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intentionnés une salutaire terreur. Cependant, il y eut une espèce de compromis. Le premier article proposé par M. de Castellane, fut converti en décret, et le lendemain, sur un rapport spécial, on porta à trente les membres du comité, pour affaiblir par la difficulté du nombre et la longueur des délibérations, l'énergie du pouvoir qui lui était confié.

Nul doute en effet qu'alors l'assemblée n'inclinât vers les partis moyens. Mais parmi ces interruptions qui, occupaient les séances du soir, plus d'une était de nature à rappeler la majorité dans la voie révolutionnaire, ainsi fut-il de celle qui suit.

SÉANCE DU 20 MARS AU SOIR.

[Une députation extraordinaire des ci-devant provinces de Bretagne et d'Anjou, admise à la barre, obtient la permission de parler.

• Députés par trois millions d'hommes malheureux, mais prêts à sacrifier leur vie pour la patrie, nous venons exprimer leurs sentimens et leurs vœux. La Bretagne gémit sous un nouveau genre de féodalité aussi terrible que celui dont vous l'avez délivrée. Vous ne laisserez pas subsister sans doute les usemens de la province.... Votre décret concernant le marc d'argent nous a paru trop rigoureux; nous craignons de voir substituer l'aristocratie de l'opulence à l'aristocratie de la naissance.- Nous ne balançons pas de venir déposer dans votre sein nos sollicitudes. Jamais nous n'avons manqué à nos engagemens, et jamais nous n'y manquerons. Le pacte fédératif entre la Bretagne et l'Anjou vous en est un sûr garant. ›

M. le président. Vos mesures pour soutenir la constitution n'étaient pas inconnues à l'assemblée nationale. Servir la patrie fut toujours un besoin pour les Français, et surtout pour une province belliqueuse, voisine d'un Etat étranger. L'assemblée ne voit dans vos milices qu'un appui pour la liberté, et un gage de prospérité pour la nation.... Elle pesera vos demandes dans sa sagesse ; vous pouvez compter sur sa parfaite équité. »

Le député qui avait déjà porté la parole, demande à faire lecture du pacte fédératif.

M. le marquis de Bonnay. J'avoue que ce mot de pacte fédératif m'en impose; j'entrevois des inconvéniens à en autoriser la lecture.

M. le président met aux voix : l'assemblée décide que le pacte sera lu.

Pacte fédératif des ci-devant provinces de Bretagne et d'Anjou.

« Nous Français, citoyens de la Bretagne et d'Anjou, assemblés en congrès patriotique à Pontivy, par nos députés, pour pacifier les troubles qui désolent nos contrées, et pour nous assurer à jamais la liberté que nos augustes représentans et un roi citoyen viennent de nous conquérir, nous avons arrêté et arrêtons d'être unis par les liens indissolubles d'une sainte fraternité, de nous porter des secours mutuels en tous temps et en tous lieux, de défendre jusqu'à notre dernier soupir la constitution de l'Etat, les décrets de l'assemblée nationale, et l'autorité légitime et reconnue de nos rois. Nous déclarons solennellement que, n'étant ni Bretons, ni Angevins, mais Français et citoyens du même empire, nous renonçons à tous nos priviléges locaux et particuliers, et que nous les abjurons comme inconstitutionnels. Nous déclarons qu'heureux et fiers d'être libres, nous ne souffrirons jamais qu'on attente à nos droits d'hommes et de citoyens, et que nous opposerons aux ennemis de la chose publique toute l'énergie qu'inspirent le sentiment d'une longue oppression et la confiance d'une grande force. Nous invitons et nous conjurons tous les Français nos frères, d'adhérer à la présente coalition, qui deviendra le rempart de notre liberté et le plus ferme appui du trône.

› C'est aux yeux de l'univers, c'est sur l'autel du Dieu qui punit les parjures, que nous promettons et que nous jurons d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir la constitution française.

› Périsse l'infracteur de notre pacte sacré, et prospère à jamais son religieux observateur!

Cette lecture est plusieurs fois interrompue par les plus vifs applaudissemens. L'assemblée ordonne que ce pacte sera inséré dans le procès-verbal, et imprimé pour être envoyé dans toutes les provinces.]

Il faut encore mentionner un incident remarquable, non par son retentissement, mais par son originalité, qui eut lieu au commencement de la séance du 29: nous en empruntons le récit au Moniteur.

[ On remarque, parmi différentes adresses d'adhésion, reconnaissance, etc., celle de la ville de Lagnon, dans laquelle il est dit qu'une mère de famille a rassemblé ses dix enfans, et a juré devant Dieu, avec eux et pour eux, d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi.

M. Goupil de Préfeln. Nous savons tous, Messieurs, combien est grande, noble, auguste, la magistrature des mères de famille. Elles ont sans doute plus de droit à la vénération publique que les femmes qui n'ont point eu le bonheur de la fécondité. Les mères sont les premiers précepteurs des enfans; leurs exemples et leurs conseils peuvent faire des citoyens, ou des hommes qui ne le seront pas. Je demande qu'il soit décrété que toute femme mariée, d'une conduite honnête, sera admise à l'honneur de préter le serment civique dans les mains des municipalités.

