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Lamonnaie n'est pas représentative des valeurs, mais signe réprésentatif des valeurs.... Le papier-monnaie à intérêt est l'idée la plus contradictoire qui soit entrée dans la tête d'un calculateur. Le papiermonnaie circule essentiellement; s'il portait intérêt, il resterait en stagnation. Le papier-monnaie n'est point un emprunt ; s'il en était un, ce serait le plus désastreux de tous; ce serait l'opération la plus fiscale que l'on ait jamais proposée. Il est indispensable de chercher à ramener tous les effets publics à une valeur égale. Si le papier-monnaie porte intérêt, il éprouvera une perte, précisément parce qu'il portera intérêt. Si cette valeur change, la monnaie n'existe plus; car son attribut est d'avoir une valeur constante ainsi, il est contre l'essence du papier-monnaie de porter intérêt.

Le papier-monnaie est utile, si c'est un supplément pour nos besoins existans; mais aussi il doit cesser à l'instant où le numéraire est revenu. Si le papier ne disparaît pas, le numéraire disparaîtra de nouveau. Le papier-monnaie, dit Hume, peut enrichir un Etat riche; mais il ruinera un État pauvre. La richesse d'un État ne peut être que momentanée. Quand la confiance n'existe pas, le papier-monnaie, qui paraît être le remède à tous les maux, en est le comble. Il ne peut être un moyen de circulation ou d'échange, mais il peut payer les intérêts et servir de moyen pour le remplacement et le déplacement des capitaux. Voilà les principes généraux sur cette matière.

Suivons maintenant ce papier. Allons dans la société où nous l'avons répandu. Qui nous le demande ? Les marchands d'argent, les agens de change, la caisse d'escompte et quelques marchands de province: Sont ce là de grands intérêts auxquels il faille sacrifier la France entière? La caisse d'escompte le désire; parce qu'il deviendra dans ses mains un moyen d'avoir de l'argent. Les agens de change n'ont que du papier, auquel ils voudraient que vous donnassiez la vie. Eh! la vie qu'il aurait reçue serait la mort pour les provinces et pour les campagnes, qui ne savent pas même le nom de nos opérations. Les villes de provinces le demandent, parce qu'elles ne peuvent avoir de l'argent. Eh bien! quel effet y

produira-t-il? Plaçons-le entre le débiteur et le créancier, entre le fabricant et l'ouvrier, entre le consommateur et le propriétaire, vous allez voir les ravages qu'il va produire sous ces différens rapports.

Voici la plus belle question de morale publique qu'il soit possible d'avoir à discuter. Je demande qu'on ne s'arrête pas à quelque expression; qu'on ne me désapprouve point que je n'aie entièrement expliqué ma pensée. Si l'on venait à vous, à vous généreux représentans de la plus loyale des nations; si l'on vous proposait la banqueroute, vous frémiriez d'horreur. Eh bien! c'est pire encore, c'est la mort publique qu'on vous propose. Donnerez-vous un intérêt au papier-monnaie? S'il perd un pour cent, ce sera une banqueroute d'un vingtième. Il perdra; il sera frappé d'un perte inévitable dès le premier jour de sa création. Il peut par la suite éprouver une perte incalculable qui le réduise à rien. Le débiteur sera donc autorisé à faire banqueroute à tous ses créanciers? Tout homme en France qui ne doit rien, et à qui tout est dû, est un homme ruiné par le papier-monnaie.

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Avons-nous le droit de ruiner un seul de nos concitoyens? Non cette immoralité n'est pas dans vos principes; mais ce citoyen se servira de son papier pour faire des acquisitions. Prenezy garde; ici la question change beaucoup de nature. Le papier qui arrive déshonoré par des pertes entre les mains des créanciers, et que vos décrets ordonnent de recevoir, n'a plus que cette valeur déshonorée. Mais alors d'autres auront mis un prix en argent à ces biens. Le propriétaire de papier-monnaie sera donc obligé de proportionner le prix qu'il donnera au discrédit de son papier. Eh! de quel droit forcerions-nous un papier qui perdrait vingt pour cent? qu'arriverait-il? Il est dans les principes élémentaires de la raison, que la société n'obéisse qu'à la justice, et l'opinion repoussera, malgré la loi, et la loi, et le papier, et l'injustice qu'elle ne peut consacrer. Voilà ce qui aura lieu entre le créancier et le débiteur.

Voyons entre le manufacturier et l'ouvrier. L'argent ne peut

pas exister partout où le papier lui fait la guerre, et le papier lui fait la guerre partout où il n'a pas la préférence. Dans cette guerre le peuple meurt de faim; celui qui n'a que sa journée a besoin d'argent et non pas de papier.

Entre le consommateur et le propriétaire, le propriétaire ne suivra pas le taux que vous avez fixé : il se créera des règles de proportion; il augmentera ses denrées dans le rapport du discrédit du papier. Il viendra un jour où le peuple ne pourra atteindre à ses denrées, et ce jour il maudira les illusions; il maudira l'instant où il a demandé un papier-monnaie qui n'est autre chose qu'une banqueroute. ⚫

Entre le Français et l'étranger, votre change deviendra plus funeste qu'il n'a jamais été; vous verrez l'argent ne vous arriver que pour subir une perte d'un neuvième....

Entre le sujet et le souverain, dites-moi si c'est avec des impôts payés en papier qu'un état peut se soutenir?...

