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grand nombre qui allaient présenter leurs hommages aux Jacobins. La grande députation de la Bretagne et de l'Anjou réunis alla chez eux lire une adresse et fraterniser.

«Messieurs, leur dit-elle, ceux qui nous ont envoyés nous ont dit:

Dans tous les lieux où vous trouverez des citoyens et des amis de la liberté, allez, en notre nom, leur présenter notre pacte comme un signe d'alliance et d'amitié, et comme le gage le plus précieux de notre estime et de notre dévoûment.

› Dites aux Français de tous les âges et de tous les pays, que nous les conjurons de se coaliser avec leurs frères de la Bretagne et de l'Anjou; dites-leur qu'une fédération générale est le seul moyen d'affermir la révolution, d'établir une surveillance active dans toutes les parties du royaume et de dissiper les projets audacieux des mécontens et des rebelles. >

Les journaux firent mention de cet événement; ils nous apprennent aussi que plusieurs des discours qui furent lus à la tribune de l'assemblée nationale, entre autres, celui de Duport sur la justice, celui de Robespierre sur le marc d'argent, avaient été approuvés aux Jacobins. A l'imitation de Paris, il se formait dans un grand nombre de villes des sociétés des Amis de la constitution. Dès qu'elles étaient établies, elles se donnaient réciproequment avis de leur existence et ouvraient une correspondance. Un journal de l'époque dit qu'on compte sur elles pour soutenir par la parole, la révolution que la garde nationale défend par les armes.

Il est, disait l'Observateur, comme tout le monde sait, deux partis ouvertement opposés dans l'assemblée nationale. Les uns cherchent avec ardeur l'intérêt public; les autres cherchent avec ardeur l'intérêt particulier, c'est-à-dire, le malheur général. Les premiers s'assemblent aux Jacobins. C'est là qu'ils se réunissent avec tous les amis de la constitution pour discuter les bonnes lois à décréter, et préparer les moyens de les faire adopter. Les derniers s'assemblent depuis peu aux Capucins (ce sont ceux que plus haut nous avons vu s'appeler impartiaux). C'est là qu'ils veulent discuter les lois décrétées; c'est là qu'ils veulent établir le foyer de la guerre civile. Ils ont cru séduire le

peuple, en rendant leur assemblée publique, en permettant å chaque particulier de faire ses observations, et en donnant à tous les assistans voix délibérative. Dimanche dernier, une foule de patriotes s'y sout rendus, non pour écouter ces hommes dont ils connaissent les mauvais desseins, mais pour les siffler et les huer comme ils le méritaient. C'est en vain qu'ils ont réclamé justice et liberté. Vous nous avez doané voix délibérative, leur dit un des assistans; la majorité ne veut point que vous teniez votre assemblée; la minorité doit céder. Leurs efforts seront vains, la majorité sera toujours du côté des bons citoyens. › (Observateur, n° 110.)

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AVRIL 1790.

De mois en mois nous voyons l'opposition changer de méthode, mais persister dans sa résistance aux tendances révolutionnaires. Elle ne cède sur aucun détail; elle ne reconnaît pas même le fait accompli. Ainsi, lorsqu'un décret qui attaque ses prétentions a été rendu, bien que le principe général d'où il résulte que tel ou tel privilége est aboli, soit clairement posé, elle chicane sur les moyens d'exécution; ainsi, l'assemblée est obligée de revenir encore, et à plusieurs fois, sur les biens du clergé, sur les droits féodaux, etc., questions qui paraissaient cependant définitivement résolues. Ce que le côté droit fait dans le corps-législatif, chaque individu le fait partout où il a voix ou puissance ; rien, en un mot, de ce qui lui déplaît ne s'exécute que par la force. Evidemment l'aristocratie ne croyait point à la solidité de la révolution; elle avait confiance dans le succès de quelqu'une de ces nombreuses et secrètes menées qu'épiait la défiance publique, et dont tant de conspirations avortées avaient révélé quelque partie. Ainsi, elle cherchait à gagner du temps, et à empêcher une réalisation dont les effets eussent été à jamais acquis, si elle eût été achevée.

Nous attirons l'attention de nos lecteurs sur ce fait, qui n'est que le résumé de tous les événemens que nous avons racontés, que nous trouverons encore. Il faut, pour comprendre la co

et

lère impulsive des patriotes, connaître la mesure des résis

tances.

Dans le mois que nous commençons, les sujets réguliers des occupations de l'assemblée nationale étaient la question judiciaire et la question financière: ainsi fut-il en effet, sauf les nombreuses distractions dont étaient ou furent causes les chicanes, les intrigues.du côté droit. Nous commencerons, ainsi que nous le faisons ordinairement, par exposer les questions organiques.

SYSTÈME JUDICIAIRE.

[Question. Yaura-t-il des jurés, les établira-t-on tant en matière civile qu'en matière criminelle?

SÉANCE DU 5 AVRIL.

