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M. de Bonnay, président, fait lecture d'une lettre de M. de Virieu.

En voici les principales expressions : « Je me suis aperçu hier au soir, en donnant ma démission, qu'un grand nombre de voix s'est élevé pour la refuser.... C'est dans le calme de mon âme que j'ai pris ma résolution, après avoir rempli les devoirs que m'imposaient l'honneur que j'avais reçu, et mon respect pour l'assemblée. Ainsi donc, c'est sans retour que j'ai donné ma démission. Je vous prie d'annoncer à l'assemblée qu'elle a un président à

nommer. ›

M. le président engage l'assemblée à se retirer dans les bureaux, au sortir de la séance, pour procéder à une nouvelle élection. M. l'évêque de Nimes. Je demande que l'assemblée mette aux voix si elle accepte la démission de M. de Virieu.

M. de la Chêze. Aucun de vos décrets n'oblige à accepter les fonctions de président. La démission de M. de Virieu a été réitérée. Il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition du préopinant.

M. de Beaumetz. Vous avez chargé votre comité de jurisprudence criminelle de vous présenter un projet de décret sur les conseils de guerre ; il m'a ordonné de le soumettre à votre délibération. M. de Beaunietz lit un projet de décret, dont les principales dispositions consistent à rendre la procédure publique, et à donner un conseil à l'accusé.

M. de Robespierre. Le décret qu'on vous propose est si impor tant, qu'il est difficile de se déterminer après une seule lecture; cependant il est impossible de n'être pas frappé de son insuffisance; il ne fallait pas se borner à réformer quelques détails; mais on devait toucher à la composition des conseils de guerre. Vainement vous auriez donné un conseil à l'accusé, si, comme les autres citoyens, les soldats ne tenaient de vous le droit d'être jugé par ses pairs. Je ne prétends rien dire de désobligeant à l'armée française, en exposant avec force un sentiment que vous trouverez sans doute plein de justice. Il est impossible de dé créter, dans les circonstances actuelles, que les soldats n'auront

pas d'autres juges que les officiers.... (Il s'élève quelques murmures). J'en conviens, il faut du courage pour dire, dans cette tribune, où une expression d'un membre patriote a été interprêtée d'une manière défavorable, qu'il y a entre les soldats et les officiers des intérêts absolument opposés. Si cette réflexion est juste, serez-vous suffisamment rassurés sur le sort des soldats qui pourraient être accusés? Ne craindrez-vous pas que quelquefois cette différence de sentimens sur la révolution ne fasse naître des préjugés contre l'innocence des soldats? ne craindrezvous pas que, sous prétexte de discipline, on ne punisse le patriotisme et l'attachement à la révolution? Mes observations sont conformes aux principes de l'assemblée nationale: elle ne les violera pas, quand il s'agit de la sûreté des braves soldats auxquels nous devons une reconnaissance si sincère et si méritée. — Je demande que désormais le conseil de guerre soit composé d'un nombre égal d'officiers et de soldats.

M. Alexandre de Lameth. Je serais loin d'élever des objections contre le décret qui vous est présenté, si je croyais qu'il pût remplir le but que le comité se propose, le rétablissement de l'ordre dans l'armée; et si, en ne changeant pas la composition du conseil de guerre, il était possible de rétablir cet ordre. Nous ne pouvons, dans les circonstances présentes, laisser le conseil de guerre composé d'officiers : il ne serait pas convenable qu'il fût uniquement composé de soldats; mais je proposerai un mode bien simple par exemple, s'il s'agissait de juger un soldat, le conseil de guerre serait composé de trois personnes du grade de l'accusé, un caporal, un sergent, un sous-lieutenant, un lieuténant, un capitaine et un officier-supérieur. Je ne crois pas cependant que nous devions nous occuper en ce moment de former un conseil de guerre, lorsque nous pouvons appliquer les jurés aux tribunaux militaires. A l'instant où vous aurez décrété les jurés au criminel, les comités militaires et de constitution vous présenteront un projet fondé sur cette base.

M. Desmeuniers. Les deux comités réunis avaient senti et adopté ce que vient de dire M, de Robespierre; mais les bases de

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ses travaux n'étaient point arrêtées; c'est par respect pour les soldats, par reconnaissance pour l'armée, que je demande qu'on donne provisoirement, et dès aujourd'hui, un conseil à l'accusé, ne fût-ce que pour 15 jours.

M. Garat l'aîné. Je ne puis croire que l'assemblée adopte les jurés, même en matière criminelle; mais au militaire, les délits sont si simples, que les jurés pourraient y être appliqués dès aujourd'hui. Cependant, où serait l'inconvénient de décréter, dès à présent, des articles applicables à tous les projets. J'observerai de plus que je ne vois rien qui concerne la récusation, ce point bien important pour les accusés.

On demande l'ajournement.

M. de Baumetz l'adopte et l'appuie.

M. Prieur. Je demande que-si l'on ajourne, tout jugement militaire soit suspendu.

M. le Chevalier de Murinet. Le mode indiqué par M. de Lameth est entièrement suivi à Malte; on y a fait une addition qui tourne au profit du respect dù aux chefs; elle consiste dans l'établissement d'un conseil de révision, composé de trois officiers généraux. Ce tribunal a la puissance d'amender en moins les peines prononcées contre les subordonnés.... En appuyant l'observation de M. Garat, je demande que la récusation soit prononcée et fixée aux trois quarts des juges.

