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et le droit; je le prouve par des exemples: cette distinction se faisait à Rome. Rappelez-vous les judices ordinarii, les centumvirs, les préteurs, dont le tribunal était tribunal de fait et de droit. En France, on a long-temps counu cette distinction; en Italie, dans le tribunal de la Rotte, on sépare le fait du droit. Il ya en Espagne, en Artois, en Flandre, des tribunaux d'erreur, où l'on distingue proposition d'erreur de droit, proposition d'erreur de fait ces mêmes propositions d'erreur avaient lieu en France avant l'ordonnance de 1667. Vous les avez encore au conseil des parties..... La séparation du fait et du droit a lieu en Angleterre et en Amérique; elle y est regardée avec raison comme la sauvegarde de la liberté politique et de la liberté individuelle. On vous a dit hier qu'en Angleterre la procédure était différente: elle est très-compliquée; son obscurité et sa cherté ne viennent pas de l'institution des jurés. En Angleterre comme à Rome, on n'agit que par formule; il y avait d'abord plus d'actions que de formules; il fallut établir un tribunal pour faire des formules nouvelles. Ce tribunal fut appelé la cour d'équité: ces formules se sont multipliées; les gens de loi les connaissent seuls; cette connaissance exclusive leur a donné un grand empire. Quand les gens de loi ont besoin d'être très-éclairés, ils sont très-nombreux, et quand il est difficile de se passer d'eux, ils mettent un grand prix à leurs services....

On a dit que les jurés seraient des hommes simples, et qu'ils ne pourront faire une distinction difficile: cette distinction est très-facile; elle est chaque jour usitée parmi nous. En effet, tous les mémoires des jurisconsultes distinguent d'abord les faits, puis les moyens..... Si vous n'admettez pas les jurés au civil, tout ce que vous avez fait pour la liberté de votre pays est inutile. Qu'est-ce que des lois? Ce sont des principes, ce sont des abstractions qui ne se réalisent que par l'application. Si les lois peuvent être appliquées contre le peuple, le peuple n'est pas libre. Si votre organisation judiciaire est telle, que la loi puisse être appliquée à d'autres circonstances que celles qui seront présentées; si le juge peut appliquer à la circonstance proposée telle

loi, au lieu de telle autre loi qui appartient réellement à cette circonstance, cédez vos places aux juges, ce sont eux qui sont législateurs. Vous admettrez donc, dans les élections du peuple, des juges de tous les jours, qui, tous les jours, décideront du sort du peuple, et pourront faire trembler le peuple; et vous croiriez être libres! Comme vous l'a dit un opinant, qui a aussi de la réflexion et de l'expérience, ployez la tête, vous êtes indignes de la liberté.

La discussion est fermée.

M. Barrère de Vieuzac présente le projet de décret suivant : L'assemblée nationale décrète que les jurés seront établis dès à présent en matière criminelle, et que les tribunaux seront établis de manière à pouvoir admettre les jurés dans les autres matières, si les législateurs le jugent possible.

M. Garat l'aîné. La plus honteuse des inepties.... (Il s'élève de grands murmures.) Chacun, sur les opinions que chacun propose, est maître des qualifications; et plus la qualification sera juste avec énergie, plus elle sera vraie. Je dis donc que l'abus le plus honteux des inepties pour des législateurs, est de proposer, est de promettre au peuple des lois qu'on ne pourra pas exécuter. (On observe à l'opinant que la discussion est fermée.) Je rejette les jurés, même en matière criminelle, dans nos lois actuelles. Je vous supplie d'écouter une autorité que j'ai là-dessus..... Il faut éviter l'ignorance des jurés pris au hasard : ces paroles ne sont pas de moi; elles sont de M. Turgot, qui s'élève encore du tombeau pour vous éclairer.

M. Fréteau. Quand, dans une délibération, on a des données presque certaines, il faut faire juger d'abord les questions claires. Avant de mettre aux voix si par la suite on pourra admettre les jurés au civil, il faut d'abord décider s'il est nécessaire de donner au peuple cet espoir qui affaiblirait le respect dû par les citoyens aux tribunaux que vous allez créer avant de délibérer sur l'admission des jurés au criminel, on doit décider des questions préalables. Il faut d'abord définir, la réforme de quelques points de la jurisprudence criminelle, sinon vous compromettez la lí

berté des meilleurs citoyens. Vous ne pouvez douter que, dans l'état actuel d'ignorance, les premiers jurés seront composés d'hommes très-peu habiles, et que les juges criminels qui seront à leur tête exerceront sur eux une influence très-grande et trèsdangereuse. La première question à poser est donc celle-ci : < L'assemblée nationale statuera-t-elle sur les jurés avant que le code criminel ne soit formé? »

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M. le Chapelier. La première question est celle-ci : « Admettrat-on des jurés en matière criminelle?» Cette question est la base du code que nous aurons à faire: il faudra rédiger une loi pour l'exécution des jurés ; cette loi consistera dans la réformation de quelques points de notre jurisprudence. Les jurés n'auront pas lieu jusqu'à ce que cette opération sojt faite.... Il faut consoler la nation de n'avoir pas de jurés en matière civile, en lui en donnant en matière criminelle.

