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Le caractère de ces événemens donna une nouvelle ferveur aux amis des noirs. Depuis plusieurs mois, il s'était formé un club sous ce nom, dont Brissot faisait partie. Il avait publié plusieurs brochures pour l'abolition de la traite : ils adressèrent, le 4, une pétition à l'assemblée nationale dans ce sens ; mais celle-ci n'avait pas le temps de s'en occuper. Cette société, au reste, avait été établie à l'imitation de ce qui existait à Londres; et, en ce moment même, le parlement anglais s'occupait de l'abolition de la traite. Mais examinons ce qui se passait à Paris, ce second élément du mouvement parlementaire de la révolution.

Paris. Les représentans de la commune continuaient à tenir des séances publiques à l'Hôtel-de-ville; mais, elles n'avaient plus cet intérêt dramatique qu'elles présentaient alors que la capitale était livrée à l'insurrection. Elles étaient en général, occupées d'intérêts locaux, de questions réglementaires et financières. Nous avons vu la proposition pour l'achat des biens du clergé. Cette affaire remplit plusieurs séances. Cependant, au milieu de l'aridité de ces occupations, il y eut plus d'un fait à noter. La commune reçut communication d'un assez grand nombre d'adresses de gardes nationales de provinces à la garde nationale de Paris, avec proposition d'affiliation; elle n'en rejeta aucune. Il semblait qu'elle voulût réaliser, sans l'avouer, un projet présenté par l'abbé Fauchet, vers le milieu de février. Il avait proposé d'unir toute la milice par un pacte fédératif, et de donner le commandement de l'union au général la Fayette, commandant de Paris. Cette proposition fut rejetée. En effet, on y vit le danger de substituer au pouvoir royal, un pouvoir exécutif nouveau; cependant on continua les affiliations. En même temps, l'abbé Fauchet émit un autre projet semblable quant au fond, quoique différent dans la forme. Il n'y avait peut-être aucune des députations qui étaient envoyées d'une province à la constituante, qui ne fût chargée d'une adresse particulière pour la ville de Paris. Si l'on promettait dévoûment à l'assemblée nationale, on jurait assistance et fraternité à la capitale. Prenant texte de cet usage, Fauchet proposa d'établir une fédération entre tous les

municipes de France; fédération dont la tête serait la municipalité parisienne. Cette proposition resta encore une simple tentative.

Le premier de ces deux projets fut repris à l'occasion de la députation de Bretagne que nous avons vue à la barre de l'assemblée le 20 mars, et qui alla encore se présenter à la commune de Paris. M. Broussonnet ouvrit l'avis qu'on invitât toutes les armées citoyennes de France à envoyer chacune un homme sur mille à Paris, pour y prêter le serment d'union devant l'assemblée nationale et le roi. Cette motion fut ajournée; mais l'auteur persistant, déclara qu'il la proposerait aux soixante bataillons de la capitale. Au reste, la municipalité ne se faisait faute d'administrer au-delà des limites que nous fixerions à un pouvoir de ce geure. Nous avons sous les yeux les procès-verbaux manuscrits de son petit conseil qu'on appelait bureau de la ville; et nous y voyons qu'elle commandait des fabrications de poudres; qu'elle en ordonnait des envois; qu'elle continuait d'exercer la censure sur les pièces de théâtre, etc.

La principale affaire des 500 représentans était la formation du projet de loi pour la municipalité de Paris, qu'elle devait présenter au comité de constitution de l'assemblée nationale. Sur la réclamation presque unanime des districts, ils avaient été appelés à l'examiner. En conséquence, ils avaient nommé chacun deux députés qui s'étaient réunis en comité, à l'archevêché, et leur préparaient le travail, les consultant ou passant outre, selon qu'il y avait lieu. Danton en faisait partie, et y exerçait la plus grande influence. Dans cet examen, il se présenta une question qui mit en rumeur tous les districts. Il s'agissait de savoir si les districts de Paris resteraient ce qu'ils étaient, ou seraient de simples assemblées électorales, se séparant aussitôt les élections terminées, ainsi que cela avait été décidé pour le reste de la France. La majorité réclama la permanence des districts, Ce fut une grande affaire qui remua tous ceux qui prenaient quelque part aux affaires de la commune. On chercha à opposer l'opinion de la garde nationale à celle des citoyens réunis dans leurs assemblées; mais ce

fut sans succès: la question resta en suspens, jusqu'au jour où ́ elle fut apportée devant l'assemblée nationale.

La majorité des districts, dit le Moniteur, réclame la permanence de leurs assemblées générales, leur convocation perpétuelle.

› Un pareil ordre de choses détruirait la commune parisienne, y anéantirait la puissance publique, et renverserait tous les droits politiques de la cité : elle est de plus contraire à l'intérêt général du royaume.

› La capitale appartient à l'Etat; elle est le siége du gouvernement, le centre des pouvoirs, le dépôt de la fortune publique, la demeure du souverain; toutes les provinces ont donc un intérêt également puissant à ce que rien n'y subvertisse l'ordre, n'y trouble la marche des affaires, n'y alarme la souveraineté : l'existence de l'empire repose sur ces objets. Elles ont droit, par conséquent, de juger des moyens de leur conservation, et de prononcer sur ce qui pourrait compromettre le respect, la sûreté et la protection qu'on leur doit. J'ose le dire, Paris est au royaume plus encore aujourd'hui que jamais, que toute la force, toute l'autorité nationale s'y trouvent concentrées dans l'assemblée souveraine et la personne du prince.

