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Art. III. La session des grandes assises durera deux mois et demi en chaque département, et les mêmes grands-juges en tiendront une chaque année en quatre tribunaux de département.

Art. IV. Hors le temps des assises, le tribunal de département, composé des seuls juges sédentaires, jugera à l'audience les appels des sentences interlocutoires et de celles rendues définitivement en matières sommaires ou provisoires, les demandes à fin de surséance ou d'exécution provisoire des jugemens, et généralement toutes les demandes de provision qui seront formées incidemment aux appels.

Art. V. L'appel de toutes les sentences définitives des juges de district, autres que celles rendues en matières provisoires ou sommaires, ne pourra être jugé que sur rapport, et au temps des grandes assises.

Art. VI. Les affaires qui surviendront dans l'intervalle d'une assise à l'autre seront distribuées aux juges sédentaires, à tour de rôle, afin qu'ils en préparent le rapport; ils pourront rendre les ordonnances ou arrêts d'instruction; chacun d'eux fera lors des assises le rapport des procès dont il aura été chargé, et n'y aura point de voix délibérative.

Art. VII. Les grands-juges tenant les assises recevront les représentations des corps administratifs et les plaintes des particuliers sur la manière dont la justice aura été rendue par les juges de district pendant le cours de l'année, et sur la conduite des officiers ministériels; ils réprimeront les abus et puniront les contraventions, à peine de répondre personnellement de leur négligence dans cette partie de leur service.

Il me semble, Messieurs, que ce plan d'organisation, trèssimple, exempt de tous les vices de l'ancien ordre de choses, rendant leur renouvellement impossible, donnant une justice trèsexpéditive et très-rapprochée des justiciables, avec peu de juges et de très-petits frais, réunissant plusieurs des avantages des deux systèmes balancés jusqu'ici, formant des tribunaux qui peuvent être mis très-promptement en activité réelle et faire un bon service avec ou sans jurés; il me semble, dis-je, que ce plan serait propre 12

T. V.

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magistrats un moment, rentrent dans la société pour y être jugés à leur tour.... Il ne peut pas exister de cause sans fait, de jugement sans droit de cette distinction naturelle, : il suit que le fait est destiné à être confié au pair de l'accusé, à des hommes qui habitant les mêmes lieux ont une grande connaissance des faits et des circonstances; à des hommes qui, pris au milieu d'un grand nombre d'hommes, peuvent avoir une grande impartialité. Mais pour l'application de la loi il a fallu des juges qui eussent tout à la fois et la connaissance des lois et l'autorité nécessaire pour faire exécuter leurs jugemens. Un autre principe, c'est que lorsque les juges prononcent sur le fait et sur le droit, il est souvent impossible que les jugemens soient rendus à la majorité : ce principe est prouvé; j'observerai seulement que la méthode proposée par le préopinant, de faire opiner séparément les mêmes juges sur le fait et sur le droit, présenterait plus d'inconvéniens que l'ancienne forme d'opiner. Vous ne remédiez pas à la nécessité de deux tribunaux, et vous gênez de plus l'opinion des juges en les obligeant à prononcer ou contre leur conscience ou contre la loi. Quelle est la différence entre les affaires civiles et les affaires criminelles? Dans les unes, il s'agit de la vie ou des souffrances des hommes; dans les autres, ou de leur fortune ou de leur honneur. Je le demande à vous tous, comme législateurs, comme hommes, comme Français, quel est celui de vous qui met moins d'importance à son honneur qu'à sa vie? L'honneur peut être attaqué tous les jours; ainsi même importance quant à la gravité des cas plus grande importance au civil, parce que les cas se présentent plus souvent.

S'il existe.une différence, elle est uniquement dans la plus grande difficulté de l'application du principe au civil qu'au criminel; aussi ne vous proposerai-je point d'établir aujourd'hui en toute matière les jugemens par jurés. Je vous demande seulement si vous reconnaissez la nécessité de l'établissement des jurés dans l'avenir, et si dès-lors vous devez, dès aujourd'hui, établir le principe au civil et au criminel, comme partie essentielle de la constitution, en vous réservant de statuer sur le moment et sur les formes de l'application.