On demande l'ajournement de cette motion.

M. Bouche. L'assemblée ne peut ajourner un décret qu'elle a déjà consacré par le fait. Rappelez-vous, Messieurs, cette journée où le roi vint au milicu de vous; rappelez-vous que vous prêtâtes tous, après l'avoir entendu, le serment civique; n'oubliez pas aussi que toutes les citoyennes qui se trouvaient alors dans la salle furent admises à prêter le même serment: le procèsverbal du 4 février fait foi de ce que j'avance. Je demande que la motion de M. Goupil de Préfeln ne soit point ajournée.

L'ajournement est encore demandé; il est mis aux voix et décrété.]

L'ardeur révolutionnaire, d'ailleurs, ne diminuait point dans

les provinces. On lit dans les journaux qu'en Bretagne, on avait encore brûlé quelques chartiers seigneuriaux, insulté des châteaux. Dans le Limousin, dans la Haute-Guyenne, les paysans imitèrent la conduite des provinces voisines; ils se mirent à effacer à leur manière, les traces des servitudes féodales; l'acte décisif de la libération, à leurs yeux, était comme partout ailleurs, la destruction des chartes où étaient écrits les droits de leurs seigneurs. Cela ne pouvait avoir lieu sans qu'il y eût résistance en plus d'un lieu, et violence. La bourgeoisie de quelques villes, vit dans ces mouvemens des campagnes, un désordre qu'elle crut devoir réprimer. Elle fit sortir ses gardes nationales. Les villes de Tulle et de Brives se distinguèrent dans ce dévouement pour l'ordre; il y eut des engagemens assez vifs; il y eut quelques paysans tués, un grand nombre de blessés. Dans un de ces combats, on tua dix de ces malheureux, et on en blessa un plus grand nombre. Dans ces affaires, les habitans des campagnes avaient toujours le dessous ; ils n'étaient guère armés que de bâtons et de fourches, tandis que leurs adversaires avaient des fusils et de la discipline.

Le patriotisme se témoignait par toutes les voies qu'il pouvait ouvrir. Le 7 mars, il y eut à Epinal une fédération de la milice nationale des Vosges. Les députés de diverses communes représentant 80,000 habitans, se prétèrent serment de défendre la constitution. Ce fut une fète qui dura trois jours. En Alsace, en Champagne, comme en Franche-Comté, on imitait cette conduite; et ces provinces se fédéraient, se promettant entre elles de fournir cent cinquante mille combattans pour la défense de la révolution. ‹ Mais, devant ce grand spectacle, dit un journal, que font Metz et Nancy? Pourquoi ce silence? pourquoi cette inaction?.... (Annales patriotiques). Une réunion semblable eut lieu à Orléans pour les gardes nationaux des environs.

L'organisation des municipalités, les réunions des citoyens électeurs, qui avaient lieu par. toute la France, devinrent une nouvelle occasion pour la manifestation de l'esprit public, et après laquelle il ne put rester de doute sur l'opinion nationale.

On remarqua que, dans presque toutes les communes, le pouvoir municipal fut remis à des patriotes; ce fait fut même d'autant plus tranché, que le pouvoir local avait été antérieurement plus aristocratique. En outre, la plupart des réunions électorales terminaient leurs opérations par une adresse d'adhésion à l'assemblée nationale. Aussi il en arrivait chaque jour à Paris par centaines.

Dans beaucoup de lieux, on témoigna autant de doutes pour le ministère qu'on montrait de confiance pour les législateurs. Le ministre avait nommé des commissaires pour présider à l'organisation des départemens et des municipalités. On les reçut en général avec défiance, en sorte qu'il fallut que l'assemblée intervînt par un décret commandant de leur obéir, et fixât la nature, les limites et la durée de leurs fonctions.

L'esprit insurrectionnel s'était étendu jusque dans nos colonies des Antilles. Saint-Domingue s'était créé une assemblée provinciale composée des membres élus parmi les blancs; l'assemblée s'était saisie de tous les pouvoirs constituant et exécutif; elle avait organisé une milice. Le but de cette insurrection est caractérisé par deux faits: elle fit arrêter et emprisonner un M. Dubois, pour avoir dit que l'esclavage des nègres était contraire aux lois chrétiennes et au droit naturel : elle déclara en outre, dans les discussions qu'elle eut à ce sujet avec l'ex-gouverneur et son conseil, qu'elle ne tenait à la métropole qu'à certaines conditions. Cependant, le gouverneur ordonna que M. Dubois fût remis en liberté sans pouvoir l'obtenir. De part et d'autre on écrivit en France. La nouvelle de ces événemens causa une grande rumeur dans les villes maritimes de France. La Martinique s'était également insurgée, et elle avait ouvert ses ports aux étrangers. Il fallait donc que l'assemblée s'occupât de suite de ces colonies. En effet, rapport lui fut fait sur ces événemens le 2 mars. Par suite, on nomma un comité colonial de douze membres, qui en quelques jours eut rédigé un projet d'instruction pour les colonies, qui était encore en discussion à la fin du mois dont nous faisons l'histoire.

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