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Ensuite, Desmoulins attaque le Chatelet pour les mêmes faits que lui reprochait Loustalot, et avec non moins de violence. La colère n'était pas seulement chez ces sentinelles avancées du parti révolutionnaire, elle était aussi dans la population. On remarquait que le ministre de la guerre ne présentait point de projet sur la réorganisation de l'armée; que le roi n'avait pas encore sanctionné le décret par lequel l'assemblée nationale avait posé le principe de cette réorganisation. De cette observation, on concluait que la cour voulait conserver l'armée telle qu'elle était pour s'en servir dans quelque but caché. Cette opinion devint tellement générale, que le président de l'assemblée adressa des réclamations dans cesens au ministère. Le 22 mars, il lui fut répondu que sur ses instances réitérées, le roi avait consenti à sanctionner le décret, et qu'incessamment on présenterait au comité militaire un projet d'organisation. Néanmoins, on faisait courir des bruits de conspiration; chaque jour on indiquait quelque nouvelle réunion secrète d'aristocrates. On disait qu'on combinait une invasion sur les frontières avec un soulèvement dans l'intérieur.

› On assure, continue Desmoulins, qu'il y a actuellement à Barcelone une quantité d'aristocrates et de mécontens Français. Ils travaillent en Espagne contre nous.... Il règne cependant une grande intelligence entre le cabinet de Paris et celui de Madrid. Des courriers multipliés se succèdent des deux parts. Parmi ceux venus d'Espagne à Paris, il y en a un qui est un grand seigneur espagnol. Il garde l'incognito, mais il est parfaitement connu, et l'on suit de très-près ses démarches.

« On parle de deux escadres espagnoles destinées, dit-on, l'une, à croiser sur les côtes de Gascogne, l'autre sur celles de Languedoc et de Provence.

› Le roi de Sardaigne met sur pied des troupes que l'on soupçonne destinées à entrer en France. - Le roi de Naples fait des préparatifs comme pour bombarder Alger.

› Il paraît, d'après toutes ces nouvelles, que les mouvemens de ces diverses puissances ont pour objet d'aider le ministère

français, dont les mauvaises intentions sont connues, à renverser la constitution et à opérer une contre-révolution.

› Ces avis expliquent le but des signaux qui avaient été établis de Nice à Toulon, le séjour opiniâtre des troupes royales à Marseille, le projet formé d'en augmenter le nombre, l'approvisionnement de vivres et de munitions de guerre dans les deux forts, les canons et les mortiers braqués sur les citoyens, et les manœuvres sourdes du commandant de cette ville, de laquelle les ennemis du bien public, se proposent de faire le premier foyer des manoeuvres infernales de l'aristocratie agonisante.

› On sait, au reste, que MM. les ambassadeurs de Naples, d'Espagne et de Sardaigne, vont presque tous les jours au château des Tuileries; qu'ils y arrivent à dix heures du matin, et n'en sortent qu'à midi, et souvent même plus tard; ce qui doit naturellement faire croire qu'il y a dans ce moment-ci des négociations importantes, entre notre cour et les leurs, et que leur objet n'est certainement pas de favoriser le nouveau régime.

Il est encore certain qu'il se tient aux Tuileries, chez la femme du roi, un comité composé de M. le garde-des-sceaux, de M. de Saint-Priest, de M. le comte de Merci, ambassadeur de l'empereur, de M. le comte de Reuss, agent secret mais bien connu de la cour de Vienne. On assure que MM. les ambassadeurs de Naples, d'Espagne et de Sardaigne y sont appelés quelquefois.

› Ce comité peut s'appeler comité autrichien, puisqu'il y a été, dit-on, résolu contre les intérêts de la France, de renouveler l'alliance avec la cour de Vienne, et de tenter de faire rentrer les Pays-Bas sous la domination autrichienne. M. de Montmorin ne se prête pas à ces arrangemens politiques; aussi il est assez mal avec la reine.

› On assure que M. l'archevêque de Bordeaux est un des coopérateurs de l'estimable ouvrage des Actes des apôtres. Rivarol fait tout ce qu'il y a de piquant, et M. le garde-des-sceaux s'est chargé des bouffonneries.

› Un plan de M. de la Tour-du-Pin sur la composition de

l'armée a été, dit-on, rejeté dans un comité militaire composé de M. l'archevêque de Vienne, de M. l'archevêque de Bordeaux et de M. le comte de Saint-Priest.... Ce dernier ministre est à ce qu'on assure, l'âme du parti autrichien.» (Révolutions de France et de Brabant, n. 8.)

On assure, disait Carra, le 15 mars, qu'il existe déjà un traité entre la cour des Tuileries et le nouveau roi de Hongrie, pour l'aider à remettre sous l'infâme joug autrichien les provinces belgiques : des manœuvres très-actives ont lieu entre les ministres français et les cours de Madrid et de Naples. Des escadres espagnoles croisent dans la Méditerranée et dans le golfe de Gascogne; les commandans des forts sur les côtes de Provence, et surtout à Marseille, font des préparatifs de guerre. La milice nationale de cette ville maritime n'a point d'armes, et on les lui refuse; le roi n'a point encore accepté le décret constitutionnel sur l'organisation de l'armée, quoiqu'il y ait près d'un mois que ce décret est rendu.... Si les Espagnols ou les Napolitains entrent ou débarquent dans nos provinces, nous leur enverrons d'abord les décrets de l'assemblée nationale, traduits dans leur langue, puis, s'ils insistent et ne viennent pas boire à la liberté universelle, en prenant notre cocarde, nous enverrons leurs extraits mortuaires à leurs parens. Quant aux Belges, nous les défendrons.... Quant à notre armée, nous l'organiserons par le sentiment du patriotisme et par le magnétismede la fraternité.... Amis! redoublons de courage, d'activité, de surveillance et de patriotisme. Une nation comme la nôtre, de 50 millions d'individus, ne peut pas périr. Ce sont ses ennemis qui périront. (Annales patriotiques.)

