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pareilles est passé. Vous estimez qu'il faut des juges aussi éclairés, des juges en aussi grand nombre; qu'il faut autant de précautions pour faire quitter à un pauvre sa chaumière, que pour obliger un riche à supporter quelques privations.

Il me reste à vous parler des juges de paix. Cette institution est très-sage: on ne saurait trop favoriser le jugement par arbitrage; je ne pense cependant pas pouvoir le faire entrer dans le système judiciaire des arbitres, sous des hommes qui ne décident pas d'après le droit positif, mais d'après le droit naturel et les connaissances particulières qu'ils ont des localités. Lorsqu'un homme veut être jugé par des arbitres, il déclare qu'il préfère leur volonté à la sienne; lorsqu'il veut être jugé par des juges, il se soumet à la loi. Je crois donc qu'il faut avoir des juges de paix, dont les fonctions seront d'arranger les affaires qui seront portées devant eux. Il sera aussi nécessaire d'établir un juge de police pour les tutelles, les curatelles, les inventaires, etc..... Surtout ne multiplions pas trop les juges; c'est un foyer ardent placé près d'un amas de matières combustibles. Les praticiens et les huissiers ont été plus funestes pour les campagnes que le despotisme et les impôts......... Laissons les procès aux grandes villes, mais respectons les travaux des habitans des campagnes; respectons leurs mœurs..... Si le juge de paix réunit les qualités de juge et d'arbitre, bientôt il ne sera que juge, et le citoyen ne deviendra qu'un plaideur. On sait trop que s'il y avait dix degrés de juridictions, ils seraient tous parcourus pour le plus modique intérêt : c'est donc dans les villes qu'il faut établir les premières bases des tribunaux judiciaires. Il y aura deux hommes de loi par district, sous le nom d'officiers de justice; ils alterneront chaque année pour les fonctions qui leur seront confiées : ils auront un traitement assez considérable. Leurs fonctions seront de trois sortes: 1° Présider les élections annuelles des jurés; présenter aux parties le tableau des jurés; recevoir et donner acte des récusations, et tirer les jurés au sort; 2o expliquer aux jurés le fait; recevoir leurs décisions et leur signature; faire entendre les témoins; ordonner les visites et tout ce qui doit pré

parer le jugement; 3° rendre des sentences provisoires sur les questions possessoires et sur celles qui demandent une décision prompte. Je proposerais aussi d'établir près de ces officiers des solliciteurs publics, chargés de veiller aux intérêts des mineurs et de tout ce qui y est assimilé, et d'assurer l'observation des formes de la loi. Tous les officiers de justice d'un arrondissement, formé par quatre départemens, se réuniraient pour se diviser ensuite en quatre parties; ils iraient tenir des assises dans les lieux autres que leurs domiciles, écouteraient les plaintes des solliciteurs publics, se feraient représenter les procédures, signeraient leur arrêt, et passeraient à un autre lieu.

Il est une objection qui mérite d'être examinée avec le plus grand soin.....

On demande que la suite de cette lecture soit remise au lendemain.- La séance est levée à quatre heures.]

SÉANCE DU MARDI 30 MARS.

M. Duport. Il est une objection qui mérite d'être examinée avec le plus grand soin. Au lieu de faire tenir les assises par des juges ambulans, ne vaut-il pas mieux placer dans certains lieux un ordre supérieur de juges?

Cette idée est fausse. Dans toutes les parties du monde un juge est l'égal d'un autre juge: il faut partout qu'un juge soit éclairé, juste, sage et aimant le travail. La fonction de juger est toujours la même; il n'y a que deux manières de la remplir, bien ou mal: ainsi, tout rapport de supériorité, toute hiérarchie judiciaire répugne à la raison.

Les fonctions des juges d'assises, dont j'ai proposé l'établissement, pouvant être confiées aux officiers de justice, je les leur ai attribuées. Eviter qu'il se forme jamais de tribunaux permanens, empêcher que l'idée de supériorité parmi les juges puisse naître, anéantir la trace d'un régime qui a fait beaucoup de maux, voilà le but où tendent toutes mes vues, voilà l'objet de mon plan. Si je l'avais conçu pour une république, il serait complet, et je m'arrêterais ici; mais nous devons toujours avoir présent à l'es

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prit que la France est une monarchie. Nous devons en conséquence régler toutes nos institutions sur les principes qui conviennent à une monarchie et à l'unité qui la constitue. Notre reconnaissance et nos respects doivent sans doute nous attacher à notre monarque; mais c'est l'intérêt de la nation qui nous attache à la monarchie. Il faut connaître, il faut rejeter avec soin tout ce qui pourrait affaiblir cette forme de gouvernement. On doit donc éviter l'institution qui éloignerait les départemens du centre commun et qui les isolerait; on doit donc adopter celle qui multiplie leurs rapports entre eux, parce que leurs rapports font leur dépendance: ainsi, un tribunal supérieur par département paraît un moyen fédératif, contraire aux principes de la monarchie. Je propose d'établir des arrondissemens de justice composés chacun de quatre départemens. C'est dans le chef-lieu .de ces arrondissemens que serait placé un officier de la couronne ou du pouvoir exécutif; et l'officier civil, qui pourra porter ses plaintes, relativement aux objets qu'il devra surveiller, aux corps administratifs, ou à la législature. —Quarante-huit grands juges, communs à toute la France, seraient nommés par les départemens huit resteraient auprès de la législature; les quarante autres se diviseraient en quatre parties, et tiendraient deux ou quatre assises par an: leurs fonctions seraient de recevoir les jugemens des juges d'assises. Ils pourraient en prononcer la cassation et renvoyer ensuite à d'autres juges d'assises: la troisième fois le jugement serait définitif. Vous avez excepté la ville de Paris du système administratif; je l'excepte aussi de mon plan. Dans cette ville, les inconvéniens de la résidence des juges ne peuvent exister, parce qu'on ne se connaît pas. La capitale forme donc une classe à part. Le séjour de l'assemblée nationale et du roi doit la faire regarder comme un établissement public. Il paraît donc impossible de ne pas régler pour elle une manière différente de procéder, quoique l'on parte du même principe.