M. Desmeuniers. Si on décidait négativement la question proposée par M. Fréteau, le travail sur l'organisation judiciaire serait totalement arrêté. On a discuté pendant neuf jours; voulezvous qu'un temps si bien employé soit totalement perdu? Les jurés en matière criminelle une fois décrétés, il faudra une loi preparatoire; elle sera faite en peu de temps. Je crois donc qu'il faut mettre aux voix ces deux questions: y aura-t-il des jurés en matière criminelle? y aura-t-il des jurés en matière civile? La première, décrétée en oui; la seconde, décrétée en non. Vous commencerez l'organisation de l'ordre judiciaire, et vous ne serez plus arrêtés par d'aussi longues discussions.

La première question est mise aux voix, et décrétée affirmativement à une très-grande majorité et aux applaudissemens de toute la salle.

On propose en amendement à la seconde question ces mots, quant à présent.

L'assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cet amendement,

La seconde question est mise aux voix.

L'assemblée décide qu'il n'y aura pas de jurés en matière ci

vile.

MM. le Chapelier et Tronchet proposent de renvoyer aux comités de constitution et de jurisprudence criminelle la rédaction d'une loi pour mettre les jurés en activité, et de décréter qu'en attendant, les procédures criminelles continueront à être instruites et jugées, jusqu'à ce que cette loi soit rendue.

Ces deux propositions sont décrétées.

MM. Duport, Chabroud et Tronchet sont adjoints à ces deux comités pour ce travail. ]

Ainsi fut terminée cette grande et importante discussion, où fut posé le principe du nouveau système judiciaire; malgré les efforts de Duport, on rejeta l'intervention des jurés en matière civile, nous avons cru ne pas devoir omettre un détail de cette grave délibération, d'où est émanée l'organisation de nos tribunaux actuels; et où l'on trouvera aussi l'indication de tous les perfectionnemens dont ils sont susceptibles.

Finances.

Les questions qui furent agitées en matière de finances pendant ce mois, ne furent pas moins graves que celles dont nous venons de terminer l'exposition. Il s'agit en effet de l'établissement du nouveau système des assignats. Il n'y a point de problême qui soit plus intéressant à étudier, au jour où nous écrivons, maintenant que chacun cherche une solution qui puisse accroître et assurer le crédit, et mettre l'ordre dans l'industrie et les finances. Les essais de l'assemblée nationale ont produit une grande expérience, qui ne doit sans doute point rester stérile. A l'époque où la discussion dont il s'agit commence, les billets de la caisse perdaient au change 55 livres sur ceux de 1,000, 17 livres sur ceux de 300, et 12 livres sur ceux de 200.

Mais, avant d'aborder cette matière, nous donnerons une note authentique qui fut distribuée dans l'assemblée nationale, sur ce fameux livre-rouge dont nous avons vu l'impression ordonnée

dans une précédente séance. On se souvient qu'il contenait la liste secrète des dons faits en argent, aux favoris du pouvoir. Voici, le plus souvent, sous quelle forme ces dons étaient accordés. Lorsqu'on ouvrait un emprunt, les amis du ministre, ou les courtisans en faveur, étaient comptés comme parties prenantes. Ils étaient inscrits pour une rente plus ou moins élevée, et en recevaient le coupon. Mais ce n'étaient pas eux qui fournissaient les fonds : c'était le trésor public qui se payait à lui-même le fonds qu'il était supposé recevoir de ces Messieurs, et pour le compte desquels il se trouvait chargé d'une rente perpétuelle. Il est inutile d'insister sur le désavantage de pareilles opérations, désavantage infiniment plus grand sous cette forme, qu'il ne l'eût été sous celle d'un don une fois fait. Il est inutile de dire quel scandale résulta de la connaissance de ces honteux arrangemens, de ce vol organisé. Les journaux colérèrent ou amusèrent pendant long-temps leurs lecteurs des détails de cet abominable trafic dans lequel on rencontra les noms les plus illustres. L'étendue de notre cadre ne nous permet pas de les suivre dans cette énumération. D'ailleurs, le livre-rouge est imprimé; et quoiqu'il soit rare, il se trouve encore dans les bibliothèques.

Livre-rouge. AVERTISSEMENT.

Le comité des pensions s'était proposé de faire imprimer le livre-rouge, lorsque les objets qui y sont portés le placeraient à son rang dans la collection des traitemens qui est actuellement en distribution. Le dépouillement de ce livre devait être suivi du détail des gratifications extraordinaires, acquis de comptant, et autres objets compris aux ordonnances de comptant, dont la masse est énorme. Mais l'ordre de travail que le comité s'est prescrit, pouvant retarder encore de quelques semaines la publicité des détails contenus dans le livre-rouge, le comité s'est déterminé à le faire paraître dès à présent.

On avertira, à cette occasion, que le livre-rouge n'est pas le seul registre qui contienne les preuves de l'avidité des gens en faveur. Les travaux continuels auxquels le comité se livre, lui

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