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rentrer l'argent dans le royaume, que de le faire sortir des coffres où il est enfoui: il faut donc leur donner un intérêt assez fort pour engager ceux qui ont de l'argent à échanger leur argent contre des assignats. Dans des circonstances moins orageuses, je n'hésiterais pas à vous dire que vos assignats sont assez bons pour être libres : mais songez qu'assez d'intérêts croient devoir discréditer cette opération; un papier qui d'abord serait frappé de discrédit, aurait bien de la peine à renaître. Si après avoir fait des assignats libres, vous étiez obligés de les forcer, il serait à craindre que cette nécessité ne vous conduisit à la banqueroute. Permettez-moi de vous rappeler que le 19 décembre dernier, M. Roederer et moi nous vous avons proposé à peu près les mêmes opérations; nous concevrions des assignats libres. Les eirconstances ont bien changé; notre opinion a dû changer avec elles.... Je conviens, avec M. d'Aiguillon, de la nécessité de rédiger un plan général et de créer une caisse dans laquelle seraient versés les revenus ordinaires et extraordinaires, et qui pourvoieraient aux dépenses des départemens. Je conclus en adoptant le projet de décret, et en y ajoutant pour amendement ces deux objets.

M. l'archevêque d'Aix. On a proscrit le nom de banqueroute; je croyais que vous aviez proscrit le papier-monnaie. Qu'est-ce qu'un papier-monnaie? Ce sont des billets d'Etat qu'on reçoit respectivement dans tout paiement. On n'appelle pas papiermonnaie des billets d'état libres : le papier-monnaie entraîne donc Fobligation de recevoir en paiement les billets présentés. Cela posé, je raisonne ainsi : le papier-monnaie est l'effet du discrédit, it en est en même temps la cause; il annonce la difficulté des res sources présentes, le doute sur les ressources à venir. Si les ressources ne sont pas certaines, il est donc sur que le paiement du papier-monnaie n'est pas assuré ; le papier-monnaie est donc une banqueroute; le papier-monnaie est donc un mal, puisqu'il faut le faire cesser pour le bien de l'Etat. Si l'hypothèque est suffsante, le confiance naîtra, les assignats sont inutiles; si elle est insuffisante, la défiance est inévitable; c'est alors que le papiermonnaie est nécessaire, mais peut-on assigner une hypothèque

que l'on sait être insuffisante? On dit que le public ne peut pas connaître la suffisance de l'hypothèque; mais en général nous avons à défendre le public de sa crédulité plutôt qu'à redouter sa défiance.... Il faut attendre la fin du travail des commissaires sur la forme des ventes, avant que de déterminer la valeur des assignats.

On observe qu'il s'agit moins d'une création nouvelle, que d'un papier-monnaie qu'il faut remplacer. On doit cent soixante millions à la caisse d'escompte, il restera donc deux cent quarante millions d'assignats : la caisse d'escompte devait payer à bureau ouvert au 1er juillet, ne vaudrait-il pas mieux prolonger sa surséance, que de créer un papier avec un arrêt de surséance.

On donne un intérêt aux assignats pour retirer les cent soixante millions qui sont dus à la caisse d'escompte: cet intérêt est inutile. Il ne sera pas dû pour les deux cent quarante millions restans. On ne peut en effet attacher d'intérêt au papier. L'intérêt est l'indemnité de l'usage d'un capital : on n'a pas donné de capital, on ne peut donc pas réclamer d'intérêt. Si le papier est donné en paiement, le capital est payé : il n'y a donc pas d'intérêt à demander. On sollicite de tous côtés un papier-monnaie : il faut que l'opinion publique soit bien changée. Le papier-monnaie a tant été redouté; les propriétaires de terres, les négocians, les manufactures ont besoin d'argent pour leurs différentes opérations; le papier-monnaie n'étant pas de l'argent, serait funeste au commerce et à l'agriculture. Je demande davantage. Pourquoi créer des billets? Je croirai qu'il nous reste d'autres ressources, tant qu'on ne m'aura pas prouvé qu'elles ont été vainement cherchées.... Si le papier-monnaie porte intérêt, l'Etat perdra loin de gagner à cette opération; s'il ne porte pas d'intérêt en circulant, il ne circulera pas; chacun le repoussera et il reviendra nécessairement à sa source. Ainsi, d'un côté l'Etat ne gagne pas, il perd de l'autre. On veut proscrire les anticipations : c'est un grand bien quand on le peut; ici le supplément est l'établissement d'un papier-monnaie....-Je conclus que tous nos efforts doivent concourir à rendre la liberté aux effets publics, et que le comité

doit être chargé de chercher les moyens de faire des assignats libres.