Plus la loi est exactement exécutée, plus l'homme est libre. Le puissant qui y échappe, doit désormais être puni par elle; le pauvre s'y réfugie, il doit être défendu par elle. Il faut donc une

surveillance active, pour que les juges ne s'écartent jamais ni des formes, ni des principes de la loi; il faut donc des hommes chargés de veiller pour le maintien de la loi. L'établissement des grands-juges est donc nécessaire; il empêchera ces interprétations, ces applications éloignées qui deviennent des coutumes particulières, et se mettent à la place de la loi..... Là se termine ce qui concerne la décision des affaires; là se terminerait aussi mon travail, si la nouveauté du plan que je présente ne m'obligeait à répondre à quelques objections.

Je ne dirai rien à ceux qui regrettent la hiérarchie des tribunaux ; ma réponse est dans les principes que j'ai établis, et si elle n'est pas suffisante, tout ce que j'ai fait est inutile. Je répondrai aux objections générales, surtout à celle qui a rapport à la prétendue impossibilité de l'exécution de mon plan. Je dirai d'abord un mot sur les juges d'assises : toute dignité, toute majesté est dans le peuple; c'est de cette pompe que s'entourent les trónes. La pompe des juges ambulans sera l'utilité; c'est elle qui est la véritable base de la grandeur et du respect. Les juges seront respectés, parce qu'ils seront utiles; ils auront un traitement honorable; ils ne seront plus découragés par cette supériorité de tribunaux, par cette prétendue souveraineté des cours. Tous les hommes sont égaux; l'égalité de droit est le seul fondement du bonheur et de la liberté. Si cela est vrai, comment rejeter un plan qui établit l'égalité, qui rend la justice simple, facile, usuelle, pour ainsi dire, et qui nous préserve des dangers dont les tribunaux nous menaceraient? Je l'ai dit : il ne faut que reprendre des usages anciens, contemporains de la franchise et de la loyauté.

Je vais répondre à ce qui regarde les jurés. On dira que les procès sont souvent très-compliqués ; que le fait est difficile à reconnaître; que les Français ne sont pas capables d'être jurés; que pour établir les jurés, il faudrait changer toute notre jurisprudence, et qu'on ne doit pas changer tout à la fois. D'abord si on juge des hommes libres par des esclaves, je n'ai pas de réponse.... Plus les principes sont simples, plus il est aisé d'en fa

ciliter la pratique. La distinction du fait et de la loi était connue chez les Romains; depuis long-temps les Anglais la mettent en usage; les États-Unis suivent presque entièrement cette procédure.... On balance à l'adopter au civil; mais qu'on prouve qu'il est impossible d'opiner en même temps sur le fait et sur le droit, sans que sur dix procès six ne soient jugés contre la majorité, et je n'aurai plus rien à répondre.... On a assez prouvé, quand on a dit à celui qui doute de l'exécution d'une idée: depuis mille ans on l'exécute chez un peuple libre; elle a été adoptée chez un peuple plus libre encore. » S'il réplique, s'il dit qu'on agit autrement ailleurs, brûlons de part et d'autre tout, et n'écoutons que la raison. Il faudra, prétend-on, changer entièrement le code civil et le code criminel: peut-on faire une objection de l'heureuse nécessité de détruire un code barbare, auquel vous avez déjà fait de grands changemens? Nommez un comité, et dans moins d'un mois ou de six semaines, il vous aura présenté tout ce qu'il faudra faire pour mettre en action le nouvel ordre de choses. Les instructions que je propose ne sont donc pas impossibles elles ont pour elles la raison et la sanction de l'expérience; mais on oppose quelque chose de plus positif: les procès commencés, les anciennes lois, les anciennes coutumes, l'intervalle du passage d'un ordre à l'autre : telle est l'objection qu'il faut résoudre. Je propose d'établir des tribunaux de justice, nommés par les peuples, pour juger toutes les contestations existantes et celles que les changemens feront naître.... Choisis par les peuples, ces tribunaux seront dans le sens de la révolution: le temps de leur durée sera court et sévèrement fixé, de manière qu'ils ne puissent en éloigner le terme. Il pourrait en être autrement, vous devriez repousser loin de vous cette proposition que le patriotisme a dictée. Pendant que les procès se videront ainsi, et que, pour ainsi dire, l'arriéré se liquidera, une procédure sage, amicale et fraternelle s'établira, et les jurés se formeront: cette liaison néIcessaire entre l'ancien et le nouvel ordre de choses sera conservée. 1

On vous proposera sans doute d'énoncer simplement l'idée des

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