer à la rareté du numéraire, on les demande de toutes parts: ils doivent être forcés, Destinés à remplacer la monnaie, il faut qu'ils en aient les attributs, le vœu paraît général. Mais cela ne suffit pas: examinons si les assignats forcés répondent au mal que vous voulez guérir. Les monnaies ne valent que par ce qu'elles représentent; ce sont des valeurs de conven tion: si le papier-monnaie est indispensable, il n'est point immoral, ou bien le salut du peuple n'est pas la suprême loi. On attaque les assignats par une théorie fondée sur l'expérience. Consultons aussi l'expérience. Le papier-monnaie n'a jamais été que représentatif d'une propriété générale, sans représenter jamais une propriété déterminée, sans avoir une hypothèque positive, sans avoir une époque de paiement toujours prévue. En Espagne, à Venise, une longue expérience prouve la bonté de notre théorie. Il faut convenir que les billets de Law. eussent sauvés l'État, si l'émission n'eût été excessive; cependant ses billets et tout autre existant ne ressemblent pas du tout aux assignats. L'or at-il une valeur plus réelle que des biens mis en vente, et des assignats sur la vente de ces biens? Si les assignats restent libres, la cupidité les menace d'une dépréciation considérable; si leur cours est forcé, ils seront dispersés dans une foule de mains, où ils trouveront des défenseurs: le bienfait des assignats sera d'assurer la révolution, de rehausser le prix des ventes, en multipliant les acquéreurs, de ranimer le commerce et les manufac

tures, en ravivant une circulation devenue languissante par la privation de ses agens: ces avantages peuvent-ils être balancés par l'immoralité prétendue des assignats forcés ?... La loi forcera à prendre une valeur pour ce qu'elle vaut réellement ; est-ce une chose odieuse que de partager entre ses créanciers, des prés, des terres, des vignes? est-ce une chose odieuse, que cette manipulation nécessaire pour assurer ce partage? est-ce autre chose qu'un lingot d'or divisé en pièces de monnaie? est-ce autre chose qu'une lettre de change, dont l'échéance est à la volonté du porteur? qu'un billet portant intérêt, et dont le porteur rétractera à volonté l'échéance ou le remboursement?

Quel intérêt sera attaché au papier-monnaie? Ce serait une grande faute que de n'y en point attacher du tout. Le meilleur papier, quand il ne rapporte rien, n'est préférable à l'espèce que pour sa commodité. Le papier qui porte intérêt est au contraire préférable sous beaucoup d'autres rapports; il appelle forcément l'argent au lieu de l'éloigner; s'il n'avait pas d'avantage sur l'espèce, l'argent continuerait à se cacher dans les coffres; si l'intérêt était trop fort, il serait à craindre que les assignats ne fussent de même enfouis. Le point également éloigné des deux extrêmes est donc celui auquel vous devez vous fixer. Je proposerais de donner aux assignats trois ou quatre et demi au plus. Quant à la quotité de l'émission, les uns demandent 800 millions, d'autres se bornent à 400: je crois qu'il faut ajouter à la somme décrétée une quantité d'assignats égale aux dettes ecclésiastiques. J'attache aussi un grand prix à l'idée de créer les assignats à ordre.

Je demande donc: 1° une émission de 400 millions; plus, la somme nécessaire pour acquitter les dettes du clergé ; 2o le cours forcé des assignats; 3° l'intérêt à trois pour cent; 4° une émission très-prochaine; 5o que les assignats soient à ordre. (Applaudissemens.)]

Après ce discours, la discussion générale fut fermée, et commença sur les articles présentés par Anson au nom du comité des finances: les trois premiers furent votés ce jour même, et une

seule séance, celle du 17, suffit pour terminer cette loi sur les assignats. Au reste, le projet primitif fut adopté presque sans `modification. La loi fut sanctionnée et publiée le 22, transcrite

en parlement, en vacations, le 4 mai. Le 50 avril, l'assemblée nationale, sur la proposition de son comité, décréta une Adresse. aux Français, destinée à exposer les motifs d'intérêt public qui avaient déterminé cette grande mesure financière. Nous croyons inutile de donner cette adresse, qui ne contient rien qui puisse servir à l'éclaircissement de la question: il n'en est pas de même du décret; en voici le texte:

Louis, par la grâce de Dieu, et par la loi constitutionnelle de l'État, ROI DES FRANÇAIS : à tous ceux qui ces présentes lettres verront; SALUT. L'assemblée nationale a décrété, les 16 et 17 de ce mois, et Nous voulons et ordonnons ce qui suit :

I. A compter de la présente année, les dettes du clergé seront réputées nationales : le trésor public sera chargé d'en acquitter les intérêts et les capitaux.

La nation déclare qu'elle regarde comme créanciers de l'État, tous ceux qui justifieront avoir légalement contracté avec le clergé, et qui seront porteurs de contrats de rentes assignées sur lui. Elle leur affecte et hypothèque en conséquence toutes les propriétés et revenus dont elle peut disposer, ainsi qu'elle fait pour toutes ses autres dettes.

II. Les biens ecclésiastiques qui seront vendus et aliénés, en vertu des décrets des 19 décembre 1789 et 17 mars dernier, sont affranchis et libérés de toute hypothèque de la dette légale du clergé, dont ils étaient ci-devant grevés, et aucune opposition à la vente de ces biens ne pourra être admise de la part desdits créanciers.

III. Les assignats créés par les décrets des 19 et 21 décembre 1789; par Nous sanctionnés, auront cours de monnaie entre toutes personnes dans toute l'étendue du royaume, et seront reçus comme espèces sonnantes dans toutes les caisses publiques et particulières.

T. Y.

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