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adjoints aux procédures criminelles, quoiqu'il n'en faille réunir que deux.

Ne fondons donc pas la réussite sur la supposition que les hommes sont ou vont devenir tout à coup ce qu'ils devraient toujours être, et ce qu'ils ne deviendront que par les progrès de l'instruction et de l'esprit public; ne croyons pas qu'ils soient incessamment convaincus de l'avantage du juré parce que le juré est bon, lorsqu'il va blesser, sous une foule de rapports, les intérêts, les passions, les habitudes et les préjugés; ne croyons pas qu'ils se livreront tout de suite avec zèle au service que cette institution exige parce que ce service est important au bien public, lorsqu'il va imposer aux individus un travail et des gênes personnelles traitons avec les hommes comme ils sont par la nature et par l'opinion; plus il est désirable qu'ils adoptent l'établissement, plus nous devons être soigneux de ménager toutes les convenances propres à les y déterminer.

L'argument tiré de ce que le juré s'exécute en Angleterre sans difficulté, dans la pratique et à la satisfaction du peuple, est sans force ici. A l'époque reculée où le juré était pratiqué en France et fut porté en Angleterre, le caractère, les mœurs, l'état de la législation dans les deux pays étaient favorables à son établissement: nous l'avons perdu depuis, et l'Angleterre l'a conservé: il a pour lui chez ce dernier peuple la continuité de l'usage, les facilités d'exécution qui en résultent, la force de l'habitude, l'au torité de l'expérience et de l'opinion, c'est-à-dire qu'il est soutenu en Angleterrre précisément par tout ce qui contrarie sa rénovation en France.

Dans cette position voici, Messieurs, le parti qui me paraît le plus convenable à prendre: se garder d'établir le juré d'une manière absolue, et comme devant être mis en activité actuelle dans toutes les parties de l'ordre judiciaire; l'introduire cependant partiellement pour quelques-uns des objets qui en sont plus naturellement susceptibles; faire une organisation de tribunaux telle, que, pouvant servir à l'expédition des affaires sans le juré, ils se trouvent propres à en recevoir l'établissement lorsqu'il

pourra être fait d'une manière générale; autoriser et inviter les législatures à s'occuper de tous les moyens qui pourront hâter cet établissement général, et à le mettre en activité aussitôt que la réformation des lois et les autres convenances publiques le permettront.

J'ajouterai quelques courtes réflexions sur chacune de ces propositions.

La première est la conséquence de tout ce que je viens de dire, et si mes observations ont obtenu quelque faveur dans vos esprits elles ont dû vous convaincre qu'il n'y a aucun inconvénient grave, ni pour votre liberté politique, ni pour la liberté individuelle, ni pour la bonne administration de la justice, à ne pas précipiter l'établissement des jurés au civil; qu'il y aurait au contraire de grands inconvéniens à hasarder trop brusquement cette institution, et que c'est en assurer le succès que de la retarder.

L'avantage de ma seconde proposition est que l'établissement des jurés, fait partiellement dans certaines matières, mettra sous les yeux de la nation l'exemple et la pratique de cette méthode, familiarisera avec sa marche et ses effets, et disposera tous les citoyens, les uns par l'exercice même des fonctions qu'elle impose, les autres par l'expérience de son utilité, à l'adopter pour base générale de tout le régime judiciaire.

La poursuite des crimes dans les tribunaux ordinaires, celle des délits qui seront réservés aux tribunaux militaires, et celle des délits de la presse, même quand l'action pour ces derniers serait intentée au civil, sont trois objets pour lesquels il est indispensable de décréter dès à présent l'établissement des jurés. Ne croyez pas cependant que ce décret puisse recevoir incessamment une actuelle exécution; elle est impossible pour toutes les procédures criminelles tant que l'ordonnance qui règle ces procédures ne sera point, je ne dis pas corrigée, mais totalement refaite; il ne suffirait pas ici d'essayer de simples raccordemens; il faut une refonte totale de la loi; les principes et l'exécution matérielle de la procédure, tout doit être changé avant que le juré puisse être mis

en activité. Voilà pourquoi le comité, ayant présumé, avec raison je pense, que ce travail ne pourrait pas être consommé dans le cours de cette session, avait indiqué pour sa plus tardive époque l'année 1792, afin que la prochaine législature ne pût pas se dispenser de le terminer.

Ma troisième proposition est fondée d'une part sur mon désir personnel que le juré soit le plus tôt possible admis généralement, et d'autre part sur l'impossibilité dont je ne peux pas m'ôter la conviction que cet établissement se fasse dans les circonstances actuelles. Ce double point de vue, dont beaucoup de personnes m'ont paru également frappées, m'a fait chercher une combinaisón par laquelle les tribunaux pussent être constitués dès à présent de manière à faire le service momentanément sans le juré, et ensuite avec le juré. Je suis parvenu à un résultat par lequel, en diminuant de beaucoup le nombre des juges, en détruisant toute grande corporation judiciaire, en réunissant l'avantage d'une judicature sédentaire, qui est la continuité du service, avec ceux d'une judicature ambulante, qui sont de détruire l'esprit de corps et de prévenir les affections locales, tous les procès se trouvent terminés définitivement dans les limites de chaque départe

ment.

