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400 millions de biens ecclésiastiques et domaniaux. La municipalité de Paris vient vous désigner des biens propres à être vendus. Elle fait plus, elle propose de vous prêter son nom et son crédit, pour accélérer la vente de ces biens. Je ne pense pas que ses propositions puissent convenir à l'assemblée : elle doit s'en tenir à ses premiers décrets; elle ne doit pas emprunter dės municipalités un crédit que les municipalités ne peuvent avoir sans elle. Mais il ne faut pas juger à la hâte le plan qui vous est proposé; il ne faut pas se livrer aux prestiges de l'imagination.

Vous allez travailler pour la nation entière; vous allez travailler pour les gens à argent; n'oubliez pas que les prestiges de l'imagination ne sont pas faits pour les gens à argent. Le plan qui vous est présenté est bon sous quelques rapports; il est intéressant d'adopter ce plan, il est dangereux d'en adopter les intermèdes. Sans doute, il est instant de vendre les biens dont la vente a été décrétée; mais l'assemblée nationale ne doit se charger, ni de publier, ni d'afficher, ni d'adjuger ces biens. Elle ne peut s'occuper de tous ces objets de détail, elle doit les renvoyer aux municipalités. La détresse du trésor public est grande, et le remède doit être prompt. Vous avez décrété qu'il serait fait des assignats : j'observe que ce ne sera point le nom de la municipalité de la ville de Paris qui donnera du crédit à ces assignats, mais bien les objets dont ils seront représentatifs. Ces différentes réflexions me portent à vous proposer de décréter que les maisons religieuses désignées pour être vendues, pourront l'être à compter du jour de la publication du présent décret; que les municipalités seront chargées de cette opération, et qu'elles en rendront compte incessamment à l'assemblée.

M. de Custine. Je n'entreprendrai pas, messieurs, de fixer les avantages et les désavantages de l'établissement d'un nouveau papier-monnaie : je ne vous demanderai pas si ce nouveau papier opérera la destructiou ou le rétablissement de celui de la caisse d'escompte. Je me bornerai à vous entretenir de la proposition qui vous à été faite par la municipalité de Paris: il s'agit d'examiner si le plan de cette municipalité est avantageux aux muni

cipalités en général. Il a été observé, avec infiniment de justesse,

que

la vente qu'on vous propose de faire aux municipalités, et principalement à celle de Paris, peut avoir l'inconvénient d'enlever aux officiers municipaux une partie de la confiance dont ils ont besoin : c'est ce que je vais essayer de démontrer. (On demande que M. Custine se borne à présenter son projet de décret.)

Ce décret a pour but de déterminer que les biens ecclésiastiques et domaniaux seront vendus jusqu'à la concurrence de 400 millions, conformément au décret du 19 décembre dernier; que l'évaluation en sera faite par experts, par-devant l'assemblée de chaque district; que les administrateurs de ces biens seront comptables à la nation du dépérissement qui pourrait avoir lieu par leur faute, négligence, mauvaise volonté ou autre motif; que les fonds des ventes seront versés dans la caisse de l'extraordinaire, pour être employés à la liquidation des dettes de l'État : enfin, que l'assemblée se réserve de statuer sur l'emploi particulier à faire d'une partie de ces fonds.

M. Pétion de Villeneuve. Je crois devoir vous présenter quelques observations très-simples. Plusieurs questions se présentent dans la seule question qui nous occupe elles sont toutes d'une haute importance. Les biens dont vous avez décrété la vente seront-ils vendus par les municipalités? donnerez-vous aux municipalités un bénéfice dans les ventes?vendrez-vous aux municipalités elles-mêmes? quels seront les effets dont vous décréterez l'émission dans le public?--Vous devez faire vendre par les municipalités, parce que vous avez décrété justement une vente que vous ne pouvez faire vous-mêmes. Et quels meilleurs agens que les officiers municipaux? Leur accorderez-vous un bénéfice? Il me semble qu'il serait non-seulement sans inconvénient, mais bon de le leur accorder : il aura cet avantage de stimuler les agens pour accélérer les ventes. Ce bénéfice est d'ailleurs destiné à secourir des classes indigentes ces classes indigentes ont des droits sur les biens ecclésiastiques; il est donc utile et juste de leur faciliter les moyens de recouvrer leurs droits. Il est utile et juste d'accorder ce bénéfice aux municipalités, parce qu'il n'existe pas une mu

nicipalité dans laquelle on n'en puisse faire une juste application : il n'en est pas où il n'y ait un grand nombre d'indigens. - Devezvous vendre aux municipalités; celle de Paris vous propose d'acquérir cette vente, et cette acquisition ne sera rien autre chose qu'une vente fictive; or, je vous demande si vous pouvez dans ce moment vouloir faire une vente fictive? Pour vous engager à la faire, que vous dira-t-on? On vous propose des obligations écrites; on vous fait des offres de crédit. Je ne crois pas que ces offres puissent être faites à l'assemblée nationale. Je demande si une assemblée de Français doit être en peine d'un crédit dont elle n'a pas fait usage? (On donne, d'un côté de l'assemblée, quelques marques d'improbation.)Je m'aperçois qu'on a devant les yeux que l'assemblée a fait quelquefois des opérations à la sollicitation du ministère, on se rappelle que ce qu'elle a fait alors n'a point eu d'effet salutaire.Mais remarquez que nous avons usé notre crédit sans nous en servir; nous n'avons point fait d'opération de finances à nous, véritablement à nous; point d'opération grande, nationale. Nous avons étayé la dernière sur un crédit, je ne dirai pas chancelant, mais entièrement perdu : nous avons associé notre crédit à celui d'une caisse qui n'en avait plus.