Les raisons n'ont rien de recherché; ce sont des souvenirs qu'elles retracent, c'est l'expérience qui nous les a découvertes. Nos provinces, après 70 ans, n'ont pas oublié leur détresse, et les malheurs dont la génération présente gémit encore.... S'il fallait juger d'après les intérêts des villes, je dirais que la ville de Lyon, qui fait un commerce de 150 millions, ne veut point de papier-monnaie, parce qu'il deviendrait stérile entre ses mains. Les villes de Rouen et de Bordeaux, qui en demandent, n'en voudront plus dans trois mois. Quelques villes de commerce, deux ou trois provinces, qui n'en voudront pas, suffiront pour l'anéantir. Mais qu'avons-nous besoin de tous ces témoignages? Qui n'est pas certain que l'intérêt du propriétaire et du négociant est de vendre au comptant? Le papier s'amoncélera donc dans la capitale ; que deviendra cette malheureuse ville? Par ces considérations, je conclus que le papier-monnaie avec intérêt est une absurdité politique; que le papier-monnaie sans intérêt est une calamité, et je m'oppose, autant qu'il est en moi, et au nom de ma province, à tout papier-monnaie.]

SÉANCE DU 16 Avril.

[M. Bailly fait lecture d'une lettre qui lui a été adressée par le commerce de la ville de Paris, d'après le vœu des six premières places du royaume : cette lettre a pour objet de demander la prompte émission d'assignats-monnaie forcés, dont l'intérêt n'excéderait pas deux à trois pour cent.

M. Bailly. Je n'ai rien à ajouter à ce qui a été dit sur cette importante matière. La ville de Paris est très-intéressée à votre décision. Tous ses approvisionnemens, qui s'élèvent par an à plus de 300 millions, ne peuvent être soldés qu'en argent : ce numéraire rentre ordinairement par la voie des impôts; mais à présent, que la perception est suspendue, les rentrées sont extré mement diminuées.

Les assignats, répandus dans tout le royaume, pourront remédier à cet état de détresse. Le retard du paiement des rentes a produit une grande gêne dans les fortunes, et une grande diminution dans les consommations. Le peuple, qui vit du travail de ses mains, est réduit à la dernière extrémité. Les assignats, en rendant l'aisance, donneront du travail au peuple, et Paris aura enfin sa part dans la prospérité publique. J'ai entre les mains la soumission de la somme de 70 millions, que vous avez voulu que la municipalité se procurât. Conformément à vos ordres, je la soumettrai au comité chargé de prescrire les conditions du traité.

M. de Folleville. Je demande l'impression de la lettre que M. Bailly vient de lire, afin que les provinces sachent qu'on a employé ce grand mobile pour déterminer l'assemblée, incertaine dans une délibération de cette importance.

L'assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette demande.

N....... Je n'ajouterai, aux raisons qui ont été présentées par M. l'abbé Maury et M. Martineau, qu'une seule considération. Vous voulez faciliter les ventes que vous avez ordonnées, eh bien! les capitalistes garderont les assignats s'ils portent intérêt.

M. Mougins de Roquefort. En confondant les dettes du clergé avec celles de l'Etat, vous les faites changer de nature..... Je propose deux amendemens : le premier a pour objet d'assurer aux créanciers du clergé une hypothèque spéciale et privilégiée sur les biens ecclésiastiques; le second, de donner aux créanciers la préférence dans les ventes sur tout autre acquéreur.

M. l'abbé Gouttes. Après les discussions savantes que vous avez entendues, je ne m'en permettrai aucune; j'examinerai seulement quelques objections. Le numéraire est caché; il faut le faire sortir : nous avons de grands besoins, les assignats sont notre seule ressource. Seront-ils établis avec intérêt ou sans intérêt? Voilà la principale question. Si nous donnons aux assignats un intérêt qui soit au-dessous de l'intérêt légal, on nous accuse de mesquinerie; si nous le fixons au même taux, on nous dit que les capitalistes garderont les assignats; mais pour garder les assignats, il faudra bien qu'ils fassent sortir leur argent comptant: ainsi cet inconvénient prétendu devient tout-à-coup un avantage très-réel. L'Etat, dit-on, se trouvera chargé d'intérêts à pure perte; il remboursera des créances dont l'intérêt était plus considérable : voilà donc encore un avantage au lieu d'un désavantage. Quel sera cet intérêt? Il doit être le plus rapproché de celui que nous payons à présent, sans qu'il soit au-dessous, sans qu'il soit au-dessus. Mais faut-il que la circulation soit forcée? Nous établissons un papier-monnaie pour payer nos dettes: notre créancier pourra le refuser, s'il n'est pas en droit de le faire accepter à celui auquel il doit.-Je demande que, pour assurer la retraite des assignats, on ordonne qu'ils seront reçus par préférence dans les ventes, de même que les titres de créance sur le clergé et les effets publics: ainsi vous augmenterez le nombre des acquéreurs, et par cette salutaire concurrence vous accroîtrez le prix des ventes.

M. de Cazalès. Le projet du comité n'est pas nouveau; le comité des dix, dont j'avais l'honneur d'être membre, l'a déjà rejeté unanimement, comme on repousse une injustice et une déloyauté: le premier ministre en a démontré les inconvéniens. On cherche

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