M. de Sillery. Je me suis trouvé à beaucoup de conseils de guerre; j'en connais tous les inconvéniens. Je demande une formation nouvelle des conseils de guerre, et que jusqu'alors il soit sursis à toute condamnation militaire.

M. Barnave examine les différentes opinions à des points fixes, et présente cette conclusion, que l'assemblée ordonne au comité de constitution et au comité militaire de présenter incessamment un projet de formation de tribunaux militaires, et que, jusqu'à ce moment, il soit sursis à tout jugement.

M. de Cazalès. Ce sursis est impossible, à moins qu'on ne veuille consommer en France l'anarchie la plus complète.

M. Charles de Lameth. Je ne crois pas qu'on puisse trouver ce

danger à surseoir à tout jugement militaire; mais si au contraire, on laissait aux plus puissans un moyen semblable, il serait possible qu'ils en abusassent; il se pourrait alors que les plus faibles vissent qu'ils sont plus nombreux, et qu'ils peuvent devenir plus forts; il se pourrait qu'ils voulussent user de leur force, et c'est alors que naîtrait une véritable anarchie. S'il ya eu des désordres dans l'armée, on doit les rapporter, non aux soldats, mais à des causes qui sont dans un sens contraire à la révolution. -- J'adopte entièrement les conclusions de M. Barnave.

M. Desmeuniers. On vous a proposé de renvoyer l'organisation militaire aux comités militaire et de constitution; vous avez depuis long-temps décrété ce renvoi. On vous propose d'ordonner un sursis: le ministre a déjà suspendu tout jugement; il n'y a donc lieu à délibérer, ni sur le renvoi, ni sur le sursis, ou plutôt on doit, sans délibérer, passer à l'ordre du jour.

Suite de la discussion sur les jurés.

M. Brillat Savarin. Je me suis convaincu que l'établissement des jurés, bien loin de procurer les avantages qu'il semblait promettre, n'a pas même ceux de l'ancien ordre judiciaire. Les jurés se renouvelant sans cesse n'auraient jamais les lumières nécessaires à des juges; ils pourraient avoir, au contraire, des préjugés dangereux, ceux des rivalités, des jalousies, de l'esprit de corps. La procédure ancienne évite tous les inconvéniens; le fait et le droit y sont distingués. L'instruction sert à établir le fait; mais voici une raison bien plus forte encore: jamais on n'avait vu moins de procès que dans les six années qui ont précédé l'assemblée nationale. Les ordonnances étaient tellement connues, qu'il n'y avait presque plus de procès de forme. Les coutumes ont été fixées par la jurisprudence; on commençait à jouir de la paix après des siècles de troubles: vous réaliserez cet axiome, nouvelles lois, nouveaux procès. Je pense donc qu'il faut rejeter les jurés, comme dangereux dans leur essence, inutiles dans leurs effets, et inconvenans à nos mœurs actuelles.

Quelques personnes demandent l'impression de ce discours,

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un plus grand nombre réclame la question préalable. — D'autres demandent l'on continue l'ordre du jour. que

Il est continué,

M. Thouret. Je me propose de vous rappeler la motion du 8 de ce mois, tendant à donner la priorité au plan présenté par M. l'abbé Sieyès; c'est ce qu'on appelle en terme de palais, un incident qu'il est à propos d'écarter avant d'en venir à la discussion. Vous avez décidé, le 31 mars, que vous suivriez une série de questions présentées par M. Barrère de Vieusac. Pendant plusieurs jours on a discuté les deux premières questions que pré sentaient cette série. J'ai eu l'honneur d'exposer mon opinion: elle consiste à admettre dès à présent les jurés en matière criminelle, et à différer l'admission des jurés au civil, et comme il faut toujours organiser les tribunaux, j'ai présenté une organisation plus simple, moins dispendieuse, et qui pourrait servir avec ou sans jurés au civil. Six séances ont ensuite été employées à présenter et à discuter des propositions différentes. Les discussions étaient prêtes à se terminer, lorsque l'inclination de quelques membres pour le projet de M. l'abbé Sieyès a fait perdre de vue la marche qui avait été suivie pour en venir à délibérer sur des plans. Un plan est un ensemble, ou il n'est rien : accorder à un plan la priorité, c'est en accorder toutes les bases, ou s'exposer à une discussion inutile; car l'ensemble une fois dérangé, il ne resterait plus rien. Il faut donc examiner sommairement le plan de M. l'abbé Sieyès. On l'a d'abord présenté comme pouvant concilier toutes les opinions; le jury de M. l'abbé Sieyès n'est pas proprement le juré; il ne donne pas l'avantage de la séparation des pouvoirs et des fonctions des jurés et des juges, celle du jugement de fait êt de celui de la peine; cette séparation est cependant le seul moyen par lequel la sûreté individuelle puisse être parfaitement garantie : les jurys de M. l'abbé Sieyès n'ont aucune différence avec les juges. Le projet de cet honorable membre renferme cette phrase: Le juge et le conseil d'instruction feront attention que le présent décret soumet toutes les questions, sans en excepter aucune, question de fait, question de droit, questions mêlées de fait et de droit, jusqu'à la ques

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