M. Ræderer. On peut faire à M. l'archevêque d'Aix la même réponse que celle que M. de la Rochefoucault a faite à M. Dupont. On a exposé, avec beaucoup de sagacité, les inconvéniens du papier-monnaie ; il ne s'agit pas d'un papier-monnaie, il s'agit comme on l'a déjà dit, de substituer au papier-monnaie, déjà employé et reconnu pour être désastreux, un autre papier avantageux à la circulation du numéraire et au commerce. Le papiermonnaie est un signe auquel le souverain attache une valeur ; c'est un effet dont le remboursement n'est pas fixé. Il s'agit ici de délégations, d'assignations, avec une véritable hypothèque; et en effet, les porteurs de la délégation et de l'assignation auront nonseulement une hypothèque de quatre cents millions, mais encore une garantie municipale qui assurera le remboursement; ils auront une époque déterminée d'extinction, fixée à deux années. La contribution patriotique, dans le cas où le produit des ventes ne suffirait pas pour rembourser, est destinée à ces remboursemens. Le papier qu'on vous propose, fût-il un papier-monnaie, devrait être adopté, puisqu'il remplace un papier désastreux. Les billets de la caisse n'ont pas de gages physiques, n'ont pas d'intérêt, n'ont point d'époque de paiement déterminé. Le 1er de juillet est trop rapproché pour qu'on puisse espérer de voir à ce terme effectuer les paiemens. Les nouveaux billets auront une époque, plus reculée, mais une époque évidemment certaine. Ce papier se répandra dans tout le royaume. D'ailleurs, et ce qui est décisif, c'est que l'opinion de la capitale et de plusieurs villes de manufactures est favorable à cette opération. Une autre considération importante, est que ce plan vous libère de plusieurs millions d'intérêt par exemple, vous ne vous liquiderez pas avec la caisse d'escompte, vous serez obligés de lui payer 3 pour 100. J'ajoute encore qu'en répandant pour 400 millions d'assignats, vous intéresserez un grand nombre de citoyens à la liquidation de la dette et à l'aliénation des biens du clergé.

J'adopte entièrement la conclusion de M. de la Rochefoucault.

M. l'abbé Maury. Avant de traiter l'importante question d'un papier-monnaie, je demande qu'il me soit permis d'offrir quelques observations rapides sur le dispositif du projet de décret. Quiconque vous avertira de votre puissance pour vous faire oublier d'être juste, sera l'ennemi de votre gloire. Daignez considérer que les créanciers du clergé, qui ne sont pas des agioteurs, mais des pères de famille respectables, ont tous prêté leur argent en achetant une hypothèque sûre, par la perte d'un cinquième d'intérêt. Jamais ces effets n'ont circulé sur la place; jamais un hasard perfide et méprisable n'a pu compenser la modicité de leur produit. Sans doute vous remplirez des engagemens que vous auriez bien su nous engager à remplir, si l'administration de nos biens nous fùt restée. Ce n'est pas notre cause que nous plaidons, c'est celle de nos créanciers ; ce n'est pas à notre intérêt que nous cédons, c'est à notre devoir que nous sommes fidèles, c'est la morale politique que nous invoquons. Il est impossible de porter atteinte à l'hypothèque établie. L'hypothèque est une véritable propriété; des biens ne peuvent changer de mains si l'hypothèque n'est pürgée. Sans doute le corps législatif ne se croira pas exempt d'une loi qu'il impose à tous les citoyens. Vous voulez rétablir le crédit, vous le voulez dans une malheureuse circonstance. Quel crédit auriez-vous si vous violiez la loi générale? Il est de votre honneur, il est de l'intérêt du bien public, qu'une grande nation soit juste. Vous serez donc justes ; vous conserverez dont l'hypothèque, qui doit être à vos yeux une propriété sacrée.

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J'examinerai la question du papier-monnaie avec le saint respect qu'inspire une nation entière; car c'est du bonheur ou du -malheur du peuple français qu'il s'agit. Qu'est-ce que créer un -papier-monnaie? Un orateur distingué par son éloquence, a donné une définition parfaite : c'est voler le sabre à la main. Ce qu'a dit l'honorable membre, je vais le prouver. Je voudrais en ce moment que le royaume entier pût entendre ma voix; je voudrais appeler en témoignage de la pureté de mes intentions, le dernier homme du peuple. Je ne demande pas qu'on y croie, mais qu'on me juge.

Je vais d'abord faire un important aveu. Il faut moins examiner la théorie que la pratique; c'est l'expérience qu'il faut interroger: je vous avoue que j'ai été singulièrement tenté de vous lire le plus beau mémoire qui ait été fait en faveur du papier monnaie. Eh bien! ce chef-d'œuvre, cet ouvrage si fortement raisonné, est celui que Law a lu à M. le régent. Mon respect profond pour cette assemblée m'a seul empêché d'en faire l'essai sur vos esprits. Quand vous l'aurez lu, il n'y aura plus de raisonnement qui puisse vous séduire, puisque tous ceux qu'il renferme, malgré tout ce qu'ils ont en apparence de juste et de convaincant, ont fait le malheur du royaume.

Il n'y a pas de grandes différences entre les assignats et le papier-monnaie; mais ne pensez pas que ces précautions qu'on vous propose doivent rassurer votre patriotisme. Je ne trouve pas dans les assignats les mêmes principes de mort; mais j'en trouve d'autres ni moins prompts ni moins infaillibles. Je com· mence d'abord par écarter une observation : on a dit qu'il ne s'agissait pas d'une première émission de billets, mais seulement d'un remplacement d'effets désastreux. Je vous prierai de considérer, je ne dis pas toutes les fautes, je ne veux accuser personne, mais tous les malheurs dont cette phrase retrace l'idée. Les assignats ont été présentés deux fois, deux fois ils ont été rejetés ; ils reparaissent aujourd'hui avec aussi peu d'avantage. Je vais lire des observations que j'ai écrites pour simplifier mes idées, ensuite je mettrai pour ainsi dire le papier-monnaie hors de cette assemblée; je le ferai circuler dans la société; nous le suivrons dans sa marche.

On a beaucoup parlé de l'établissement du papier-monnaie; mais jamais on ne l'a envisagé sous les grands rapports de l'administration. Un billet de caisse ne peut entrer en circulation que comme signe représentatif d'un dépôt ou d'une dette; c'est pour cela qu'il est remboursable à volonté. Le papier-monnaie, au contraire, entre en circulation comme paiement d'une dette contractée. On prétend que le papier-monnaie n'ayant aucune valeur intrinsèque, doit être payé à présentation et établi avec gages.

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