Je dois terminer par quelques réflexions sur les considérations exposées pour prouver l'impossibilité d'établir dès ce moment les jurés au civil. On vous a dit d'abord que les esprits ne sont pas préparés; que l'ignorance des citoyens, occasionnée par la difficulté de notre législation, empêcherait de se procurer des jurés: je réponds que si l'on veut simplifier la législation et la procédure, il faut simplifier dès à présent l'ordre judiciaire; que si l'on veut simplifier les lois, il faut simplifier les tribunaux. Ne se trouvera-t-il pas dans les chefs-lieux de district des hommes aussi instruits que ceux qui, avec la seule science qu'on achetait dans les universités, faisaient encore l'acquisition du droit de juger en dernier ressort toutes sortes de causes au civil et au criminel?

On craint les mécontentemens des personnes qui seraient privées de leur état ; mais par les jurés on ne détruit pas les juges; mais par les jurés on ne diminue pas le nombre des citoyens livrés à l'instruction des procès : avec les jurés, il faudra instruire le fait, il faudra instruire le droit, il faudra présenter les raisons des parties. Ainsi quand on redoute un soulèvement, on n'a pas bien examiné cet objet. S'il y a des jurés ou s'il n'y en a pas, quand vous simplifierez les formes de la législation le résultat sera absolument le même.

Il peut donc être nécessaire de retarder sur quelque partie l'établissement des jurés et de faire quelques réformes préalables; mais il n'en est pas moins vrai que vous devez tendre avec la plus grande énergie à cet établissement. Vous ne pouvez pas vous refuser de décréter le principe en vous réservant les modifications sur l'application de cette institution et sur le moment de cette application.

Voici le décret que je propose:

« L'assemblée nationale décrète que l'institution des jurés pour juger les questions de fait, tant au civil qu'au criminel, est une partie de la constitution, se réservant de statuer sur le mode et sur le moment de leur établissement dans les différentes parties de l'administration de la justice.>

SÉANCE DU 7 AVRIL.

[M. Reynier. Comment peut-on sérieusement prétendre que l'institution des jurés soit décrétée comme principe général,

tandis qu'on ne sait pas si elle sera possible? Gardez-vous bien de vous exposer aux reproches des siècles à venir, en décrétant un principe d'une exécution impraticable. Celui qui vous a fait une telle proposition a supposé qu'il n'y a que très-peu de difficultés à l'établissement des jurés. Il vous a dit que, s'ils n'étaient pas établis au civil, la liberté serait compromise. Il n'est pas de Français qui ne soit idolâtre de la liberté; et si l'assertion que je combats était juste, je serais le premier à la soutenir. Mais en quoi la liberté politique serait-elle compromise? Il ne s'agit plus de ces grands corps si ambitieux, si dangereux, si despotes; ils ont disparu devant vos décrets. Vous n'aurez que des juges peu nombreux, trop faibles pour vouloir faire le mal, trop sévèrement surveillés pour y réussir. Lorsque je considère comment vous les avez environnés, je relègue dans le pays des terreurs paniques toutes les observations timides ou exagérées qu'on vous a présentées. N'aurez-vous pas contre le juge égaré, contre le juge en démence qui voudrait attaquer la liberté politique tous les enfans de la liberté et de la constitution, l'assemblée nationale permanente, les municipalités, les administrations de districts, de départemens, et les milices nationales? - Voyons ensuite si la liberté individuelle, sans laquelle la liberté politique n'est qu'une chimère, courra quelques dangers, quels seront les juges? Le peuple les choisira; il fera tomber son choix sur celui qui joindra aux talens les vertus populaires du citoyen. Le juge sera citoyen; les fonctions qui lui seront confiées renfermentelles donc un subtil poison qui puisse tout à coup le rendre méchant ou traître. Il ne faut pas faire des suppositions déshonorantes pour l'humanité.

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On prétend qu'il y a une parité complète entre les affaires civiles et les affaires criminelles. Y a-t-il un délit? quel est le coupable? les preuves sont-elles concluantes? Voilà ce que doit examiner l'expert en matière criminelle. Mais quelle différence en matière civile! Dans tous les actes, dans toutes les espèces de contrats, il se trouve très-souvent des clauses sur la signification desquelles les hommes sont divisés : voilà l'origine des procès

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