Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

tions de l'assemblée, soit le respect dû à ses décrets. Le serment porte ces mots : «Sanctionnés ou acceptés par le roi. › Si M. de Virieu a signé des protestations contre quelques décrets avant qu'ils fussent sanctionnés, ces actes n'en sont que plus coupables, puisqu'ils ont eu pour objet d'influencer l'esprit du monarque même. Quand M. de Virieu voudrait s'excuser par une réticence, au moins est-il vrai qu'à l'époque du serment, les décrets étaient sanctionnés, et que si la protestation a jamais existé, elle existait toujours. Au reste, je demande, et j'en appelle à la conscience de tous ceux qui m'entendent, si dans le moment où M. de Virieu a prononcé son serment, malgré le petit entortillage qui l'a précédé, il est resté à un seul membre de l'assemblée, l'idée que M. de Virieu eût signé un acte de cette nature. Pour moi je n'ai pas cru, d'après son serment, qu'il eût jamais fait de protestations. Quelques membres ont annoncé un sentiment différent; il s'est élevé contre eux un cri d'indignation, qui était celui de la conscience. Je vous demande de quel œil vous pouvez voir, de quel œil le public verra cette restriction mentale et vraiment jésuitique? A Dieu ne plaise que je veuille qualifier de semblables moyens! Je les abhorre sans oser les combattre, et la conscience de l'assemblée les jugera bien mieux que la raison; mais je demande comment M. de Virieu a pu avouer qu'il a signé des protestations, et jurer ensuite qu'il n'a rien signé qui tendît à affaiblir le respect et la confiance dus aux décrets de l'assemblée nationale..... On vous propose la question préalable. Par respect pour la majorité du corps-législatif, pouvez-vous ne pas délibérer sur un semblable objet? Cette circonstance peut avoir une grande influence sur le sort de l'État : vous allez jeter un nouvel éclat sur vous-mêmes, ou ternir la majesté de l'assemblée nationale.

M. l'abbé Maury. La délibération qui vous occupe est liée à plusieurs principes que je demande la permission d'exposer, et parce qu'ils ont été totalement oubliés. C'est un premier principe reconnu par vous qu'une loi ne peut être décrétée à l'instant de son exécution; car alors elle serait plutôt un jugement qu'une

loi : c'est un principe que votre réglement donne à tous les mem bres de cette assemblée le droit de parvenir aux fonctions honorables qu'on peut obtenir de votre confiance : c'est un principe que le serment particulier exigé de vos officiers serait une injure pour votre assemblée : c'est un autre principe que personne n'a le droit d'interpeller légalement, non-seulement le président, mais un membre de cette assemblée, quel qu'il soit; une interpellation n'appartient qu'à un juge, après un commencement de preuve acquise; quand elle n'a pas la certitude d'un fait, une assemblée telle que celle-ci ne doit pas s'en occuper. Je n'examinerai pas si le décret dont il s'agit a été accepté ; mais je dis que je regarde comme naturel à tous les membres de l'assemblée d'être persuadés que quand les circonstances les obligent à souscrire un acte de précaution, ce n'est pas à l'assemblée, mais à leurs commettans qu'ils doivent compte de leurs actions. Ce principe tient au droit qu'ont eu nos commettans de nous donner leurs ordres; mais je pense que quand un homme d'honneur est interpellé, même sans qu'on ait droit de le faire, il doit dire la vérité.

Je n'ai donc pas approuvé le silence de M. le comte de Virieu; et sans m'expliquer sur la conduite que pour sa gloire j'aurais voulu qu'il eût tenue, je me bornerai à dire que le vœu exprimé dans un scrutin par la majorité est un décret. Je ne réclame pas contre le décret par lequel vous exigez un nouveau serment. Je déclare publiquement que j'ai signé le même acte que M. de Virieu. (Une partie des membres placés au côté droit se lèvent pour s'unir à cette déclaration.) En conséquence, comme il est impossible que la minorité donne des lois à la majorité, si vous persistez à exiger le serment, je ne dis pas à M. le comte de Virieu ce qu'il doit faire, mais je déclare que je me regarde comme à jamais exclus de cette assemblée.

M. le conte de Virieu. Rendu dans ce moment à moi-même, à ma qualité de simple membre de cette assemblée, il m'est permis de m'expliquér: peut-être ne le pouvais-je pas quand je n'étais pas moi, et que j'étais à l'assemblée. Je n'ai pas répondu avec dé

tail pour éviter des questions épineuses qui pourraient exciter du trouble, non-seulement dans l'assemblée, mais même dans le royaume entier. J'atteste tous ceux de nos collègues. qui m'ont témoigné quelque confiance, et je les prie de se ressouvenir combien j'ai désiré de rester simple citoyen; on m'a vu repousser toute espèce d'idées ambitieuses; on m'a vu, le 13 juillet, proposer des décrets dont le succès a été utile à la liberté; et si jamais les excès auxquels on s'est livré permettent qu'elle s'établisse en France, on me devra la justice de dire que j'ai concouru à la faire triompher. Quand les choses ont changé, j'ai mis ce même caractère à résister à l'oppression de la multitude, la plus dangereuse de toutes les oppressions; j'y ai résisté au péril de ma fortune, de ma liberté, je dois dire de ma vie, puisque personne ne l'ignore.