M. le baron de Jessé. Si le droit est fondé sur la force publique, la société a le droit de parer; elle ne peut le faire qu'autant qu'elle est offensée; et pour savoir si elle est offensée, il faut qu'elle le déclare ou le fasse déclarer en son nom par un nombre de personnes capables de répandre sur le délit autant de lumières que la société entière, c'est-à-dire par un tribunal. Il faut que l'accusé puisse récuser ses juges. Il n'est pas moins nécessaire que leurs suffrages soient unanimes. Rappelez-vous bien qu'ils représentent l'opinion publique, et qu'il faut qu'elle soit une: autrement il s'ensuivrait que, dans un jugement rendu à la pluralité de sept juges contre cinq, l'accusé serait condamné par deux personnes. Mais, me dira-t-on, on ne condamnerait personne. Dites qu'on ne condamnera aucun innocent.-M. Duport a développé l'établissement des jurés. Est-il en notre pouvoir de refuser une institution bienfaisante, sans laquelle la liberté n'est qu'un mot vide de sens et une pompeuse chimère. On peut bien, en payant quelques deniers de plus, se rédimer de la vexation du fisc; tandis que la main de la justice nous presse dans tous les momens de notre existence, et qu'à la voix d'un ennemi elle peut nous laisser gémir dans l'horreur des cachots. Ne sommes-nous donc pas encore las de ces assassinats juridiques que nous avons lant de fois déplorés? Que de milliers de malheureux ont été con

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damnés par la barbarie de nos lois! Ne négligeons donc point d'établir des jurés; hâtons-nous, nous serions comptables du sang qui peut être versé avant les jours de cette salutaire institution. Si la raison et l'humanité, qui réclament les jugemens par jurés, ne suffisaient pas pour vous déterminer, j'attesterais l'expérience de l'Angleterre, qui fait de cette institution la base de son droit commun. Les Anglais en sont tellement enthousiastes qu'ils avancent que n'étant pas libres par leur constitution, ils le sont par l'établissement de leurs jurés. Ils appellent les jugemens des jurés les jugemens du peuple ou les jugemens de Dieu.

Pour nous, libres maintenant, et qui voulons le demeurer, nous sentirons enfin combien est formidable le droit de juger les hommes. Si le devoir du juge est de poursuivre le citoyen lorsqu'il est coupable, le devoir du législateur est de mettre le juge dans l'impuissance de prévariquer. Jl faut que l'homme, qui doit être prosterné devant la loi, soit toujours libre devant l'homme: ainsi le grand vœu de la société sera accompli. Je conclus à l'adoption des jurés.

M. Prugnon. Les deux premières questions de la série proposée par M. Barrère de Vieuzac, et adoptées par l'assemblée, se confondent nécessairement. Il faut les examiner toutes deux ensemble. Y aura-t-il des jurés en matière civile? y en aura-t-il en matière criminelle? En matière criminelle, ceux qui les demandent ont pour eux tous les hommes instruits, tous les esprits droits, tous les cœurs vertueux; ceux qui les refusent, n'ont pour eux que les bourreaux. En matière civile, peut-on les adopter dès ce moment? L'une des premières sciences des législateurs est le choix du moment. Un talent précieux pour le législateur est l'à-propos. Une institution convenable pour un peuple qui sort des mains de la nature, ne peut nous convenir à l'instant. Le sol de la France n'est pas préparé pour recevoir cette plante native d'Angleterre, et transportée d'Angleterre en Amérique. Commencez par réformer vos lois, votre Code d'instruction; créez une éducation nationale; faites des hommes propres à cette institution, et vous pourrez alors essayer de la na

turaliser parmi vous; rappelez-vous cette charmante idée de. Fontenelle, qui représentait la vérité comme un coin: en présentant ce coin par la partie la plus mince, il entre peu à peu ; autrement il n'entrera jamais. Si donc vous voulez établir les jurés sur-le-champ, et dans un moment aussi peu opportun, vous ne réussirez point, et vous vous priverez du succès que vous auriez pu obtenir en différant. Mais sur quoi délibéronsnous? On nous propose de décréter l'établissement des jurés ; il faudrait savoir comment ils seront établis. Assisteront-ils à l'instruction? Seront-ils choisis par le peuple ou par les parties? Pourront-ils être récusés sans motifs? Jugeront-ils à l'unanimité? Seront-ils renfermés dans une chambre sans feu et mis à la diète? Enfin, quelle est l'acception propre du mot juré? Entend-on les jurés de M. l'abbé Sieyès, ceux de M. de Condorcet? Qu'on s'explique. L'assemblée ne peut délibérer sur ce qu'elle ne connaît pas. Toutes les causes du despotisme judiciaire sont anéanties: vouloir attaquer ce despotisme, c'est vouloir combattre ce qui n'est plus. Ne raccommodons pas le vaisseau en entier pendant une tourmente. Ne pourrait-on pas seulement exiger que les juges décident séparément le fait et le droit? En matière criminelle, on remonte du fait à la loi: ainsi il faudrait mettre au civil le juge en premier ordre, et les jurés en second ordre. C'est contre l'impatience du bien et le désir du mieux qu'il faut nous armer. Un grand homme disait qu'Elisabeth avait dans l'esprit une collection de législateurs. Eh bien! quand cette assemblée serait une collection d'Elisabeth, encore faudrait-il éviter l'idée ou la chimère de la perfection. Méritons le bel éloge que Tacite donnait à son beau-père Agricola: «Il a vaincu la plus grande difficulté, celle de ne pas outrer la sagesse.» Imitons le conquérant de l'Asie... Je sais qu'une constitution devrait être une seule et grande pensée, comme l'univers ; la nature ne nous a pas encore donné son secret. Cessons de travailler en marqueterie : c'est notre défaut habituel; jetons en bronze. Je conclus et je demande qu'en ordonnant aux juges de juger le fait et le droit, la question soit ajournée jusqu'après la réforme du Code; et dans

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