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Lorsque vous donnerez au public des gages certains, en échange de l'argent qu'il nous donnera, vous aurez du crédit; vous en aurez, parce que la nation ne peut manquer de confiance dans la nation. Il s'agit aujourd'hui de créer des assignats; il s'agit de les hypothéquer sur des objets existans: pourquoi vous obstineriez-vous à croire que ces assignats n'auront pas de crédit? Je demande quels sont les effets circulans dans le public qui puissent balancer vos assignats? Si donc vous faites une émission de billets qui offrent un gage plus certain que les billets de la caisse, tout le monde préférera les vôtres à ceux-là, et vous paierez ainsi ce que le trésor public doit à la caisse. Il est impossible de ne pas croire que tous les porteurs de billets de caisse viendront les échanger contre les assignats.

Je pense donc que vous devez et que vous pouvez soutenir votre crédit sans aucun secours étranger, et que vous ne devez pas ba

lancer un instant à répondre négativement à la question de savoir si vous étayerez votre crédit du crédit des municipalités. Je vois d'ailleurs un autre inconvénient à accepter la création des effets municipaux que vous propose la commune de Paris : vous avez décrété la vente de 400 millions de biens ecclésiastiques et domaniaux ; la municipalité de Paris vous propose des obligations pour 200 millions. Je vous prie d'observer que si les autres municipalités du royaume ne yous font pas la même demande, vous serez obligés de créer des assignats pour les 200 autres millions. Il arrivera de là que vous aurez en circulation une moitié d'effets municipaux, et une autre moitié d'effets d'une autre nature. Personne ne doute cependant qu'il faut un système général dans les finances.

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Je pense donc que la vente des biens ne doit être faite ni à la municipalité de Paris, ni aux autres municipalités; je pense que les officiers municipaux doivent pourtant être les agens de ces ventes. Je propose un moyen qui me paraît propre à ramener la confiance, c'est de faire vos assignats payables à ordre. On a toujours observé que sur une place où il existe deux sortes de papiers, le mauvais papier circule plus facilement que le bon, parce que chacun cherche à se défaire du mauvais, et garde le bon. Il est donc intéressant de retirer le mauvais papier, je veux dire les billets de caisse, par des assignats, et ces assignats, dans mon opinion, devraient être à ordre, comme des billets ordinaires de commerce; ils seraient recherchés avec empressement et produiraient l'effet que vous devez en attendre.

M. l'abbé de Montesquiou. Si la commune de Paris vous avait seulement proposé de faire exécuter votre décret du 19 décembre dernier, je ne me permettrais pas de faire une seule observation sur sa demande; mais je me crois obligé de vous rappeler vos principes, et vos principes vous défendent d'accéder à la réclamation de la commune. Votre décret portant la vente des biens du clergé pour 400 millions, porte aussi que ces biens ne seront vendus qu'après la désignation qui en aura été faite par les départemens. Ici la désignation n'est point faite par les départemens, mais

seulement par la commune. Lorsque vous avez rendu votre premier décret portant l'émission des assignats, on demandait à quoi serviraient les assignats, et la réponse était qu'ils seraient pris par les créanciers de l'État, Cette réponse n'était-elle pas systématique? Je crois ne pouvoir la comparer qu'à un système des Indiens, qui, lorsqu'on leur demande sur quoi repose la terre, répondent sur un éléphant; et l'éléphant? sur une tortue ; · et la tortue? N'en demandez pas davantage. Voilà, Messieurs, le tableau littéral et vrai des assignats dont on vous présente le projet. Des calculs préalables auraient dù, ce me semble, éclairer cette grande question; et pour arriver à un résultat sûr, il aurait fallu examiner successivement de très-grandes questions. Et d'abord, quels sont les biens du clergé? Quelles sont les charges du clergé? Quelles sommes seront nécessaires pour les dépenses du culte, l'entretien des ministres, et le soulagement des pauvres? La commune de Paris n'a délibéré sur aucune de ces questions; elle a seulement dit, nous vendrons, nous allons augmenter la dette; les moyens de la payer viendront quand ils pourront. Sans doute, Messieurs, il est instant que les biens du clergé soient vendus jusqu'à la concurrence de 400 millions, dont vous avez décrété la vente; cette vente intéresse à la fois la nation et le clergé lui-même, qui, dans mon opinion, ne retrouvera la paix que lorsque vous aurez satisfait à votre décret; mais il faut opérer cette vente d'une manière sage et bien combinée; il ne faut pas qu'une partie des fruits de cette vente se perde dans le gaspillage, et le gaspillage est inséparable des demi-opérations.

Il me semble qu'il serait important de prendre un parti préalable sur les dimes. Vous avez décrété la suppression de la dîme, yous devez en décréter le remplacement. Si on laisse les dimes aux propriétaires des terres, si on cède aux banquiers les propriétés ecclésiastiques en acquit de leurs créances, que deviendront le culte, les ministres des autels, les pauvres et les titulaires? Ne consommez donc pas à là hâte un plan que je crois vicieux, et dønt, selon moi, vous n'avez point assez calculé les

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