C'est d'après toutes ces circonstances que j'ai considéré la sítuation où je me suis trouvé ce matin: j'ai cru qu'il ne m'était pas permis de refuser l'honneur que vous m'accordiez; j'ai dû prendre les qualités de la place où vous m'aviez élevé, et l'oubli de mon caractère a été mon premier sacrifice. Quand on a proposé le décret, je n'ai pas cru devoir donner des explications qu'on ne me demandait pas, et qui auraient pu devenir dangereuses. Le décret prononcé, j'ai dit un fait certain. J'ai vu depuis, par un singulier contraste, des personnes bien opposées prendre soin de ma gloire. Je demande d'abord, comme individu, dans quel cas, dans quel temps, dans quel lieu il peut se faire qu'un homme soit obligé à plus que la loi n'exige, et qu'il soit inculpé pour n'avoir pas présumé plus que la loi ne renfermait?

J'ai dû, comme homme revêtu de la confiance de l'assemblée, éviter ce qui pouvait en troubler la paix: j'ai offert toute espèce d'explication avec la loyauté de mon caractère; j'ai dit que s'il s'élevait quelque réclamation, je descendrais à l'instant du poste où vous m'aviez placé. Me suis-je mal expliqué? C'est un tort de ma diction et non de mon cœur. Je me suis renfermé dans le texte précis du décret; maintenant l'assemblée peut en expliquer le sens. Si on y avait mis autre chose, j'aurais quitté cette place

dangereuse, et j'aurais fait ma profession de moi. Que l'assem blée déclare donc ce qu'elle a voulu dire: qu'elle prononce; je remplirai alors les devoirs que mon caractère m'impose. Il s'agit ici d'une simple explication, et rien ne m'est personnel. Je ne me suis jamais regardé comme inculpé; je n'ai pas mérité de l'être ; et quand on m'accuserait, je croirais devoir braver des jugemens que je regarderais comme l'effet de l'égarement.

Une partie du côté droit applaudit.

On fait lecture d'une motion de M. Alexandre de Lameth; elle consiste à ajouter au serment: « Ou contre les décrets qui ne devraient pas être acceptés ou sanctionnés. Elle a encore pour objet de décider que dans le cas où M. de Virieu ne pourrait pas prêter ce serment, il soit nommé un autre président.

M. Dubois de Crancé. La question n'est pas de savoir si le sens du scrment doit être étendu ; il s'agit seulement de demander à M. de Virieu s'il a signé un acte quelconque tendant à affaiblir le respect et la confiance dus à vos décrets.

M. Garat l'aîné. Si le serment n'était clair, n'était précis, il serait odieux. On ne se joue pas du serment; il ne doit jamais être un piége pour la conscience de celui auquel on l'impose. Le sens du vôtre est de déclarer n'avoir jamais signé, ne vouloir pas signer, être déterminé à ne signer jamais des actes sanctionnés ou acceptés. Le serment est indivisible de l'acceptation ou de la sanction: cela est si évident, que le provocateur du décret, quand il a voulu le faire entendre d'une autre manière, a été obligé d'ajouter un mot à la formule du serment, puisqu'il a dit: Les décrets rendus par l'assemblée. Le mot rendu ne se trouve pas dans la formule. Au surplus, je ne puis concevoir que des membres puissent être exclus des dignités de l'assemblée sans être exclus de l'assemblée même; je ne puis concevoir qu'une assemblée soit divisée en deux espèces d'individus, les uns incapables d'occuper des places, les autres admissibles à ces places; voilà une bizarrerie qu'il est impossible d'admettre: quiconque est indigne de nos places est indigne de cette assemblée. Cela posé, on parle d'un acte particulier, et j'entends une partie de l'assemblée déclarer

qu'elle a souscrit cet acte, qui est, dit-on, celui sur lequel on a entendu faire porter le serment. Le serment prononcé par M. de Virieu est vrai, si cet acte ne regarde pas des décrets sanctionnés et acceptés. Comment se peut-il que nous nous occupions pendant trois heures d'un acte, qui n'est pas connu de l'assemblée, dont l'existence est avouée, et que plusieurs membres semblent s'honorer d'avoir souscrit? Je demande que cet acte soit connu; ou il est dans l'intention du décret accepté, ou il est diffamateur de ce décret; dans ce dernier cas, je ne croirais pas que nous dussions souffrir ici aucun de ses signataires.

La partie droite applaudit.-Une partie du côté gauche demande la question préalable sur toute cette discussion.

L'assemblée consultée, décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer. M. de Virieu, après avoir repris le fauteuil. Il s'agissait de terminer d'une manière tranquille une discussion dangereuse. Il s'agit maintenant de prouver ce que j'ai dit, que je n'ai point ambitionné l'honneur que j'ai reçu.... Je préviens qu'aussitôt que j'aurai parlé, la séance sera levée.... Je résigne entre vos mains une place que je ne crois pas devoir occuper.

La séance est levée.]

SÉANCE DU 28 AVRIL.

[La rédaction du procès-verbal donne lieu à quelques observations que l'assemblée n'adopte point.

M. le Camus. Vous avez décrété hier un nouveau serment; il faut que votre décret s'exécute. Vous en avez entendu faire plusieurs interprétations; beaucoup de bons citoyens ne pourront le prêter tel qu'il est ; moi, par exemple, je ne crois pas pouvoir en prononcer la formule. On ne transige jamais avec sa conscience. Je demande que cette formule soit renvoyée au comité de constitution, pour être de nouveau rédigée.

M. Roederer. La formule du serment est inaltérable, puisqu'elle a été décrétée; vous l'avez de plus consacrée, en décrétant qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur toute espèce d'addition, de changement et d'interprétation.

L'assemblée consultée, décide de passer à l'ordre du jour.

T. V.

16

« ZurückWeiter »