Extrait d'une lettre de Turin du 12 mars. Il est arrivé ici depuis quatre jours, une personne de Paris, chargée de présenter au comte d'Artois un projet pour opérer une contre-révolution... Pour l'exécution de ce projet on voudrait que le comte d'Artois tâchât d'engager le roi de Sardaigne à prendre fait et cause en fournissant une armée de 25,000 hommes.... On propose de plus, que le roi de Sardaigne cautionne un emprunt de plusieurs mil

lions, et que le roi de Naples soit engagé aussi à fournir de l'argent, ainsi que le roi d'Espagne.... Quand on se serait assuré de Lyon, le roi serait invité à s'y rendre.... L'auteur du projet propose, en même temps, d'engager les princes d'Allemagne qui ont des droits en Alsace, d'y entrer avec dix à douze mille hommes.... Je sais que le comte d'Artois, dans le premier entretien, a dit qu'il ne voulait point de guerre civile, qu'il était bien ici, et qu'il voulait auparavant voir les choses. Or, bien positivement, il n'a donné aucune réponse; et s'il la donne, je la saurai.... ›

Extrait d'une lettre d'un autre correspondant de Turin du 13 mars. Je vais vous donner aussi clairement que je pourrai, l'exposition d'un plan apporté de Paris en grande hâte, par L. C. D.... de la part de D. M. D.... et compagnie, et dont L. M. est auteur. Ce nom est assez imposant pour qu'on se tienne sur ses gardes. (Suivent les détails déjà connus.) Le roi sera enlevé de Paris, et conduit à Lyon.... Je n'ai pas vu ce plan, mais la signora m'en a fait part.... › Ces deux lettres furent rendues publiques par l'Observateur dans son no 89. Dans un numéro suivant, il dénonçait la présence d'un régiment de chasseurs à cheval, caché à Rambouillet; et un conciliabule aristocratique au château de Tury.

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Extrait d'une lettre du premier de ces correspondans déposé le 22, au comité des recherches. C'est M. Maillebois qui a donné Ic plan de la contre-révolution.... Le prince de Condé est nommé généralissime. Le roi de Sardaigne fournit des secours d'hommes et d'argent, le roi de Naples, trois ou quatre millions; le duc de Parme, deux millions. ›

Vers la fin du mois de mars, l'alarme était devenue générale dans le parti patriote, et les espérances extrêmes dans celui de l'opposition. Des groupes commencèrent à se former au PalaisRoyal, sur les boulevards, aux Champs-Elysées; mais la principale cause de ces rassemblemens était la misère et le manque du numéraire. Ce qui le prouve, c'est qu'ils commencèrent par des attroupemens que nécessitaient les négociations des billets de

T. V.

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la caisse d'escompte. Une réunion de plusieurs milliers d'ouvriers alla chez Bailly demander du travail. On menaça de piller la caisse d'escompte. Les jeunes gens s'armèrent de cannes, et coururent Paris par bandes. La violence de la colère politique donna une nouvelle ardeur à ces groupes. On pense bien que la force publique ne resta pas inerte; elle intervint pour dissiper ces réunions. Il y eut quelques arrestations.

Le 28 mars, la Chronique de Paris annonça la conspiration de M. Maillebois. Il avait été dénoncé par son secrétaire et un valet. Il s'était enfui le 22, au château de Tury où il résidait. Son projet avait été porté à Turin par M. de Bonne.

Rien de plus certain que les détails de cette nouvelle conspiration de Maillebois, dit Desmoulins. Au moment où le projet eut été adopté à Turin, on devait répandre un manifeste qu'on engagerait M.... et M.... (sans doute Mounier et Malouet, ou bien J. F. Maury) à rédiger.... Alors, Maillebois avait un plan sûr, disait-il, pour amener le roi et sa femme à Lyon sans encombre. Quel pouvait être ce projet d'enlèvement? l'exécution me paraît difficile? Le vieux général s'était-il adressé à Cagliostro ou plutôt à Blanchard? car je ne vois qu'un ballon qui eût pu sauver les risques....

› Voilà cinq ou six conspirations consécutives: la conspiration des sacs de farine, la conspiration des sacs d'argent, la conspiration Broglie ou Bezenval, la conspiration Augeard, la conspiration Favras, la conspiration Maillebois.

... A CES CAUSES ET AUTRES, à ce nous mouvant, en notre qualité de procureur-général de la lanterne, et de notre certaine science, pleine puissance et autorité, requérons dans chacun des 83 départemens la descente comminatoire d'une lanterne au moins.

On commençait à parler beaucoup du club des Amis de la constitution, sous le nom de club de Jacobins. Il jouissait déjà d'une grande réputation et d'une grande influence; car parmi les députations de province qui venaient présenter des adresses à l'assemblée nationale et à la commune de Paris, il y en avait déjà un

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