Je laisse en chaque district un tribunal composé de trois juges seulement, auprès duquel il y a un officier chargé dú ministère public. Je dis un tribunal parce qu'ici, si le mot seul ne fait pas peur, certainement ce n'est pas le fond de la chose qui peut être inquiétant. Ces juges feront alternativement le service des procès criminels avec le juré ; ils jugeront en ce moment les affaires civiles par la forme ordinaire, et ils appliqueront seulement la loi lorsque l'établissement général du juré pourra être formé.

Je n'admets point l'ambulance des juges de district par deux raisons. La première parce que, quand on a abandonné au juré pris sur le lieu, et au juge du lieu dirigeant le juré, la décision du fait, qui est dans tous les procès la partie sur laquelle les fausses impressions produites par les affections et les préventions locales ont le plus de prise, et qui est en même temps l'objet dé

cisif de neuf procès sur dix, il devient presque dérisoire de mettre aux champs les juges qui n'ont plus que la loi à appliquer, lorsque cette application se trouve presque toujours forcée par la décision antérieure du fait, et lorsqu'elle est infiniment moins susceptible que le fait de l'influence des affections locales. Ma seconde raison est que l'ambulance des juges ne peut être admise qu'avec beaucoup de retenue, et en restreignant le plus qu'il est possible le nombre des juges qu'on y soumet. Cette fonction ambulatoire, qui oblige à ne vivre jamais chez soi, à errer de ville en ville, à éprouver, après le désagrément des courses, tous ceux d'une habitation incommode et souvent peu décente, ne peut pas convenir à un grand nombre de juges; on se priverait par-là des services de beaucoup de sujets précieux que leurs goûts, leurs habitudes prises, leur position domestique, éloigneraient absolument de ce genre de vie. Ce serait un mauvais système que celui des juges ambulans si l'on voulait qu'il n'y en eût que de tels en France il peut être utile qu'il y en ait quelques-uns, et je vais moi-même en proposer l'emploi ; mais il en faut peu, afin que le nombre de ces places n'excède pas celui des hommes de mérite à qui elles peuvent convenir, et pour avoir la facilité d'y attacher de forts traitemens qui mettent ces juges en état de voyager et de séjourner dans leurs tournées d'une manière qui soutienne la dignité de leur caractère.

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Je conserve l'appel, dont il me parait difficile d'abroger l'usage et de faire reconnaître l'inutilité ; mais, en le faisant terminer par la voie des assises, dans le chef-lieu de chaque département, les plus grands inconvéniens dont il a été susceptible jusqu'à présent sont sauvés, et ce qu'il a d'utile est conservé.

Je propose pour chaque département un tribunal composé de deux sections, l'une sédentaire, l'autre ambulante : la section sédentaire est composée de trois juges, et la section ambulante de trois grands-juges.

Chaque section de trois grands-juges fait le service dans quatre départemens, en allant chaque année se réunir aux sections sédentaires dans le chef-lieu de chaque département, et y tenir de

grandes assises qui durent deux mois et demi dans chacun, de manière que ces grands-juges ont dix mois de service et deux de

vacances.

Dans l'intervalle des assises de chaque département la section sédentaire juge les appels des sentences dont l'objet est urgent, ceux des jugemens interlocutoires qui suspendraient l'instruction des affaires dans les premiers tribunaux, et généralement tout ce qui requiert célérité; en sorte que le service nécessaire n'est jamais interrompu.

La section sédentaire ne peut pas juger les appels des jugemens définitifs dont l'objet n'est pas provisoire; mais, à mesure que ces appels sont formés, les juges sédentaires se les distribuent à tour de rôle et se préparent à en faire le rapport aux assises.

Lorsque la session des assises est ouverte, à l'arrivée des trois grands-juges, chacun des juges sédentaires fait le rapport des procès dont il a été chargé, et l'arrêt est rendu par les trois grands-juges et les deux autres juges sédentaires séant ensemble. Le rapporteur n'a point de voix délibérative sur son rapport ; outre la raison morale qui fait désirer que le rapporteur s'abstienne d'opiner, il y a ici cette considération particulière qu'il faut par plusieurs motifs assurer aux grands-juges la prépondérance des voix.

Les grands-juges doivent multiplier les séances dans chaque session à raison du nombre des affaires, de manière que tous les appels de l'année soient vidés à chaque assise. C'est aux grandsjuges seuls qu'il appartient de recevoir les plaintes et de s'informer d'office de la manière dont la justice a été rendue dans le cours de l'année par les tribunaux de district.

Voici, Messieurs, comment ce plan pourrait être réduit en articles :

Art. Ier. L'appel des jugemens des juges de district sera porté à un tribunal supérieur établi en chaque département.

Art. II. Ce tribunal sera composé de trois juges sédentaires au lieu de son établissement, et de trois grands-juges qui s'y rendront chaque année pour tenir de grandes assises.

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