La capitale peut bien prononcer sur ses intérêts domestiques; elle peut diviser son territoire en un nombre plus ou moins considérable de sections locales; elle peut ordonner le plan de sa municipalité, d'après les lois générales du royaume et les bases de la constitution; mais elle n'a pas le droit de se détruire, de se former en république, de se partager en soixante olygarchies armées; elle doit se soumettre aux décrets portés sur les fonctions et les pouvoirs du corps administratif. Ces décrets veulent, et veulent sagement que les assemblées primaires ne soient qu'électives, et que là se borne leur activité publique.

> A cepoint, la démocratie peut se concilier avec les intérêts d'un grand empire; mais si l'on veut aller plus loin, si donnant aveuglément dans des projets absurdes ou insidieux, l'on attribue à la multitude des fonctions toujours au-dessus de sa nature, et quel

T. V.

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quefois de sa portée; alors le trouble, la confusion, le conflit des autorités amènent le tiraillement dans le gouvernement, la misère, l'anarchie et la ruine publique,

Les provinces ne peuvent pas, ne doivent pas voir avec indif férence une capitale, sinon perpétuellement assemblée, du moins perpétuellement convoquée; toujours prête à communiquer au reste de l'Etat, l'agitation, la rumeur, l'inquiétude de ses propres mouvemens; car, indépendamment des motifs puissans que nous venons de déduire, ce bouillonnement perpétuel du centre de l'empire porterait, à la longue, le desséchement et la stérilité dans toutes ses parties. Il faudrait créer une autre capitale, et ce mouvement violent de la machine publique ne se ferait point sans de grands maux, sans la ruine d'une génération entière.

› L'assemblée nationale a donc droit, au nom de sa puissance, au nom de l'Etat, au nom des provinces, au nom de la raison, de s'opposer à la permanence des assemblées élémentaires de la capitale, comme à un oubli de la constitution, à un exemple dangereux d'égarement politique, qui, s'il était imité par les autres communes, ferait de la France un désert, où les lois céderaient la place au despotisme, cet enfant de la misère et de l'anarchie des peuples.

› La nation assemblée a dit : « Nous voulons élire nos représentans, nos administrateurs; nous entendons borner là l'exercice des droits de citoyens actifs dans nos comités d'élection. › Je demande quelle est la partie de la nation qui a le droit de se soustraire à cette lọi, de lui en opposer une autre, et de détruire ainsi la souveraineté du peuple?

> Toute exagération, toute impatience de la soumission, tout amour de l'agitation, toute crainte chimérique, doivent céder à oe décret de la raison, à peine de désordres et de servitude nationale.

› Paris a donné un grand exemple aux provinces dans ses efforts pour détruire le despotisme; mais il en reçoit un aussi grand, sans doute, dans leur respect et leur soumission à la loi

constitutive de l'Etat, sans laquelle il n'existe ni force, ni bonheur, ni puissance assurée.

⚫ Au reste, il n'est pas exact de dire que la capitale prétende se partager en soixante assemblées olygarchiques: ce vœeu, qui est peut-être celui de la majorité numérique des districts, n'est point celui de l'assemblée représentative de la commune, n'est point celui de la majorité des citoyens.

› Et en effet, il est de connaissance certaine que les assemblées de district ne sont en général composées que d'un petit nombre de personnes ; et cela parce que leur éternelle tenue force ceux qui ont une famille, des affaires, un état, de la propriété, des engagemens, à s'en absenter par devoir et par besoin. Ainsi le vœu émis ne l'est que par un petit nombre des habitans de París, moins liés, peut-être, que les absens, à la tranquillité, à l'ordre, au repos, à la paix, publics; parce qu'en général l'amour de son état, de ses devoirs domestiques, des soins de famille qui éloignent forcément des comices toujours délibérans, toujours agités, cet amour produit l'attachement à toutes les causes de bonheur public que je viens d'indiquer, d'une manière plus étroite qu'un simple goût des discussions politiques, ou des délibérations populaires.

› Des assemblées toujours subsistantes donneraient perpétuellement lieu à des mouvemens publics, des agitations, des inquiétudes; presque uniquement composées d'hommes isolés, par la raison que nous venons de dire, elles offriraient mille moyens aux esprits turbulens d'échauffer, d'égarer la multitude, et de faire prendre à des auditeurs peu éclairés des arrêtés qui lieraient, ou du moins solliciteraient d'une manière importune la masse totale des habitans du quartier, et qui produiraient la haine et la division, un mécontentement général parmi les citoyens.

› Mais le peuple, celui qui ne vit que de son industrie, qui ne subsiste que d'un salaire incertain et modique, cette classe d'hommes qui compose la plus nombreuse partie de la population, cette portion indigente de la société a le plus grand intérêt, celui de son existence, à s'opposer à tout renversement d'ordre,

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